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mercredi 19 février 2025

Cassandra de Benjamin Gutsche (2025) - ★★★★★★★★☆☆

 


 

Alors oui, la série créée par Charlie Brooke, Black Mirror fut il y a quelques années porteuse de mauvaises nouvelles au sujet des dérives de l'Intelligence Artificielle. Mais il ne faudrait pas oublier que les dystopies qu'y décrivaient son créateur, les différents réalisateurs ainsi que les scénaristes ne reposèrent pas toutes sur des concepts totalement innovants. De 2001, l'odyssée de l'espace de Stanley Kubrick en passant par Mondwest de Michael Crichton en jusqu'aux récents M3GAN de Gerard Johnston et T.I.M de Spencer Brown, nombreuses furent les œuvres à mettre en scène des technologies avancées prenant le pas sur ceux qui étaient à l'origine de leur conception. Il ne suffit donc pas de citer Black Mirror pour se faire une idée de ce que recèle Cassandra, cette nouvelle série germanique qui après Dark de Baran bo Odar et Jantje Friese confirme que l'Allemagne est en bonne position dans le domaine de la science-fiction à l'échelle internationale (contrairement à la France qui parfois ose proposer comme alternatives, des daubes de l'ampleur de L'homme parfait de Xavier Durringer). Ici, il n'est plus question d'évoquer le voyage dans le temps mais l'implication de la domotique et de la robotique dans le foyer d'une famille qui essaie de se reconstruire après un drame épouvantable. David et Samira Prill ainsi que leurs deux enfants Fynn et Juno s'installent dans leur nouvelle demeure. Une habitation que l'on doit à l'origine à l’architecte autrichien Richard Joseph Neutra, concepteur de la Kemper House qui sert donc en partie au récit. En partie, oui, car le réalisateur allemand Benjamin Gutsche n'a pu profiter que des extérieurs de la bâtisse tandis que les origines des intérieurs demeurent apparemment encore un mystère. Un ''secret'' qui alimente ce que d'aucun de celles et ceux qui ont déjà découvert la série peuvent considérer d'environnement très intrigant même si l'on imagine que l'équipe chargée de donner aux intérieurs une patine rétro-futuriste y sont pour beaucoup dans l'étrangeté de cet univers domestique. Entre ces écrans de télévision qui semblent se référer à de vieux postes à tubes cathodiques, cet ascenseur dont la manifeste présence est encore (selon moi) à l'étude ou cette pièce très curieuse dont l'élaboration semble avoir comme principale source d'inspiration certains décors et objets du Shining de Stanley Kubrick, nul doute que la demeure des Prill est un personnage à part entière.


Mais plus encore que l'anxiété que génère cet environnement, c'est bien la présence de Cassandra, interprétée par l'excellente Lavinia Wilson, qui va être au centre de toutes les inquiétudes. Alors que David et sa famille s'installent dans une demeure qui depuis cinquante ans est demeurée à l'abandon, c'est en explorant les différentes pièces qui la composent qu'ils découvrent un vieux modèle de robot dont le fonctionnement fut interrompu à la suite du décès des précédents propriétaires de la maison. La particularité de cette machine que les Pritt vont choisir de remettre en marche est qu'elle est directement raccordée à tout un ensemble de systèmes électroniques tous reliés entre eux. Cassandra semble donc être le ''cerveau'' du réseau qu'elle peut à loisir contrôler à distance. Sans être affreusement décevants, les débuts de cette mini-série en six épisodes laissent l'impression que l'on est face à une énième proposition de science-fiction dystopique au centre de laquelle un ou plusieurs individus vont être confrontés à un robot domestique défaillant. Et d'une certaine manière, il s'agit effectivement de cela. Mais là où le créateur de Cassandra a réussit le pari d'oser assumer un concept finalement presque vieux comme le monde puisque déjà abordé à maintes reprises, c'est sans doute en amenant son idée vers une voie retravaillée en profondeur. Je m'explique : ici, il ne s'agit pas tant d'opposer une mère de famille (Mina Tander dans le rôle de Samira Prill) à une machine dont l'inquiétant comportement serait simplement causé par des dysfonctionnements mais d'offrir à cette dernière l'occasion de montrer aux spectateurs qu'elle est peut-être plus que cette boite de conserve comme elle est parfois surnommée. Et donc, davantage qu'un programme informatique à l'origine uniquement disposé à accomplir des tâches prédéfinies. Alors que la série tourne tout d'abord presque exclusivement autour des membres de la famille Prill (complétée par les acteurs, Michael Klammer, Joshua Kantara et la jeune Mary Tölle), Cassandra prend un virage inédit en plongeant de nouveaux personnages cinquante ans plus tôt. La famille qui justement, un demi-siècle en arrière fut celle qui vécut dans cette même demeure. Sont ainsi introduits les trois membres de la famille Schmitt. Une famille totalement dysfonctionnelle. Le récit est donc partagé entre les événements présents et ceux du passé et Cassandra mue alors pour passer de la stricte dystopie horrifique au drame familial et au thriller !


Benjamin Gutsche signe avec cette nouvelle série, une véritable réussite où le rétro-futurisme des décors côtoie un scénario qui brasse dans un univers de science-fiction, des idées neuves et d'autres qui le sont déjà beaucoup moins (le thème de l'homosexualité non assumée par exemple). En intégrant les personnages incarnés par Franz Hartwig et par Elias Grünthal mais également pour la seconde fois l'actrice Lavinia Wilson, le réalisateur donne du sens à toute une série d'événements qui se produisent dans le présent et au point de vue de Cassandra, laquelle agît en conséquence comme le ferait une mère un peu trop... protectrice. La série aurait pu être absolument parfaite si seulement quelques éléments n'étaient pas venus défaire un système d'écriture mettant tout en œuvre pour que le récit ne souffre d'aucunes invraisemblances. Mais à vouloir en faire trop et à préférer parfois donner dans le ''spectaculaire'' plutôt que dans la sobriété et le réalisme, Benjamin Gutsche finit par multiplier les faux pas. Si l'emprise de Cassandra sur la jeune Juno justifie le fait que ses parents acceptent de laisser ''allumée'' la machine (la gamine ayant besoin de se reconstruire, sa nouvelle ''amie'' pourrait l'y aider selon eux), lorsque cette dernière commence à révéler sa véritable nature et fait montre d'une attitude très inquiétante, n'importe qui de censé aurait pris la décision de couper court à ses agissements. Heureusement, Samira est là pour veiller sur les siens. Mais pour combien de temps puisque son époux commence à voir surgir chez elle des problèmes psychologiques qui pourraient expliquer la situation ? Si la paranoïa supposée de la mère et l'absence de soutien de David sont plutôt bien menés et si toute la partie qui se déroule cinquante ans en arrière est véritablement bouleversante (bien qu'un peu caricaturale à force d'enfoncer le couteau bien profond dans le dos d'une femme et de son enfant confrontés à un mari et un père absolument monstrueux), le dernier épisode termine d'envoyer la série dans les pires travers du genre. Je n'en dirai pas davantage pour ne pas spolier la fin du récit et malgré certains défauts qui pourraient s'avérer rédhibitoires, il n'en est pas moins certain que Cassandra est une brillante réussite. Anxiogène et poignante, la série aurait, sans ses quelques absurdes excès, mérité le titre de l'une des plus remarquable dystopies de ces dernières années...

 

lundi 11 novembre 2024

Concrete Utopia de Tae-hwa Eom (2023) - ★★★★★★★☆☆☆

 


 

Quatrième long-métrage de Tae-hwa Eom après sa collaboration en 2011 aux côtés de quatre autres cinéastes sud-coréens sur Chon-Cheol-Sal-In et deux autres réalisés seuls en 2013 et 2016, Concrete Utopia est semble-t-il un énième film de science-fiction dystopique à la différence où celui-ci se déroule presque exclusivement au sein d'un complexe urbanistique dont seul un immeuble est resté debout après qu'une catastrophe naturelle dont on ignore l'ampleur a effacé de la carte la ville de Séoul. Démarrant plus ou moins à la manière de Frissons de David Cronenberg à travers sa description d'un complexe d'immeubles offrant d'idylliques conditions d'existence, l'un des derniers représentants du genre n'y va pas avec le dos de la cuillère et offre une vision dramatique d'une situation qui l'était déjà lorsque survint la dite catastrophe. Une tremblement de terre mêlé à un soulèvement de terrain dont l'envergure visuelle n'a absolument rien à envier aux productions américaines. À ce titre, les effets-spéciaux réalisés par une véritable armada de professionnels de tous horizons nous en mettent plein la vue. De ce véritable raz de marée produit par un gigantesque tas de débris où s'entremêlent immeubles détruits, véhicules et autres structures réalisées par la main de l'homme ne vont survivre que quelques centaines d'hommes, de femmes et d'enfants. Dont une moitié environ auront le privilège de vivre dans le seul immeuble qui tient encore debout. Leur statut de propriétaire les rend effectivement prioritaires et condamne les autres à demeurer à l'extérieur alors que les températures sont bien en dessous de zéro. Comme dans toute bonne dystopie ou film catastrophe, le sujet est ici tout d'abord pour les personnages de s'organiser autour d'un groupe formé par un homme élu par la majorité. Un type étrange et au départ bizarrement mal à l'aise mais qui au fil du temps va s'avérer de plus en plus impliqué dans ses nouvelles fonctions. Si le spectateur devine très rapidement la vérité qui l'entoure, les personnages, eux, mettront du temps à s'en apercevoir.


Mêlant science-fiction et thriller, Concrete Utopia concentre la thématique de la reconstruction sociale autour d'un immeuble où certains auront à cœur d'abriter chez eux des individus que la nouvelle loi instaurée refuse pourtant d'accueillir. Le réalisateur sud-coréen semble ici produire une analogie avec la submersion migratoire qui pour certains pose problème. Charriant ainsi son comptant d'anti et de pros migration avec tout ce que cela peut engendrer de désordre et de questions morales. Tae-hwa Eom injecte en outre d'autres critères qui ne vont rien arranger, comme le statut de ce résident aux pleins pouvoirs dont l'attitude va très rapidement déranger Myung Hwa (Park Bo-Young), une jeune infirmière qui s'interroge sur le comportement et l'identité de Young Tak (Lee Byrung-Hun) tandis que son compagnon Min Sung (Park Seo-Joon) et les autres résidents de l'immeuble se contentent de suivre les ordres. Plus que le psychopathe que semble être Young Tak, ce personnage hautement ambigu est surtout le reflet de ces individus dont il s'agit de faire une exception dans nos sociétés dès lors qu'ils contribuent concrètement à leur essor. Celui-ci sauva effectivement l'immeuble d'un incendie en se jetant littéralement au cœur des flammes et fut donc considéré comme un héros sans que ne soit jamais demandée la preuve de son identité. Le long-métrage flirte parfois avec l'horreur à travers cet appartement numéro 902 qui abrite la mère théorique de cet homme mais dont la vérité va plus tard être révélée. Mais Concrete Utopia ne fait pas que produire des scènes exclusivement situées à l'intérieur de l'immeuble et propose également quelques virées à l'extérieur du complexe afin que les hommes les plus solides et courageux trouvent de quoi boire et manger et ainsi subvenir aux besoins de la communauté. En résulte une vision démente d'une ville de Séoul totalement détruite, où les ruines s’enchevêtrent et où d'éventuels guets-apens peuvent se produire. À ce titre, les décors s'avèrent aussi remarquables que la catastrophe qui les façonna au début du long-métrage. Si le sujet de Concrete Utopia n’œuvre pas toujours avec finesse et si le film s'avère parfois un poil trop long, on ne demande désormais plus qu'à voir la suite ainsi que la série déjà annoncées pour un proche avenir...

 

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