Quatrième long-métrage
de Tae-hwa Eom après sa collaboration en 2011 aux côtés de quatre
autres cinéastes sud-coréens sur Chon-Cheol-Sal-In
et deux autres réalisés seuls en 2013 et 2016, Concrete
Utopia
est semble-t-il un énième film de science-fiction dystopique à la
différence où celui-ci se déroule presque exclusivement au sein
d'un complexe urbanistique dont seul un immeuble est resté debout
après qu'une catastrophe naturelle dont on ignore l'ampleur a effacé
de la carte la ville de Séoul. Démarrant plus ou moins à la
manière de Frissons
de David Cronenberg à travers sa description d'un complexe
d'immeubles offrant d'idylliques conditions d'existence, l'un des
derniers représentants du genre n'y va pas avec le dos de la
cuillère et offre une vision dramatique d'une situation qui l'était
déjà lorsque survint la dite catastrophe. Une tremblement de terre
mêlé à un soulèvement de terrain dont l'envergure visuelle n'a
absolument rien à envier aux productions américaines. À ce titre,
les effets-spéciaux réalisés par une véritable armada de
professionnels de tous horizons nous en mettent plein la vue. De ce
véritable raz de marée produit par un gigantesque tas de débris où
s'entremêlent immeubles détruits, véhicules et autres structures
réalisées par la main de l'homme ne vont survivre que quelques
centaines d'hommes, de femmes et d'enfants. Dont une moitié environ
auront le privilège de vivre dans le seul immeuble qui tient encore
debout. Leur statut de propriétaire les rend effectivement
prioritaires et condamne les autres à demeurer à l'extérieur alors
que les températures sont bien en dessous de zéro. Comme dans toute
bonne dystopie ou film catastrophe, le sujet est ici tout d'abord
pour les personnages de s'organiser autour d'un groupe formé par un
homme élu par la majorité. Un type étrange et au départ
bizarrement mal à l'aise mais qui au fil du temps va s'avérer de
plus en plus impliqué dans ses nouvelles fonctions. Si le spectateur
devine très rapidement la vérité qui l'entoure, les personnages,
eux, mettront du temps à s'en apercevoir.
Mêlant
science-fiction et thriller, Concrete Utopia
concentre la thématique de la reconstruction sociale autour d'un
immeuble où certains auront à cœur d'abriter chez eux des
individus que la nouvelle loi instaurée refuse pourtant
d'accueillir. Le réalisateur sud-coréen semble ici produire une
analogie avec la submersion migratoire qui pour certains pose
problème. Charriant ainsi son comptant d'anti et de pros migration
avec tout ce que cela peut engendrer de désordre et de questions
morales. Tae-hwa Eom injecte en outre d'autres critères qui ne vont
rien arranger, comme le statut de ce résident aux pleins pouvoirs
dont l'attitude va très rapidement déranger Myung Hwa (Park
Bo-Young), une jeune infirmière qui s'interroge sur le comportement
et l'identité de Young Tak (Lee Byrung-Hun) tandis que son compagnon
Min Sung (Park Seo-Joon) et les autres résidents de l'immeuble se
contentent de suivre les ordres. Plus que le psychopathe que semble
être Young Tak, ce personnage hautement ambigu est surtout le reflet
de ces individus dont il s'agit de faire une exception dans nos
sociétés dès lors qu'ils contribuent concrètement à leur essor.
Celui-ci sauva effectivement l'immeuble d'un incendie en se jetant
littéralement au cœur des flammes et fut donc considéré comme un
héros sans que ne soit jamais demandée la preuve de son identité.
Le long-métrage flirte parfois avec l'horreur à travers cet
appartement numéro 902 qui abrite la mère théorique de cet homme
mais dont la vérité va plus tard être révélée. Mais Concrete
Utopia
ne fait pas que produire des scènes exclusivement situées à
l'intérieur de l'immeuble et propose également quelques virées à
l'extérieur du complexe afin que les hommes les plus solides et
courageux trouvent de quoi boire et manger et ainsi subvenir aux
besoins de la communauté. En résulte une vision démente d'une
ville de Séoul totalement détruite, où les ruines s’enchevêtrent
et où d'éventuels guets-apens peuvent se produire. À ce titre, les
décors s'avèrent aussi remarquables que la catastrophe qui les
façonna au début du long-métrage. Si le sujet de Concrete
Utopia
n’œuvre pas toujours avec finesse et si le film s'avère parfois
un poil trop long, on ne demande désormais plus qu'à voir la suite
ainsi que la série déjà annoncées pour un proche avenir...
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