Pour
le néophyte, le cinéma de Sion Sono peut paraître original, complexe,
voire même quelque peu difficile à digérer. Ceux qui sont coutumiers du
fait peuvent en revanche se poser des questions quant au renouvellement
en matière de mise en scène puisque film après film, le réalisateur
japonais emploie des techniques qui paraissent toujours s'inscrire dans
une même procédure. Et puis, demeurent parfois quelques exceptions à la
règle comme ce '' Hiso hiso boshi '' qui demeure encore à ce jour inédit
sur le territoire français. Œuvre de science-fiction atypique, filmée
en très grande partie en noir et blanc et avec aussi peu de dialogues
que d'interprètes, '' Hiso hiso boshi '' peut-être considéré non pas
simplement comme l'un des plus beaux longs-métrages de son auteur mais
comme l'antithèse absolue de l'étonnant '' Antiporno '' qu'il réalisera
en 2017, soit deux ans plus tard. Loin des obsédantes teintes de ce
dernier et de l'habituelle noirceur qui entoure les récits et leurs
personnages, '' The Whispering Star '' ('' Hiso hiso boshi '' à
l'internationale) est d'une quiétude quasi monacale. On ose à peine
prononcer le moindre mot devant ce gouffre immense et sidérant que
représente l'univers qui se déploie devant nos yeux et davantage encore
autour de cette navette en forme de demeure traditionnelle japonaise.
C'est dans cet espace confiné que se déroule le plus gros de l'intrigue
et dans lequel vit Yōko Suzuki (l'actrice Megumi Kagurazaka qui en outre
est l'épouse de Sion Sono)...
Malgré l'apparente absence d'intérêt que peuvent représenter les
nombreuses séquences lors desquelles la jeune femme communique avec
l'ordinateur de bord (lequel rappelle parfois lors de certaines
interactions le HAL de '' 2001, l'odyssée de l'espace '' de Stanley
Kubrick), la monotonie qu'elles évoquent transcende les quelques
passages situés sur des planètes hostiles que Sion Sono a tournées sur
le site de Fukushima où eut lieu un terrible accident nucléaire le 11
mars 2011...
Livreuse intergalactique de colis, Yōko finit par se poser
des questions quant à leur contenu. Et c'est bien là que '' Hiso hiso
boshi '' prend tout son sens. Car malgré des contenus qui apparaîtront
d'une absurdité et d'une inutilité crasse, l'on découvrira plus loin que
leur fonction possède un but bien précis. Tout comme l'héroïne qui ne
sera plus simplement vue comme une livreuse mais viens comme une
messagère. Visuellement, '' Hiso hiso boshi '' est époustouflant. Le
choix du noir et blanc n'est sans doute pas anodin et renforce le côté
pictural de l'œuvre. On pense bien évidemment tout d'abord à David Lynch
lorsque celui-ci réalisa son premier film (et premier chef-d'œuvre) ''
Eraserhaed ''. Les planètes vues du hublot semblent être faites d'un
amalgame de métal et de papier-mâché tandis que l'univers est reproduit à
l'aide de '' Matte-painting '' semblables À des estampes japonaises.
Avare en terme d'ornementation musicale, '' Hiso hiso boshi '' est
cependant parfois enrichi de fulgurances baroques absolument
majestueuses. Et que dire de ce final tourné dans un long tunnel blanc
formé autour de papier washi translucide bâti sur une trame en bois de
bambou si ce n'est qu'il dit tout et met un terme définitif aux
questions que l'on pouvait se poser jusque là... Sion Sono signe avec ''
Hiso hiso boshi '' Un très beau et très profond long-métrage. Pas son
meilleur mais mon Dieu, quelle claque...