En l'an 2050 où se situe l'intrigue de ce troisième long-métrage
du réalisateur Princeton Holt après Cookies & Cream
en 2008 et The 10 Commandments of Chloe en 2013, rien
n'a foncièrement changé... ou presque. Les voitures ont gardé
cette même allure impersonnelle que celles que l'on croise dans
notre quotidien. Les couples vivent toujours avec leurs problèmes.
Bref, on ne croise dans 2050, que de futiles avatars
signifiant que l'on a bien fait un bond de trente ans dans le futur.
Mais une poignée de drones survolant la ville où se situe l'action
suffiront-ils à eux seuls à nous faire croire à cet avenir
nocturne où les noir et rouge, noir et bleu, noir et vert et où
tout un panel d'autres couleurs dominent des environnements en
perpétuel mutation chromatique ? Pas vraiment, non. Avec sa
gueule de film indépendant voulant se racheter une conduite
classieuse en jouant la carte du raffinement à travers sa
bande-originale invasive, 2050 affiche une
grandiloquence qui ternit son propos. Tantôt dans l'esprit des films
pour adolescents boutonneux avides de sexe au format cinémascope
mais arborant le plus souvent une image prétentieuse aux couleurs
primitives saturées et à la bandes-on qui connaît ses
''classiques'' sur le bout des doigts, le thème central de 2050
et son interaction avec ses sex-bot plus vrais que nature
offre une porte d'entrée à quelques visions charnelles qui
autrement auraient sans doute subit les foudres de la censure. Voir
en ouverture une vulve synthétique dénuée de toute pilosité est
assez rare pour une œuvre que l'on décrira de classique pour que la
chose soit passée sous silence. La vision d'un sexe féminin comparé
à cette vision non-organique agit comme autant de différence entre
une femme pratiquant le topless sur une plage et une seconde qui par
provocation éprouverait le besoin de retirer tout ce qu'elle porte
au dessus de la ceinture dans son milieu professionnel.
Chopin, Satie ou cinq longues, très
longues minutes de l'opéra Carmen (L'amour
est un oiseau rebelle),
quelques airs façon ''piano-bar
cosy'', la bandes-son
apporte un réel cachet au long-métrage de Princeton Holt tout en
offrant le sentiment de n'être qu'un film se planquant sous les
certains oripeaux afin de cacher la misère d'un scénario dont les
vides sont légion. Errance nocturne de son personnage principal qui
semble découvrir qu’au-delà de son couple et de ses rapports
personnels se vit en dehors de son intimité, des aventures sexuelles
dont il ne soupçonnait pas l'existence. L'occasion pour le
réalisateur de nous livrer en un seul plan d'un peu plus de deux
minutes trente, une séquence située dans un club échangiste où le
concept ''d'inclusif'' prend tout son sens. Hétérosexualité,
homosexualité, blancs, noirs, asiatiques, jeunes et cougars, il y en
a pour tout le monde, ou presque. En cherchant bien, ou plutôt, en
écarquillant des yeux dans cette éternelle obscurité dans laquelle
Princeton Holt se complaît à plonger le personnage de Michael
Greene (l'acteur David Vaughn), concepteur de jeux vidéos, on
trouvera même peut-être quelques spécimens de transgenres !
Maintenant que le réalisateur semble avoir mis un point d'honneur à
matérialiser quelques effets de modes faussement progressifs,
pourquoi ne pas immédiatement faire machine arrière lors du plan
suivant ? Une séquence mettant en scène bien des années après
Lloyd, le barman de Shining
de Stanley Kubrick, ou Arthur, cet autre serveur androïde de
Passenger de
Morten Tyldum, le steward Maxwell qu'interprète l'acteur Dean Cain
qui depuis qu'il a troqué son costume de Superman de la série Loïs
& Clark pour des
dizaines d'autres rôles au cinéma et à la télévision a pris de
l'embonpoint et échangé sa belle gueule pour un visage bouffi...
Si 2050 a moins l'air de faire preuve d'une naïveté
assumée que d'une puérilité incontrôlée, la poudre nous est si
maladroitement jetée aux yeux que l'on perçoit l'escroquerie après
seulement quelques minutes. Et blablabla, et blablabla, ça parle, ça
bavasse, pour ne pas dire grand chose tout en s'estimant assez
profond pour nous noyer sous un flot de paroles dont a parfois du mal
à saisir le sens et même le ton qui oscille entre humour
pince-sans-rire et académisme du dimanche. Chaque séquence est
pour le réalisteur l'occasion de nous dire ''voyez comme je sais
manipuler les images et le son''. Et d'une certaine manière,
c'est vrai. Mais à force de trop vouloir y impliquer de célèbres
airs de musique classique ainsi qu' un visuel qui n'a, au fond, rien
de vraiment inédit, à des dialogues anodins, 2050
fait, au mieux, poliment sourire, au pire énerve par sa dégoulinante
prétention qui suinte de chaque plan. Si l'on se souviendra de la
chose, ça ne sera certes pas pour les bonnes raisons. À sa
décharge, le film m'aura au moins donné envie de redécouvrir
l’excellent Ex Machina d'Alex Garland pour son propos
ou le sublime Blade Runner 2049 de Denis Villeneuve
pour son approche visuelle. Pour le reste, le long-métrage de
Princeton Holt n'est qu'un désolant coup d'épée dans l'eau...