La science-fiction
post-apocalyptique est un sous-genre de la science-fiction à part
entière qui a contaminé les littératures et cinémas du monde
entier. La France n'a d'ailleurs pas été la dernière à se mettre
à l’œuvre car contrairement aux apparences, il faut remonter
assez loin dans le passé pour y trouver quelques exemples de
métrages tombés dans l'oubli. Bien avant l'excellent 2021
que Cyril Delachaux bricola en 2020 avec ses propres moyens, avant le
génial Delicatessen
de Jean-Pierre Jeunet et Marc Caro en 1991, Le
dernier combat
de Luc Besson en 1982 ou le Malevil
de Christian de Chalonge l'année précédente, le réalisateur de
seconde équipe français Charles L. Bitsch fut l'auteur d'un
long-métrage méconnu intitulé Le dernier
homme.
Lui qui fut assistant-réalisateur sur les tournages de Le
doulos de
Jean-Pierre Melville, Landru
de Claude Chabrol ou Le mépris et
Alphaville, une étrange aventure de Lemmy
Caution
de Jean-Luc Godard adaptait à l'écran à la toute fin des années
soixante son propre scénario (rien à voir donc avec le roman
éponyme de la romancière canadienne Margaret Atwood qui fut édité
bien plus tard). Produit par Pierre Meurisse et sorti sur les écrans
le 20 décembre 1970, Le dernier homme
met en scène trois personnages qui par chance se retrouvèrent
coincés sous terre alors qu'au dessus de leur tête une catastrophe
se produisait. Non pas à cause de l'usage d'armes bactériologiques
ou nucléaires mais dont l'origine semble avoir été chimique.
Résultat, tout ce qui ne fut pas mis à l'abri au moment où survint
le drame se retrouva condamné à une mort certaine. C'est ainsi que
Jean-Claude, Catherine et Eva remontent à la surface pour découvrir
que personne au village n'a survécu et qu'ils sont donc les uniques
survivants. Même les animaux n'ont pas été épargnés. À l'image
du cadavre d'un chien que découvrira d'ailleurs Jean-Claude lors de
sa première visite au village. À ce propos, il est intéressant de
noter qu'un chien semble avoir malheureusement fait les frais du
tournage comme en témoigne le court-métrage Le
cabot qu'à
réalisé quelques années plus tard Jean-Pierre Letellier. inspiré
d'une séquence du Dernier homme
lors de laquelle un chien fut tué pour les besoins du film. Une mise
à mort réelle que ne semble d'ailleurs pas avoir apprécié la
censure de l'époque qui interdit toute projection du court-métrage.
Il faudra patienter jusqu'en 2009 pour que soit visible au Centre
Pompidou le 23 avril de cette année là Le cabot
qui fut projeté lors d'un cycle consacré à la Sociologie de
l'absurde...
Corinne
Brill, qui interprète le rôle d'Eva n'a semble-t-il plus jamais
participé au moindre tournage. Quant à Sofia Torkeli qui elle
interprète celui de Catherine, elle n'a tourné que dans cinq
projets durant toute sa carrière entre 1964 et 1974. Reste
Jean-Claude Bouillon, célèbre interprète du personnage du
commissaire Valentin dans la série de Victor Vicas entre 1974 et
1983, Les brigades du tigre.
Décédé en 2017 à l'âge de soixante-quinze ans, l'acteur n'aura
cessé de tourner durant sa carrière, jonglant entre cinéma,
télévision et théâtre. Dans Le dernier homme
, il incarne un Jean-Claude assez peu sympathique. Profitant de son
statut de seul mâle à avoir survécu à l’apocalypse pour adopter
un comportement misogyne qui transparaît lors de ses rapports avec
les deux seules femmes qui vont désormais évoluer à ses côtés
dans un contexte moribond détaillé de manière réaliste à travers
un inventaire parfois saisissant : cadavres d'hommes et de
femmes jonchant le pavé, visages gris et marqués par d'inquiétantes
tâches d'origine inconnue, animaux morts, rats envahissant les rues,
odeurs de cadavres insupportable, architectures délabrées dues à
des inondations, si Le dernier homme
fait figure de parent pauvre d'un genre qui en général propose des
tableaux d'un monde en déliquescence particulièrement saisissants,
l'impression de solitude est par contre plutôt bien retranscrite.
Dans ce nouveau monde où le danger semble tout autant provenir des
risques liés à la contamination que du comportement inquiétant du
personnage masculin incarné par Jean-Claude Bouillon, le réalisateur
parvient à maintenir une certaine tension malgré des moyens
réduits. Le dernier homme demeure
un bel exemple de science-fiction dystopico-apocalyptique à la
française qui obtint L'astéroïde d'or au festival international de Trieste en 1969 et qui mériterait d'être redécouvert...