mercredi 23 octobre 2024

Survivre de Frédéric Jardin (2024) - ★★★★★★☆☆☆☆

 


 

Cinq millions d'euros. C'est le budget qui fut alloué au dernier long-métrage du réalisateur français Frédéric Jardin. Après avoir tourné un thriller et une poignée de comédies (romantiques ou dramatiques), ce cinéaste né à Paris le 24 mai 1968 a choisi un genre cinématographique très en vogue et pour lequel le cinéma américain est toujours prêt à produire des œuvres à coup de centaines de millions de dollars. C'est donc doté d'un budget ridicule que Frédéric Jardin se lance dans un projet ambitieux malgré de faibles moyens et reposant sur un script que l'on doit à Alexandre Coquelle et Mathieu Ouillion. Projet auquel ont notamment accepté de participer l'actrice française Émilie Dequenne et le yougoslave Arben Bajraktaraj. Un quart de siècle après avoir fait ses débuts dans Rosetta de Jean-Pierre et Luc Dardenne pour lequel elle remporta le prix d'interprétation féminine au festival de Cannes en 1999, Émilie Dequenne incarne dans Survivre une épouse et une mère de famille transformée en héroïne inattendue lorsqu'un événement d'ampleur mondiale survient lorsqu'elle et sa famille sont à bord de leur petite embarcation. Tandis que Julia a échappé de justesse à la noyade alors qu'elle se baignait en plein océan, sauvée par son mari Tom (l'acteur allemand Andreas Pietschmann), une inversion des pôles magnétiques terrestres cause un véritable cataclysme. Secoués par une tempête qui a fait échouer le bateau, elle et sa famille découvrent à leur réveil que les océans ont disparu et que les continents sont désormais probablement engloutis sous les eaux... Au départ, Survivre est plutôt encourageant. La première partie se déroulant à bord du bateau est rondement menée. Une approche certes minimaliste au vu du faible financement dont à bénéficié le long-métrage de Frédéric Jardin et pourtant, cela fonctionne parfaitement. Si les mouvements de caméra qui tentent de retranscrire la houle qui fait tanguer l'embarcation peuvent faire sourire, le réalisateur permet à son œuvre de prendre une toute autre dimension lorsque les protagonistes voient s'écraser dans les océans, des satellites en feu. Une vision anxiogène de la fin du monde sans doute rudimentaire mais qui laisse malgré tout espérer le meilleur pour la suite. Venu de nulle part et sans que le scénario n'apporte de motivations très claires quant à son comportement, un individu louche doté d'un harpon et accompagné par un chien va très rapidement se montrer agressif envers la petite famille qui sera endeuillée par la mort du père. Ce tueur impitoyable qui poursuivra les survivants à travers à les abysses des océans désormais débarrassées de la moindre trace d'eau est incarné à l'écran par Arben Bajraktaraj.


Un acteur au profil intéressant que le public pu notamment découvrir en 2008 grâce au personnage de Marko qu'il interpréta dans Taken de Pierre Morel. Une fois le corps de Tom laissé derrière eux, Julia et ses deux enfants partent retrouver à des kilomètres de distance un certain Nao (Olivier Ho Hio Hen) avec lequel ils étaient parvenus à communiquer et réussi à lui faire promettre de les aider à sauver Cassie et Ben. Deux adolescents incarnés par Lisa Delamar et Lucas Ebel pour lesquels Survivre est la première occasion de tourner pour le cinéma. Sympathique petit film de science-fiction post-apocalyptique mâtiné de survival, le film de Frédéric Jardin est, au delà du fait que le budget soit minuscule, parfois très maladroit. Doté de magnifiques et stupéfiants décors marocains, Survivre multiplie les invraisemblances. Si la radiocommunication entre la famille et Nao est crédible puisqu'elle ne nécessite pas la présence de satellites en orbite autour de la Terre, il demeure des phénomènes qui ne peuvent empêcher le spectateur de pouffer de rire. Car plus que la menace d'un tueur lancé sur les traces de Julia et de ses deux enfants, c'est bien la présence de milliers (de millions?) d'arthropodes affamés se déplaçant à une stupéfiante vitesse (tout en ayant suffisamment de force pour déplacer le corps d'un homme qui ne doit pas peser loin de quatre-vingt kilos!) qui fait sourire. Derrière le récit se cache ensuite un message écologiste touchant de naïveté, le budget contraignant une fois de plus à quelques sacrifices comme l'observation minimaliste de ces quelques sites qui renvoient aux déchets ménagers ou radioactifs balancés par l'homme dans les océans. Il demeure malgré tout quelques visions marquantes. Comme cet immense cargo posé en travers des anciens fonds marins, charriant des dizaine de containers. Séquence hautement mais involontairement drôle où notre petite famille se retrouve face à ce que l'on suppose être des survivants du Cargo qui refusent de leur venir en aide alors qu'une invasion d'arthropodes se profile à l'horizon. Voir ces derniers se réfugier dans ce qui deviendra fatalement leur tombe est à mourir de rire. Surtout si l'on suppose qu'ils étaient déjà préparé à cette situation puisque l'on comprend qu'ils y font face pour une énième fois ! Et que penser de ces anciens fonds marins ? Sans coraux ? Sans cadavres ou presque d'animaux marins, à part un requin-marteaux et une poignée de minuscules poisson barbotant dans de petites mares putrides ? Bref, si le projet cinématographique n'est pas pleinement, accompli de part ses incohérences scénaristiques ou de part ses limites budgétaires qui imposent à son auteur de faire avec les moyens du bord, Survivre n'en est pas moins une œuvre généreuse, visuellement magnifique et portée par une Émilie Dequenne totalement investie dans son rôle...

 

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