Au départ, ça commence
comme du Luc Besson... Arghhh !!! Xavier Gens filme un
cataclysme à travers le regard de son héroïne puis le reflet d'une
vitre. Une toute petite poignée de secondes, sans doute parmi les
plus colorées de ce Divide
signé du réalisateur, scénariste et producteur français Xavier
Gens qui après s'être fait la main sur quelques courts-métrages à
débuté sur grand écran en 2007 avec deux longs-métrages. Tout
d'abord Frontière(s),
un ersatz plutôt sympathique du film culte de Tobe Hooper Massacre
à la Tronçonneuse,
puis avec Hitman,
l'adaptation d'un jeu vidéo d'action et d'infiltration éponyme créé
par l'entreprise de développement danoise IO
Interactive,
et sorti sur PC au tout début des années 2000. Suivirent ensuite
Lady Blood en
2008 en tant qu'acteur (la suite du Baby Blood
d'Alain Robak sorti dix-huit ans auparavant), La
Horde
en 2009 en tant que producteur, puis The Divide
en 2011. Depuis, Xavier Gens à réalisé l'un des segments de
l'anthologie horrifique The ABCs of Death
en 2012, a réalisé Cold Skin
en 2017, puis successivement en 2018 et 2019, a réalisé Budapest
et produit Papicha.
Comme on peut le constater, pas mal d'horreur, un peu de comédie, de
drame et une touche de S-F...
The Divide
est une œuvre de science-fiction post-apocalyptique qui paraît au
premier abord suivre la trace de certains de ses illustres
prédécesseurs. On pense tout d'abord aux plus récents qui à
l'époque servent de références : 28 Jours
plus Tard
de Danny Boyle, sorti en 2002 (et sa formidable séquelle réalisée
en 2007 par Juan Carlos Fresnadillo, 28 semaines
plus Tard),
Le Temps du Loup
de Michael Haneke la même année, Le Jour
d'Après
de Roland Emmerich (preuve que l'allemand est capable de signer autre
chose que de la merde!) en 2004, Je suis une
Légende
de Francis Lawrence en 2007 ou encore La Route
de John Hillcoat en 2009. Pourtant, ici, pas de vampires ou
d'infectés assoiffés de sang, et la fin du monde ne semble pas être
au cœur des préoccupations du réalisateur. Non ce qui semble
d'abord fasciner le français, ce sont les rapports humains. Mais
loin d'avoir l'intention de nous narrer un joli conte pour petits et
grands, Xavier Gens est plus près de ces auteurs pour qui ce genre
de situation est l'occasion d'exposer une espèce humaine capable de
laisser s'exprimer ses plus vils instincts. Huit rescapés d'un
immeuble qui s'est effondré sur ses fondations se sont réfugiés
dans le bunker que l'un d'eux à construit de ses propres mains. Deux
femmes pour six hommes (dystopie et parité n'ayant ici aucune raison
de se côtoyer) qui vont devoir partager le même espace de
confinement (dehors, l'air est vicié par des particules
radioactives) et le stock de nourriture méticuleusement rassemblé
par le propriétaire des lieux (l'acteur américain Michael Biehn qui
vingt-sept ans après le film culte de James Cameron
Terminator
est à nouveau confronté à un univers post-apocalyptique)...
Les
personnalités se dessinent alors qu'à l'extérieur, des individus
en combinaisons semblent mener des expériences sur de jeunes
enfants. Qui de Eva, Marilyn, Mickey, Josh, Adrien, Elvin, Sam et
Bobby va résister à l'envie de prendre possession des lieux ?
Qui au contraire va profiter de la situation pour montrer son vrai
visage et prendre le pouvoir ? Les esprits s'échauffent petit à
petit et l'ambiance se fait de plus en plus délétère. Ce ne sont
pas tant les quelques saillies sanglantes qui dérangent ici mais la
violence psychologique. Si certains tentent de conserver leur
intégrité morale (Iván González dans le rôle de Sam), d'autres
en revanche s'abandonnent à la fange et à l'impudeur (Rosanna
Arquette dans le rôle de Marilyn) ou à la torture psychologique et
physique (Michael Eklund parfaitement effrayant dans la peau de
Bobby). Xavier Gens accouche d'une œuvre authentiquement
cauchemardesque qui prend la théorie de l'évolution du naturaliste
Charles Darwin à rebours en faisant de ses rescapés, des individus
capables de se comporter pire que des bêtes pour survivre.
Mais
pas que... puisqu'il ne s'agit plus seulement de conservation, mais
de laisser s'exprimer ce que l'âme humaine a de plus sombre. Le Mal
s'empare des esprits mais aussi des corps. Les visages se font
blafards, le regard s'injecte de sang, les parasites colonisent le
cuir chevelu. Tout chez Xavier Gens se délite pour n'être plus
qu'une parodie d'humanité où l'ordre et la morale n'y sont plus
pour mettre un frein aux agissements les plus répréhensibles. The
Divide est
l'une des visions du futur les plus noires et pessimistes que le
septième art nous ait offert. En cela, on peut remercier le
réalisateur ainsi que ses interprètes, tous formidables, la
photographie de Laurent Barès et le score de Jean-Pierre Taïeb de
nous avoir offert un voyage aussi pathologiquement mémorable...