Le voyage dans le temps
est un concept qui a fait les beaux jours de la littérature, du jeu
vidéo et plus encore du septième art dans le domaine de la
science-fiction. Mais à trop vouloir exploiter le filon, il a donné
naissance à des dizaines de clones dont les pires représentants ont
vu le jour ces dernières années. Des copier-collés souvent fades
qui ne peuvent, au mieux, que contenter celles et ceux qui attendent
en trépignant d'impatience l'arrivée prochaine de l’œuvre
majeure qui parviendra comme au temps de C'était demain
de Nicholas Meyer en 1979, Retour vers le futur de
Robert Zemeckis en 1985 ou plus récemment Prédestination
de Michael et Peter Spierig, à redorer le blason de l'un des sujets
les plus passionnants du cinéma. Imaginer faire un tour pour revivre
les plus grandes périodes de notre Histoire ou au contraire,
imaginer à quoi pourrait ressembler notre avenir si peu reluisant
puisse-t-on l'imaginer. Un sujet qui semble plus ou moins intéresser
le réalisateur japonais Junta Yamaguchi qui avec Droste
no Hate de Bokura est
sans doute parvenu à s'écarter de la thématique habituelle pour la
prolonger en lui adjoignant une ''protubérance'' qui ici trouve une
logique pertinente. Tout le monde connaît l'effet Droste
sans pour autant systématiquement connaître sa signification.
L'effet Droste est
ce principe de récursivité que l'on retrouve notamment dans la
nature ou plus simplement sur certains emballages de produits de
consommation. Ce principe même consistant à répéter à l'infini
une image tout en la reproduisant en arrière-plan dans des
dimensions moins importantes...
Plus
simplement connu sous le nom d'Effet
Vache-qui-rit,
c'est peut-être sans doute effectivement cette célèbre marque de
fromage qui résume le plus simplement du monde l'effet Droste
avec sa vache dont les boucles d'oreilles reproduisent très
exactement l'emballage. Plus que le thème du voyage dans
le temps, des supposés paradoxes temporels qui y sont souvent liés
et donc des conséquences découlant de la manipulation de ce même
temps, c'est donc bien ici l'effet Droste
qui ajoute sa plus-value au long-métrage de Junta
Yamaguchi. Une alternative sans doute moins friquée et visuellement
moins riche que le Tenet de
Christopher Nolan mais pas moins inventive dans l'élaboration de son
concept et son approche faussement minimaliste. Bien que Droste
no Hate de Bokura puisse
à la longue devenir ennuyeux une fois le concept absorbé, il faut
reconnaître au réalisateur japonais un certain génie dans sa mise
en scène. Car l'idée de mêler voyage dans le temps (ici, deux
minutes dans le futur ou dans le passé) et paradoxes temporels
(lequel n'est finalement que survolé) à l'effet Droste
implique un cahier des charges particulièrement solide en terme de
mise en scène et d'écriture. Surtout lorsque le spectateur
recherchera la petite bête remettant en question la crédibilité de
tel ou tel événement se déroulant à l'image. Filmé en un
plan-séquence (réel ou non, cela n'a aucune importance) Droste
no Hate de Bokura transforme
une paire de téléviseurs en portes donnant sur le passé et sur
l'avenir...
Deux
minutes seulement durant lesquelles une poignée de personnages vont
croiser leurs doubles lors de séquences absolument jouissives qui
font preuve d'une belle maîtrise au niveau de la narration et du
montage. Des séquences qui forcément reviennent en boucle avec ce
décalage de deux minutes, annonçant des idées d'écriture là
encore, remarquablement jubilatoires. Un concept qui au moment même
où l'on pourrait évoquer les limites et la redondance fait
justement intervenir le concept de l'effet Droste.
L'aventure est ainsi relancée au bout d'une demi-heure environ et
projette le récit dans un futur qui aurait dû s'avérer lointain
mais que le budget, les simples éléments de décors ou les
conditions de tournage réduisent à sa plus simple expression. C'est
donc à ce niveau que le film de Junta Yamaguchi trouve ses
faiblesses. On rêve déjà de ce que pourrait donner un tel sujet
mis entre les mains d'un grand cinéaste bénéficiant d'un budget
suffisamment confortable pour donner vie à tous les aspects qui
entourent voyage dans le temps et effet Droste.
Reste que Droste no Hate de Bokura
est une bonne surprise qui n'abusera pas de notre temps puisque sa
durée n'excède pas les soixante-dix minutes...
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