Cinq millions d'euros.
C'est le budget qui fut alloué au dernier long-métrage du
réalisateur français Frédéric Jardin. Après avoir tourné un
thriller et une poignée de comédies (romantiques ou dramatiques),
ce cinéaste né à Paris le 24 mai 1968 a choisi un genre
cinématographique très en vogue et pour lequel le cinéma américain
est toujours prêt à produire des œuvres à coup de centaines de
millions de dollars. C'est donc doté d'un budget ridicule que
Frédéric Jardin se lance dans un projet ambitieux malgré de
faibles moyens et reposant sur un script que l'on doit à Alexandre
Coquelle et Mathieu Ouillion. Projet auquel ont notamment accepté de
participer l'actrice française Émilie Dequenne et le yougoslave
Arben Bajraktaraj. Un quart de siècle après avoir fait ses débuts
dans Rosetta
de Jean-Pierre et Luc Dardenne pour lequel elle remporta le prix
d'interprétation féminine au festival de Cannes en 1999, Émilie
Dequenne incarne dans Survivre
une épouse et une mère de famille transformée en héroïne
inattendue lorsqu'un événement d'ampleur mondiale survient
lorsqu'elle et sa famille sont à bord de leur petite embarcation.
Tandis que Julia a échappé de justesse à la noyade alors qu'elle
se baignait en plein océan, sauvée par son mari Tom (l'acteur
allemand Andreas Pietschmann), une inversion des pôles magnétiques
terrestres cause un véritable cataclysme. Secoués par une tempête
qui a fait échouer le bateau, elle et sa famille découvrent à leur
réveil que les océans ont disparu et que les continents sont
désormais probablement engloutis sous les eaux... Au départ,
Survivre
est plutôt encourageant. La première partie se déroulant à bord
du bateau est rondement menée. Une approche certes minimaliste au vu
du faible financement dont à bénéficié le long-métrage de
Frédéric Jardin et pourtant, cela fonctionne parfaitement. Si les
mouvements de caméra qui tentent de retranscrire la houle qui fait
tanguer l'embarcation peuvent faire sourire, le réalisateur permet à
son œuvre de prendre une toute autre dimension lorsque les
protagonistes voient s'écraser dans les océans, des satellites en
feu. Une vision anxiogène de la fin du monde sans doute rudimentaire
mais qui laisse malgré tout espérer le meilleur pour la suite. Venu
de nulle part et sans que le scénario n'apporte de motivations très
claires quant à son comportement, un individu louche doté d'un
harpon et accompagné par un chien va très rapidement se montrer
agressif envers la petite famille qui sera endeuillée par la mort du
père. Ce tueur impitoyable qui poursuivra les survivants à travers
à les abysses des océans désormais débarrassées de la moindre
trace d'eau est incarné à l'écran par Arben Bajraktaraj.
Un
acteur au profil intéressant que le public pu notamment
découvrir en 2008 grâce au personnage de Marko qu'il interpréta
dans Taken
de Pierre Morel. Une fois le corps de Tom laissé derrière eux,
Julia et ses deux enfants partent retrouver à des kilomètres de
distance un certain Nao (Olivier Ho Hio Hen) avec lequel ils étaient
parvenus à communiquer et réussi à lui faire promettre de les
aider à sauver Cassie et Ben. Deux adolescents incarnés par Lisa
Delamar et Lucas Ebel pour lesquels Survivre
est la première occasion de tourner pour le cinéma. Sympathique
petit film de science-fiction post-apocalyptique mâtiné de
survival, le film de Frédéric Jardin est, au delà du fait que le
budget soit minuscule, parfois très maladroit. Doté de magnifiques
et stupéfiants décors marocains, Survivre
multiplie les invraisemblances. Si la radiocommunication entre la
famille et Nao est crédible puisqu'elle ne nécessite pas la
présence de satellites en orbite autour de la Terre, il demeure des
phénomènes qui ne peuvent empêcher le spectateur de pouffer de
rire. Car plus que la menace d'un tueur lancé sur les traces de
Julia et de ses deux enfants, c'est bien la présence de milliers (de
millions?) d'arthropodes affamés se déplaçant à une stupéfiante
vitesse (tout en ayant suffisamment de force pour déplacer le corps
d'un homme qui ne doit pas peser loin de quatre-vingt kilos!) qui
fait sourire. Derrière le récit se cache ensuite un message
écologiste touchant de naïveté, le budget contraignant une fois de
plus à quelques sacrifices comme l'observation minimaliste de ces
quelques sites qui renvoient aux déchets ménagers ou radioactifs
balancés par l'homme dans les océans. Il demeure malgré tout
quelques visions marquantes. Comme cet immense cargo posé en travers
des anciens fonds marins, charriant des dizaine de containers.
Séquence hautement mais involontairement drôle où notre petite
famille se retrouve face à ce que l'on suppose être des survivants
du Cargo qui refusent de leur venir en aide alors qu'une invasion
d'arthropodes se profile à l'horizon. Voir ces derniers se réfugier
dans ce qui deviendra fatalement leur tombe est à mourir de rire.
Surtout si l'on suppose qu'ils étaient déjà préparé à cette
situation puisque l'on comprend qu'ils y font face pour une énième
fois ! Et que penser de ces anciens fonds marins ? Sans
coraux ? Sans cadavres ou presque d'animaux marins, à part un
requin-marteaux et une poignée de minuscules poisson barbotant dans
de petites mares putrides ? Bref, si le projet cinématographique
n'est pas pleinement, accompli de part ses incohérences
scénaristiques ou de part ses limites budgétaires qui imposent à
son auteur de faire avec les moyens du bord, Survivre
n'en est pas moins une œuvre généreuse, visuellement magnifique et
portée par une Émilie Dequenne totalement investie dans son rôle...
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