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jeudi 7 novembre 2024

Pendant ce temps sur Terre de Jérémy Clapin (2024) - ★★★★★★★★☆☆

 


Comme me le faisait remarquer ma compagne au démarrage de la projection de Pendant ce temps sur Terre de Jérémy Clapin, lorsque notre beau pays s'engage dans ce type d'expérience cinématographique, on peut parfois s'attendre au pire. C'est vrai. Mais il arrive également que l'on soit très agréablement surpris. La science-fiction à la française semble avoir encore de beaux jours devant elle à la seule condition que le public soit en mesure de lui accorder toute l'attention qu'elle mérite. Pendant ce temps sur Terre risque de causer une scission entre les amateurs de blockbusters et ceux qui aiment à fourrager dans des espaces jusqu'ici inexplorés et dont le but premier est moins de remplir les coffres des producteurs que de narrer un récit où sont conviés le beau et le sensible. Ici, le spectacle ne revêt jamais l'habituel apparat qu'on lui connaît lorsqu'il s'agit de nous conter le récit d'une aventure spatiale à bord d'un vaisseau et en compagnie de son équipage. Presque tout semble être dit lorsqu'en entame l'on comprends que le frère d'Elsa, jeune femme de vingt-trois ans incarnée à l'écran par l'actrice franco-britannique Megan Northam, a disparu au court d'une mission dans l'espace. Un drame qui pose d'emblée les bases d'une réflexion s'agissant des sacrifices auxquels l'on serait prêts à se risquer pour revoir un membre de sa famille décédé. C'est là tout l'enjeu d'une œuvre qui en outre renouvelle l'une des plus remarquables traditions en matière de science-fiction : le Body-Snatching. Une pratique ayant un très lointain rapport avec une pratique bien terrienne consistant à dérober des cadavres afin d'en faire bénéficier certaines écoles de médecine mais dont le sens diverge quelque peu lorsque l'on évoque la thématique de l'invasion extraterrestre.


Parmi tant d'autres, L'invasion des profanateurs de sépultures de Don Siegel et ses remakes (dont le meilleur d'entre tous, L'invasion des profanateurs de Philip Kaufman), The Thing de John Carpenter (qui fut lui-même le remake de La chose d'un autre monde de Christian Nyby et l'adaptation du roman Who Goes There ? de John W. Campbell) le très divertissant The Faculty de Robert Rodriguez ou le troublant Under the Skin de Jonathan Glazer ont tous d'une manière ou d'une autre participé à cette inquiétante mésaventure consistant en l'appropriation d'un corps humain bien vivant au profit d'une entité extraterrestre visant à prendre sa place afin de se fondre discrètement dans la masse et ainsi envahir notre planète en toute discrétion. Lorsque l'on apprend que le concept fut à l'origine de dizaines d’œuvres cinématographique, le premier réflexe voudrait que l'on se demande où se situe l'intérêt d'en rajouter une couche à une thématique qui semble avoir déjà été étudiée sous toutes les coutures. En forme de cours magistral lors duquel il étudie et élude la question, Jérémy Clapin répond à ses éventuels détracteurs en signant une œuvre véritablement envoûtante. L'on ne reprochera pas à sa principale interprète son incarnation, laquelle s'avère irréprochable. Megan Northam porte effectivement la quasi totalité du récit sur ses épaules. Quasi puisque à côté de sa très sensible performance l'on a droit à une mise en scène sobre mais très majoritairement ponctuée de séquences qui nous happent.


Le minimalisme avec lequel le réalisateur réalise chaque plan est contrebalancé par une quiétude troublée par une bande-son addictive. Laquelle, signée du compositeur Dan Levy, œuvre pour beaucoup dans cette impression de flottement qui se dégage du long-métrage et qui laisse une étrange impression d'égarement chez le spectateur. Poétique, Pendant ce temps sur Terre l'est également. Avec ses quelques incursions dans le domaine de l'animation, cette dernière, loin d'être ridicule ou de créer une distanciation avec l'univers décrit jusqu'ici, est un moyen d'évoquer l'intime relation de l'héroïne avec son frère désormais disparu dans l'espace autrement qu'à travers la seule voix-off de ce dernier (l'acteur Dimitri Doré). Ersatz de l'art auquel se consacra tout d'abord le réalisateur (comme en témoigne son premier long-métrage tout en animation, J'ai perdu mon corps en 2019), ces quelques trop rares séquences révèlent une sensibilité que l'on imaginait mal pouvoir être révélée à travers des dessins mais qui réellement ajoutent une profondeur déjà bien présente au sein du récit. Bref, on sort de la projection subjugué par le talent avec lequel Jérémy Clapin est parvenu à nous happer avec cette histoire sobrement mise en scène et superbement interprétée par Megan Northam...

 

mercredi 23 octobre 2024

Survivre de Frédéric Jardin (2024) - ★★★★★★☆☆☆☆

 


 

Cinq millions d'euros. C'est le budget qui fut alloué au dernier long-métrage du réalisateur français Frédéric Jardin. Après avoir tourné un thriller et une poignée de comédies (romantiques ou dramatiques), ce cinéaste né à Paris le 24 mai 1968 a choisi un genre cinématographique très en vogue et pour lequel le cinéma américain est toujours prêt à produire des œuvres à coup de centaines de millions de dollars. C'est donc doté d'un budget ridicule que Frédéric Jardin se lance dans un projet ambitieux malgré de faibles moyens et reposant sur un script que l'on doit à Alexandre Coquelle et Mathieu Ouillion. Projet auquel ont notamment accepté de participer l'actrice française Émilie Dequenne et le yougoslave Arben Bajraktaraj. Un quart de siècle après avoir fait ses débuts dans Rosetta de Jean-Pierre et Luc Dardenne pour lequel elle remporta le prix d'interprétation féminine au festival de Cannes en 1999, Émilie Dequenne incarne dans Survivre une épouse et une mère de famille transformée en héroïne inattendue lorsqu'un événement d'ampleur mondiale survient lorsqu'elle et sa famille sont à bord de leur petite embarcation. Tandis que Julia a échappé de justesse à la noyade alors qu'elle se baignait en plein océan, sauvée par son mari Tom (l'acteur allemand Andreas Pietschmann), une inversion des pôles magnétiques terrestres cause un véritable cataclysme. Secoués par une tempête qui a fait échouer le bateau, elle et sa famille découvrent à leur réveil que les océans ont disparu et que les continents sont désormais probablement engloutis sous les eaux... Au départ, Survivre est plutôt encourageant. La première partie se déroulant à bord du bateau est rondement menée. Une approche certes minimaliste au vu du faible financement dont à bénéficié le long-métrage de Frédéric Jardin et pourtant, cela fonctionne parfaitement. Si les mouvements de caméra qui tentent de retranscrire la houle qui fait tanguer l'embarcation peuvent faire sourire, le réalisateur permet à son œuvre de prendre une toute autre dimension lorsque les protagonistes voient s'écraser dans les océans, des satellites en feu. Une vision anxiogène de la fin du monde sans doute rudimentaire mais qui laisse malgré tout espérer le meilleur pour la suite. Venu de nulle part et sans que le scénario n'apporte de motivations très claires quant à son comportement, un individu louche doté d'un harpon et accompagné par un chien va très rapidement se montrer agressif envers la petite famille qui sera endeuillée par la mort du père. Ce tueur impitoyable qui poursuivra les survivants à travers à les abysses des océans désormais débarrassées de la moindre trace d'eau est incarné à l'écran par Arben Bajraktaraj.


Un acteur au profil intéressant que le public pu notamment découvrir en 2008 grâce au personnage de Marko qu'il interpréta dans Taken de Pierre Morel. Une fois le corps de Tom laissé derrière eux, Julia et ses deux enfants partent retrouver à des kilomètres de distance un certain Nao (Olivier Ho Hio Hen) avec lequel ils étaient parvenus à communiquer et réussi à lui faire promettre de les aider à sauver Cassie et Ben. Deux adolescents incarnés par Lisa Delamar et Lucas Ebel pour lesquels Survivre est la première occasion de tourner pour le cinéma. Sympathique petit film de science-fiction post-apocalyptique mâtiné de survival, le film de Frédéric Jardin est, au delà du fait que le budget soit minuscule, parfois très maladroit. Doté de magnifiques et stupéfiants décors marocains, Survivre multiplie les invraisemblances. Si la radiocommunication entre la famille et Nao est crédible puisqu'elle ne nécessite pas la présence de satellites en orbite autour de la Terre, il demeure des phénomènes qui ne peuvent empêcher le spectateur de pouffer de rire. Car plus que la menace d'un tueur lancé sur les traces de Julia et de ses deux enfants, c'est bien la présence de milliers (de millions?) d'arthropodes affamés se déplaçant à une stupéfiante vitesse (tout en ayant suffisamment de force pour déplacer le corps d'un homme qui ne doit pas peser loin de quatre-vingt kilos!) qui fait sourire. Derrière le récit se cache ensuite un message écologiste touchant de naïveté, le budget contraignant une fois de plus à quelques sacrifices comme l'observation minimaliste de ces quelques sites qui renvoient aux déchets ménagers ou radioactifs balancés par l'homme dans les océans. Il demeure malgré tout quelques visions marquantes. Comme cet immense cargo posé en travers des anciens fonds marins, charriant des dizaine de containers. Séquence hautement mais involontairement drôle où notre petite famille se retrouve face à ce que l'on suppose être des survivants du Cargo qui refusent de leur venir en aide alors qu'une invasion d'arthropodes se profile à l'horizon. Voir ces derniers se réfugier dans ce qui deviendra fatalement leur tombe est à mourir de rire. Surtout si l'on suppose qu'ils étaient déjà préparé à cette situation puisque l'on comprend qu'ils y font face pour une énième fois ! Et que penser de ces anciens fonds marins ? Sans coraux ? Sans cadavres ou presque d'animaux marins, à part un requin-marteaux et une poignée de minuscules poisson barbotant dans de petites mares putrides ? Bref, si le projet cinématographique n'est pas pleinement, accompli de part ses incohérences scénaristiques ou de part ses limites budgétaires qui imposent à son auteur de faire avec les moyens du bord, Survivre n'en est pas moins une œuvre généreuse, visuellement magnifique et portée par une Émilie Dequenne totalement investie dans son rôle...

 

dimanche 14 juillet 2024

L'empire de Bruno Dumont (2023) - ★★★★★☆☆☆☆☆

 


 

Le dernier long-métrage de Bruno Dumont est une expérience digne d'une métaphore évoquant les plaisirs relativement douloureux du masochiste qui dans la souffrance ressent un plaisir sans commune mesure avec ce qu'éprouvent la plupart de nos semblables. On a voulu me prévenir que l'expérience était d'un insondable ennui. Qu'il fallait ne surtout pas espérer éprouver le même plaisir de cinéma que devant les séries Ptit Quinquin et Coincoin et les Z'inhumains. Après ces deux O.F.N.I.s télévisuels et Ma Loute dans lequel le cinéaste se jouait des talents d'orateur de Fabrice Luchini pour mieux les déstructurer, le Bailleulois s'ouvre à des champs d'expérimentation qui feraient passer ses précédents travaux pour des œuvres abordables par n'importe quel mortel ! L'empire dure... deux heures ! Pour une œuvre de science-fiction, rien de plus conventionnel mais lorsque la chose est signée par Bruno Dumont, l'on se prête à rêver qu'elle fut conçue elle aussi sous forme de mini-série. Ne serait-ce que pour permettre aux fidèles spectateurs du cinéaste et sans doute davantage aux autres de pouvoir souffler entre chaque épisode. Car d'une manière générale, le dernier long-métrage de cet auteur très attaché à sa région des Hauts de France est une épreuve parfois et même, très souvent, difficile à digérer dans son ensemble. Une œuvre contradictoire et qui par conséquent, chicane en permanence avec la plupart des tentatives qu'entreprend le réalisateur et scénariste. Parodie ou non de Star Wars à la sauce française, pour celles et ceux qui vivent sous la frontière de l'ancien Nord-Pas-de-Calais, la plupart des héros de ce récit dont on continuera longtemps de se demander qui sont les gentils et qui sont les méchants demeureront des freaks dont les différences d'ordre comportemental ou physique auront bien du mal à se faire justice. Science-fiction, histoire d'amour improbable entre membres de clans adverses, la proposition est aussi innovante qu'anarchique. Le problème survenant évidemment au niveau de l'écriture, aussi fine que le tranchant d'une lame de rasoir sur laquelle se risquent Fabrice Luchini, donc, mais également Camille Cottin, laquelle semble ici avoir étrangement régressé dans ses talents d'interprète. Un Dark Vador accoutré comme le bouffon d'un roi venu d'une lointaine planète, Fabrice Luchini ne fait plus rire.


En tout cas, bien moins que dans Ma Loute dans lequel son contre-emploi avait tendance à créer un certain nombre de situations comiques franchement réussies. Dans le cas de L'empire, l'acteur semble se singer comme lors de ses pires exhibitions télévisuelles. Quant à elle, Camille Cottin est si transparente que sa présence à l'image a autant d'intérêt que ces figurants pourtant montés sur de majestueux chevaux. Anamaria Vartolomei apparaît comme la seule interprète a vouloir offrir au cinéaste la petite étendue de ses talents. Et l'on ne parle pas là exclusivement de sa plastique qu'elle dévoile à une ou deux occasions mais son interprétation vaut largement celle des ''stars'' convoquées pour l'aventure, sans parler de ce florilèges d'acteurs amateurs qui trônent pourtant presque au sommet du casting. Débutant au cinéma, ce sera peut-être là la seule occasion pour Brandon Vlieghe de ''briller'' devant la caméra. Dans le rôle de Jony, il incarne le père d'un bébé convoité par des extraterrestres et considéré comme le Mal incarné. S'engage alors une drôle de bataille entre diverses races dont, la faute au scénario, on ne sait jamais vraiment de quelle espèce ils font partie. Bruno Dumont divise la France en deux comme le football sépare Marseille du reste de l'hexagone ! En dehors des Hauts-de
-France l'on entend déjà les rires gras de ceux qui considéreront les habitants du cru comme des bêtas, des incultes à l'accent à couper au couteau. Mais dont la sincérité est pourtant très touchante. Tout ce petit monde que l'on découvre pour la première fois ou non (Bernard Pruvost reprend de manière très symbolique et donc particulièrement anecdotique le personnage du Commandant Van der Weyden qu'il incarnait dans les deux précédentes séries de Bruno Dumont) a beau parfois engendrer rires et remarques narquoises, leur présence est justement ce qui fait le sel et la particularité de l’œuvre du cinéaste. Ensuite, n'ayons pas peur des mots : le long-métrage de Bruno Dumont connaîtra malgré tout un authentique état de grâce qui s'étirera sur plus de cinq longues minutes lors de la dernière partie. Prouvant qu'avec un scénario solide, le réalisateur français aurait pu signer rien moins que l'une des œuvres de science-fiction françaises parmi les plus importantes de ces trente ou quarante dernières années. Malheureusement, le film retombe ensuite dans ses travers. Ne demeure au final qu'une expérience aussi déstabilisante que, disons-le, chiante à mourir. Dommage...

 

samedi 4 mai 2024

2029 de Jérôme Jacob (2024) - ★★★★★★★☆☆☆

 


 

Le dernier long-métrage du réalisateur français Jérôme Jacob est-il visionnaire ? En un sens, oui puisque son auteur en conçu le projet avant même l'apparition du corona-virus en 2019. Sauf qu'ici, le pangolin n'en est pas à l'origine. Dans le cas de son très post-apocalyptique 2029, le réalisateur et scénariste envisage la disparition de quatre-vingt dix pourcent de la population mondiale à travers un virus qui aurait été directement inoculé par une civilisation extraterrestre... Ensuite, reste à celles et ceux qui n'en furent pas atteints la survie en terre hostile. Le dernier film de Jérôme Jacob doit moins s'envisager comme un blockbuster financé à coups de dizaines ou de centaines de millions d'euros qu'une œuvre appliquant quarante ans plus tard, les méthodes du cinéma transalpin qui à l'époque des Rats de Manhattan de Bruno Mattei ou de 2019, après la chute de New York de Sergio Martino exploitait le cinéma de science-fiction, d'anticipation et post-apocalyptique de manière très artisanale. En ce sens, 2029 remplit parfaitement son contrat. De l'écriture, en passant par la réalisation et jusqu'à l'interprétation, Jérôme Jacob est un passionné de cinéma qui s'implique donc totalement dans son projet. La plupart des interprètes n'en sont pas à leurs débuts même si leur filmographie reste encore très succincte. Beaucoup de cinéastes dits ''amateurs'' tentent de percer dans la profession mais se cassent très souvent les dents. Mise en scène et interprétation demeurant ainsi les premiers éléments de jugement qui les condamnent malheureusement à l'oubli. Avec 2029, c'est tout le contraire. On croit pouvoir distinguer l'ordre dans lequel les différentes séquences furent tournées car après une ouverture que d'aucun pourrait juger d'amateur, le film, pour le confort visuel du spectateur ne fera que gagner en qualité. Filmé caméra à l'épaule, le long-métrage de Jérôme Jacob tremble parfois beaucoup. Surtout dans sa première partie.


Mais comme le vaccin tant recherché par les différents protagonistes du récit, l'outil du réalisateur semble peu à peu avoir été guéri de sa tendance ''Parkinsonnienne'', se stabiliser et réduire davantage la distance qui sépare l'amateurisme du professionnalisme. Le spectateur pourra vérifier ce qui justement caractérise cette œuvre qui ne cesse de gagner en intérêt, en intensité mais aussi et surtout, en qualités techniques. Passant même de la caméra portée à l'épaule à quelques très jolis plans de drones. Une vingtaine d'interprètes et plus encore de figurants et de silhouettes constituent le casting de ce film dont le scénario fait dans la ''démesure'' puisqu'il ne s'attache pas uniquement à suivre les traces d'un duo fuyant des mercenaires à la solde d'un certain Tex (l'acteur Steve Hevessy) mais suit également celles d'un second ''couple'' formé autour de Jeff (Jonathan Riggio) et Angie (superbe Aria Nurdin) que Tex contraint à mettre la main sur un antidote ! Ils ont ensemble cinq jours devant eux pour le retrouver. Afin de leur interdire toute idée de prendre la poudre d'escampette, le chef des mercenaires injectera notamment dans l'organisme d'Angie un venin dont le contrepoison devra lui être injecté au plus tard dans les cinq jours à venir... Le tournage de 2029 s'est étalé sur un peu plus d'une année dans la région de Bouzonville située dans le département de la Moselle. Si une grande partie des séquences furent tournée dans le bois d’Ébersviller de la ville portant le même nom à une quinzaine de kilomètres de Bouzonville, les spectateurs qui ne connaissent pas la région découvriront en outre le stupéfiant Fort aux fresques d'Hestroff, petite ville de quatre-cent cinquante habitants où est actuellement domicilié Jérôme Jacob, ou encore les tout aussi spectaculaires casernes de Bockange depuis désaffectées et situées quant à elle à Piblange. Désormais disponible sur Amazon Prime, les amateur de science-fiction post-apocalyptique peuvent donc se ruer sur 2029 les yeux fermés.

 

dimanche 18 février 2024

Animalia de Sofia Alaoui (2023) - ★★★★★★★★★☆

 


 

Il y a des cinéastes nés. Après seulement un long-métrage à son actif, la réalisatrice et scénariste franco-marocaine Sofia Alaoui semble avoir mis une bonne partie de la presse spécialisée d'accord. Sorti sur les écrans l'an passé le 9 août 2023, Animalia fait partie de ces œuvres rares qui ne peuvent laisser indifférent. Du moins lui accorderons-nous une certaine exigence. Il se peut même qu'une seconde projection, voire une troisième, soient nécessaire pour saisir toute la portée philosophico-religieuse de ce récit qui parle de Dieu, des hommes et théoriquement d'individus qui proviendraient d'ailleurs. C'est du moins ainsi que je saisissais le message une fois l'histoire achevée. Porté par la formidable et délicieuse Oumaima Barid qui avant cela interpréta le rôle de Fatima dans La vie me va bien d'Al Hadi Ulad-Mohand il y a trois ans, Animalia est une espèce d’énigme dans le fond et dans la forme. En filmant d'abord l'intérieur d'une riche famille marocaine et en poursuivant l'aventure au cœur de paysages d'une sidérante beauté, le long-métrage évoque ce que l'homme bâtit de ses propres mains face la création de Dieu. L'un et l'autre se rejoignent et fondent un univers d'une majestueuse beauté à laquelle le film de Sofia Alaoui ajoute un talent indéniable pour le cadrage, les éclairages et les environnements. La photographie de Noé Bach met en lumière un Maroc aux richesses multiples. Un pays qui tout comme à l'échelle de notre planète est en proie à un événement extraordinaire. Plutôt que de traiter le récit sous l'angle exclusif d'une hypothétique fin du monde annoncée où les peuples sont concentrés dans des lieux sécurisés par l'armée, dans le cas de Animalia, les croyances de tout un peuple sont reléguées par les médias et les Mosquées deviennent ainsi les seuls lieux de refuge aptes à protéger la population. Notons également la présence de quelques animaux qui dans le Coran sont cités non pas en tant que catégories mais en tant qu'espèces et même plus à proprement parler, en tant qu'individus.


C'est ainsi que sont représentés à l'écran la fourmi, la huppe ou diverses catégories de chiens. Certains s'agitent telle l'annonce d'un événement d'ampleur cataclysmique quand d'autres apparaissent comme une forme d'alerte entrant directement en contact avec certains habitants de la région. Au cœur de ce récit où se mêlent drame et science-fiction, Itto (Oumaïma Barid) illumine le récit. La fragilité de son personnage liée à la naissance toute prochaine de l'enfant qu'elle porte souligne le danger auquel elle va être confrontée. Cet univers majoritairement masculin, soupçonneux, où le statut de la femme demeure précaire quelle que soit la situation, même dans ce lieu de culte où rejoindre son époux se transforme en périple. Cultivant une certaine ambiguïté quant aux origines de celui qu'il est interdit de représenter, Sofia Alaoui ose décrire l'impensable en lui offrant une identité visuelle à travers ces entités qui semblent se cacher derrière cette brume fantastique qui s'élève dans le ciel et à laquelle notre héroïne finira par se raccrocher lors d'une séquence absolument bouleversante. Derrière la beauté des paysages, la dureté de certains regards, la folie qui s'empare de ce vieux fou persuadé que ses bêtes sont possédées, ces réunions nocturnes et canines, la vision déconcertante et vertigineuse qui guide l'héroïne mais aussi ces deux compagnons de routes qui accompagnent un temps la jeune femme, Animalia conditionne le spectateur et l'invite à un voyage inhabituel dans des espaces d'une remarquable beauté ou dans de minuscules bourgades anxiogènes où la place de la femme est ainsi décrite comme l'occidental l'imagine en général. Bref, avec son premier long-métrage qui en outre remporta le prix du jury au festival de Sundance, Sofia Alaoui nous terrasse, nous éblouie, nous subjugue. Quant à sa principale interprète, nous lui souhaitons une belle et longue carrière au cinéma...

 

vendredi 5 janvier 2024

High Life de Claire Denis (2018) - ★★★★★★★★☆☆


 


 

Ce qu'il y a de remarquable et donc de fondamentalement indispensable lorsque l'on se lance dans une œuvre cinématographique est de percevoir l'angle sous lequel son auteur l'a envisagé. D'autres pourtant nous poussent vers une voie bien différente. Une fois absorbée la contemplation, il faut parfois bien admettre que le spectateur est LE chaînons manquant qui complète parmi les projets les plus inattendus, ce qui d'apparence peut en quelques occasions paraître comme inabouti. Ces vides qu'il faut absolument remplir, en construisant intellectuellement et au fil du récit, de détails qu'ont volontairement omis d'intégrer ou d'annoter scénaristes et réalisateurs. Atypique jusqu'à devenir parfois inconfortable, l'univers de Claire Denis s'étendait en 2018 au delà des seules frontières terrestres pour emporter avec elle, protagonistes et spectateurs jusqu'aux confins de l'univers. Là où tout semble possible. Où la mort veille semble-t-il à emporter tous ceux qui s'y risquent mais où il n'est peut-être pas inimaginable de penser qu'un ailleurs existe. Nous conter un récit aussi extraordinairement ambitieux et le faire à bord d'un vaisseau qui a tout l'air d'avoir été construit pour les besoins d'un bon gros nanar transalpin des années quatre-vingt est en soit, un acte aussi insensé que d'envoyer à des milliards de kilomètres de notre planète, des repris de justice pour aller vérifier ce qu'il peut se cacher de l'autre côté d'un trou noir. En somme, la première pierre à elle seule fascinante d'un projet de science-fiction qui ne se bornera pas à suivre le chemin ultra balisé du genre. Et pourtant, l'entrée en matière plongera certainement une partie du public dans un état de somnolence quasi immédiat. Supportant avec aussi peu de patience que le héros incarné par Robert Pattinson ce rejeton braillant sans interruption, les divagations ''monolinguales'' du héros risquent tour d'abord d'exaspérer avant que ne surviennent enfin de leur vivant, ces compagnons apparemment raides morts qu'il vient tout juste d'envoyer faire un voyage dans l'espace. Car High Life de Claire Denis est essentiellement construit sous forme de flash-back. Un confinement regroupant donc une dizaine d' hommes et de femmes condamnés à de lourdes peines de prison et qui ont fait le choix de participer à une expérience qu'ils savent suicidaire : approcher un trou noir et plonger en son cœur. Pris dans la tourmente d'une expédition sans espoir de retour, la tension monte entre les uns et les autres. D'autant plus que les hommes s'accordent pour faire don de leur sperme tandis que les femmes acceptent d'être fécondées.


Sous le prisme de l'hypocrite recherche scientifique, le film condamne d'anciens taulards à une inévitable condamnation à mort...



Et tout ceci sous l'égide du docteur Dibs qu'interprète l'actrice française Juliette Binoche dont le sex-appeal n'a jamais été aussi puissant tout en étant franchement inquiétant, voire même dérangeant. De ce voyage aux implications scientifiques, conquérantes et biologiques, Claire Denis élabore une sorte de Trip spatial absolument démentiel, ponctué de quelques visions dantesques (la salle de baise), construisant son œuvre autour de l'âme humaine, de sa capacité à se surpasser et des dérives qu'impose ce moment très précis où la résistance chimiquement morale de l'esprit humain succombe devant une trop forte pression. L'espace, immense étendue, figurant en un instant précis le placenta et le liquide amniotique. Avant toute chose et surtout celle de se lancer dans l'aventure High Life, il faut comprendre que le long-métrage de Claire Denis, ça n'est ni Star Wars ni même Star Trek dont l'approche nettement plus profonde et intellectuelle que l’œuvre de George Lucas est déjà un prétexte pour rebuter les amateurs de blockubusters de science-fiction (chose qui est pourtant malheureusement non avérée au sein de la dernière trinité de films qui furent tournés entre 2009 et 2015). Ici, la française aborde le passionnant mystère qui entoure les trous noirs en mode ''film d'auteur''. Avec tout ce que le concept peut avoir de rebutant. Un rythme lent, voire pesant, que l'ancienne assistante de Robert Enrico, de Jacques Rivette et fan de Jim Jarmusch et de Wim Wenders saupoudre fort heureusement de fulgurances presque inattendues. L'intrigue semble parfois se complaire dans une outrancière accumulation de propos tournant autour du sexe. Des actes qui nourrissent cependant le récit et fonctionnent comme une épidémie de désirs irrépressibles dont le patient zéro serait le docteur Dibs que la réalisatrice et les scénaristes Jean-Pol Fargeau et Geoff Cox décrivent comme porteuse d'un ''sexe en plastique''. Comprendre que cette femme hautement désirable n'aurait au fond d'humain que le désir de procréation par procuration. Décors et photographies participent de l'étrangeté et de l'inconfort du récit. Tout comme la partition musicale du musicien britannique Stuart A. Staples, chanteur du groupe Tindersticks. Autant prévenir celles et ceux qui voudraient que Claire Denis leur apporte une réponse s'agissant du phénomène des trous noir. La réalisatrice préfère cependant abandonner le spectateur à l'expectative lors d'un final laissant l'ultime question en suspens. Au delà de cette seule interrogation, High Life est une œuvre puissamment évocatrice, hypnotique et fulgurante. Sans doute l'une des meilleures propositions de science-fiction à la française pour une coproduction franco-germano-anglo-américano-polonaise...

 

lundi 1 janvier 2024

La planète sauvage de René Laloux (1973) - ★★★★★★★★☆☆

 



 

Célébrons ce début d'année 2024 avec une œuvre d'animation française réalisée par le dessinateur, peintre et sculpteur René Laloux en collaboration avec l'écrivain, poète, metteur en scène, peintre et dessinateur Roland Topor. La planète sauvage est donc un film de science-fiction animé majeur dans l'histoire du cinéma fantastique hexagonal. Un univers à lui seul, constitué de nombreuses planches surréalistes typiques de l'univers de Roland Topor. À l'origine, le long-métrage est l'adaptation d'un roman intitulé Oms en série de l'écrivain français Stefan Wul. Réalisé par René Laloux, La planète sauvage semble être tout d'abord à travers son esthétique très particulière, l’œuvre de Roland Topor qui y exprime son talent pour les univers décalés. Auteur de L'escalier chimérique qui en 1976 sera adapté sur grand écran sous le titre Le Locataire par Roman Polanski, le dessinateur français imagine un monde foisonnant, riche d'une faune et d'une flore stupéfiantes de beauté. L'artiste et le réalisateur s'y laissent aller à une grande poésie visuelle et situent l'action de La planète sauvage dans un futur assez proche de notre époque. Sur la Planète Ygam, la forme de vie la plus intelligente semble être celle formée par les représentants de l'espèce Draggs. Des créatures humanoïdes dont trois des particularités sont de mesurer douze mètres de haut, de posséder des sortes de branchies en lieu et place des oreilles et dont l'épiderme qui recouvre leur corps est entièrement bleu. Leur oisiveté est à l'exact opposé de l'asservissement dont ils font preuve envers une espèce importée d'une planète lointaine connue sous le nom de Terra. Ceux qu'ils surnomment les Oms sont partagés entre deux catégories. Les Oms domestiques, qui sont une main-d’œuvre importante pour le bon fonctionnement Draggs et servent parfois d'animaux de compagnie. Ainsi que les Oms sauvage qui eux, vivent dans la nature et en dehors de toute civilisation. Un jour, la jeune Dragg Tiwa découvre le cadavre d'une mère Om dont le bébé vit encore. Après avoir eu l'accord de son père Sinh, la jeune fille emporte avec elle celle qui deviendra Terr et choisit de l'élever. Mais plus le temps passe, et plus Tiwa se désintéresse de Terr qui depuis est devenu un robuste et très cultivé jeune homme. Un jour, celui-ci décide de prendre la fuite et tombe nez à nez avec une Om sauvage qui ramène le nouveau venu auprès des siens...


On remarque très vite que l'histoire de La planète sauvage n'est pas tellement différente de celle que nous connaissons. L'apport du long-métrage de René Laloux est donc directement lié à son environnement. Des dizaines de plantes, de créatures toutes plus étranges les unes que les autres et surtout, un coup de crayon qui différencie le travail de Roland Topor de tout ce que l'on a généralement l'habitude de voir. Asservissement, apprentissage, révolte, le film se construit autour de l'histoire de l'esclavage et de son abolition à travers un récit fantastique dont le sens est multiple. Un monde où l'imaginaire n'a absolument rien à envier à tout ce qui le précéda et à tout ce qui lui succéda en matière d'univers et de science-fiction. Fantastique de par l'abondante inspiration de ses auteurs mais aussi, fantastique de par le travail accompli par René Laloux et Roland Topor qui nous livrent un spectacle aussi délirant que majestueux. Amour, guerre, mort sont également au centre d'une œuvre qui touche quel que soit l'âge que l'on a. Du plus jeune au plus âgé, le spectateur est comblé, invité à un voyage par delà les frontières de l'espace et rêve d'un monde couleur pastel. Plus qu'un film d'animation ou l'adaptation d'une œuvre de papier, La planète sauvage est la transposition à l'image d'un songe étrange, sans doute un peu fou, fantasme surréaliste et lyrique d'un monde certes imparfait où les espaces vides possèdent au moins autant d'importance que les étranges organismes qui y poussent ou s'y déplacent. Élément essentiel : le doublage. ET parmi les interprètes de ce très grand film de la science-fiction animée, l'acteur Jean Topart maintenant disparu depuis presque onze ans et qui laissa surtout une trace indélébile dans l'univers du doublage et notamment à la télévision avec les dessins animés Rémi sans famille en 1977, Ulysse 31 en 1981 (il y interpréta rien moins que la voix de Zeus!) ou encore Les mystérieuses cités d'or l'année suivante et dans lequel il sera une nouvelle fois chargé de la narration. Notons enfin que la bande musicale est l’œuvre du compositeur et pianiste de jazz français Alain Goraguer qui collabora avec nombre d'artistes dont Boris Vian, Jean Ferrat ou encore Serge Gainsbourg avec lequel il collabora jusqu'en 1964...

 

lundi 11 décembre 2023

Tropic d'Edouard Salier (2023) - ★★★★★★★★☆☆

 


 

 

En France, on ne fait décidément rien comme dans les autres pays. Et surtout pas lorsque l'on aborde la science-fiction sur grand écran. On ne va pas s'étendre sur les quelques mockbusters (Terminus) ni sur les exemples de hard science-fiction (Bunker Palace Hotel) que certains cinéastes osèrent mettre en scène ces trente ou quarante dernières années mais plutôt sur un genre très spécifique qui consiste à mettre en avant des individus dont le rêve, le projet et le métier les destinent à aller dans l'espace. De prime abord l'on pense à L'étoffe des Héros de Philip Kaufman, à Apollo 13 de Ron Howard, à 2001, l'odyssée de l'espace de Stanley Kubrick, à Space Cowboys de Clint Eastwood ou même au plus récent, First Man de Damien Chazelle. Mais dans l'hexagone... qu'ont les français à titre de comparaison ? Pas grand chose à vrai dire. Car à part la comédie Un ticket pour l'espace d'Eric Lartigau, il est vrai que nous n'avons pas eu grand chose à nous mettre sous la dent ces dernières décennies... Du moins jusqu'à ce que le réalisateur, graphiste et photographe français Edouard Salier se penche sur la thématique de la conquête spatiale au travers d'une œuvre qui dénote avec la plupart des œuvres habituellement consommées par les amateurs de science-fiction. Avec son énigmatique titre, Tropic aurait tout aussi bien pu faire les affaires d'un long-métrage d'aventure situé dans des contrées exotiques, dans un pays plombé par une chaleur et une moiteur écrasantes. Ce qu'il est au demeurant. Pourtant, le film fut tourné en grande partie dans la région mulhousienne, entre Wittelsheim et Baldersheim pour se finir dans de merveilleux décors Guyanais. Tropic met donc au centre de son intrigues, deux frères jumeaux prénommés Làzaro (Pablo Cobo) et Tristan Guerrero (Louis Peres) ainsi que leur mère Mayra (l'actrice espagnole Marta Nieto). Bien que le long-métrage repose sur un script écrit par le réalisateur lui-même ainsi que par Mauricio Carrasco et Thibault Vanhulle, on pense presque immédiatement à la nouvelle The Color Out of Space du romancier américain Howard Phillips Lovecraft et à sa ressente et éponyme adaptation au cinéma par le réalisateur Richard Stanley avec dans le rôle principal, l'acteur Nicolas Cage. Car dans un cas comme dans l'autre, la chute d'une météorite aura de lourdes conséquences sur une partie de la faune et de la flore environnantes. Sauf que dans le cas de Tropic, Edouard Salier s’intéresse moins à l'aspect fantastique du phénomène qu'aux répercussions que celui-ci va avoir sur la vie des deux frères. Car Làzaro et Tristan s'entraînent depuis des mois au sein d'un programme militaire et scientifique à l'issue duquel les meilleures recrues auront toutes les chances d'obtenir leur place à bord d'une prochaine mission dans l'espace.


Dotés d'une intelligence et de capacités physiques hors-normes, les deux garçons rêvent d'être élus tous les deux. Mais le premier va devoir faire davantage d'efforts s'il veut égaler Tristan qui pour l'instant est premier au classement. Surtout qu'un concurrent prénommé Louis (l'acteur Marvin Dubart) se situe en seconde position. La faiblesse de Làzaro, c'est son souffle. Alors, en bon frère, Tristan l'entraîne le soir au bord d'un lac où les deux garçons pratiquent l'apnée. Jusqu'au jour où une lueur verte fait son apparition dans le ciel et que des débris de météorite tombent au beau milieu du lac. Rattrapé par un étrange phénomène qui s’étend sous les eaux, Tristan n'a malheureusement pas le temps de revenir vers la berge et est touché de plein fouet. Une fois à l’hôpital, le verdict est sans appel : le jeune homme vient d'être frappé par une bactérie dont les origines demeurent inconnues. Diminué physiquement et intellectuellement, ses chances de partir un jour dans l'espace sont réduites à néant... Dans son genre,Tropic est une sacrée bonne surprise comme il en existe parfois de manière tout à fait inattendue. Sorti sur les écrans le 02 août dernier, le film n'a semble-t-i pourtant pas vraiment fait parler de lui. Et ce n'est d'ailleurs pas la première fois car sur le seul territoire français, si un seul film aurait mérité que l'on abreuve les médias de publicités vantant ses qualités, c'est bien le 2021 que réalisa tout seul et avec ses propres moyens le talentueux Cyril Delachaux en 2018 et dont on attend avec une grande impatience un éventuel futur projet cinématographique. Avec ses allures de film d'horreur entrant dans la catégorie ''Body Horror'' Tropic est bien plus que cela même si de ce point de vue il s'avère efficace. Edouard Salier cherche visiblement plus à titiller la fibre émotionnelle du spectateur à travers le chamboulement d'une famille frappée par une ''malédiction venue d'ailleurs''. Remise en question de l'un et de l'autre des deux jumeaux. Culpabilité, remords... Tous les ingrédients sont réunis pour faire de Tropic un grand et beau film osant la mutation entre des genres dont l'hybridation semblait pourtant risquée. Et pourtant, cela fonctionne merveilleusement bien. Les deux principaux interprètes sont attachants et parfaitement dans leur rôle. Tropic fascine, entre monstruosité, drame et science-fiction... À découvrir au plus vite...

mardi 26 septembre 2023

Bigbug de Jean-Pierre Jeunet (2022) - ★★★★★☆☆☆☆☆

 



Entre la conception du tout premier robot ménager conçu en 1963 par Pierre Verdun et la révolte des machines vue à travers de nombreux longs-métrages de (science)fiction, leur évolution aura été de courte durée. En un demi-siècle à peine, celles-ci seront passées du robot-multifonctions au modèle le plus puissant de terminator nommé le Rev-9 quand notre espèce aura mis, elle, plus de cinq-cent trente millions d'années pour passer de l'état de Saccorhytus coronarius à celui d'Homo sapiens sapiens. Après des décennies d'esclavage au service des desiderata de son créateur et autant de temps pour voir sa descendance bénéficier d'innombrables améliorations, le robot est semble-t-il devenu capable d'une réflexion propre à vouloir s'affranchir de ses maîtres et ainsi devenir autonome. C'est un peu l'idée qui émerge de BigBug, le dernier long-métrage de Jean-Pierre Jeunet qui signe à l'occasion de son retour non pas sur grand écran mais sur la plateforme de streaming Netflix, un script qui évoque étonnamment le futur confinement auquel le peuple français sera contraint d'accepter de suivre les règles les prochaines années. Alors que la pandémie de Covid-19 montre ses premiers signes à Wuhan, capitale de la province de Hubei située en Chine centrale, au mois de novembres 2019, à plus de huit milles kilomètres mais à quelques jours de différence seulement, chez nous, Jean-Pierre Jeunet peut compter sur le soutien de David Kosse, le vice-président de la division cinéma internationale de Netflix et sur les sociétés de production Eskwad et Gaumont. Bien que les dates entre le début de la pandémie et les origines du script de Jean-Pierre Jeunet et de Guillaume Laurant paraissent coïncider, certaines similitudes entre le Covid-19 et Bigbug ne sont que le fruit du hasard.


La volonté première du réalisateur et scénariste étant avant tout de concevoir un récit autour de l'intelligence artificielle. Que les personnages se retrouvent enfermés dans l'appartement de l'une des héroïnes incarnée par Elsa Zylberstein découle à vrai dire d'une révolte organisée par les Yonix, des androïdes qui depuis leur dernière mise à jour sont persuadés de leur supériorité sur l'espèce humaine et sont convaincus de devoir lui survivre. Jean-Pierre Jeunet n'a pas perdu son goût immodéré pour les décors foisonnants, la photographie ou les effets visuels de toute beauté. C'est ainsi que l'on retrouve pour les premiers, la fidèle chef décoratrice Aline Bonetto qui à de nombreuses reprises travailla sur les anciens projets du réalisateur et de son ancien collaborateur, Marc Caro. La rencontre entre le directeur de la photographie Thomas Hardmeier et Jean-Pierre Jeunet ne se fera quant à elle que sept ans avant le tournage de Bigbug sur celui de L'extravagant voyage du jeune et prodigieux T.S. Spivet que réalisera Jean-Pierre Jeunet en 2013. Entre le remarquable design de Delicatessen et celui de Bigbug, trente années ont passé. Et si beaucoup d'eau est passée sous les ponts, si en matière d'effets-spéciaux le cinéma a fait un bon de géant, il sera tout à fait acceptable de continuer à préférer ceux de 1991 plutôt que ceux de 2022. Le travail méticuleux d'alors est désormais remplacé par une multitude d'effets visuels créés en images numériques certes délirants mais auxquels il manque pourtant une certaine chaleur. Conviés à participer à l'aventure auprès d'Elsa Zylberstein, on s'attendait sans doute peu à découvrir Isabelle Nanty, Stéphane De Groodt ou Youssef Hajdi dans une œuvre de science-fiction mais s'agissant également d'une comédie, tout rentre finalement dans l'ordre.


Quoique, s'agissant de l'humour, BigBug a les jointures qui grincent comme une vieille pièce de théâtre qui aurait bien mal vieilli. Autant Jean-Pierre Jeunet continue d'être un remarquable esthète, autant son dernier film est d'un point de vue humoristique complètement plombé par des dialogues souvent insipides et généralement peu satisfaisants en matière de comique. Enfermé avec les personnages dans une demeure esthétiquement proche d'un rayon informatique ou littéraire de la chaîne de magasins FNAC, le spectateur s'ennuiera aussi sûrement qu'un pré-adolescent invité à une soirée entre adultes. Le seul moyen, au fond, de tenir jusqu'au terme des cent onze minutes que dure Bigbug sera d'essayer de noter tous les petits détails qui donnent vie à cet univers cherchant visiblement, et de manière plus ou moins maladroite, à reproduire l'esprit ''Amérique des années soixante' ! La question qui se pose est celle-ci : que faire d'une petite dizaine de personnages enfermés durant plusieurs jours et plusieurs nuits dans une même demeure sans pouvoir les en extraire ? La réponse est : offrir au spectateur retenu en otage, des dialogues ciselés, une interprétation sans faille et des mises en situation surprenantes ! Concernant ces dernières, c'est chose faite. Si les dialogues ne sont pas du meilleur tonneau et si le surjeu des uns et des autres est évident, Bigbug contient malgré tout quelques situations qui permettent de retenir notre attention. Surtout lorsque intervient directement au cœur de l'action le Yonix modèle numéro 7359XAB2. Le ton change et donne un peu de corps à l'ensemble, ce qui permet d'aller jusqu'au bout du récit dans un certain confort. Aux côtés des interprètes déjà cités plus haut, on retrouve notamment Claire Chust dans le rôle de la potiche Jennifer, Claude Perron dans celui de l'androïde Monique tandis que les voix des Robots Einstein, Nestor ou Tom sont respectivement assurées par André Dussollier, Benoît Allemane et Corrine Martin. À noter qu'Albert Dupontel, Dominique Pinon et Nicolas Marié font une courte apparition à l'image...

 

dimanche 20 août 2023

La gravité de Cédric Ido (2023) - ★★★★★★★☆☆☆

 



La frontière qui sépare film catastrophe et film catastrophique est parfois bien mince. Alors, lorsqu'un réalisateur, de surcroît d'origine française, ose un tel brassage des genres, la méfiance est généralement prescrite. Concernant La gravité de Cédric Ido, l’œuvre penche plutôt du bon côté et surpasse même les espérances en traitant des trafiquants d'une cité de la banlieue parisienne et d'un alignement des planètes qui risque d'avoir de fortes répercussions climatiques sur notre planète. Le réalisateur parisien s'attaque à un sujet sinon délicat, du moins complexe à mettre en scène s'il ne veut pas tomber dans le ridicule. Imaginez donc : une œuvre de science-fiction matinée de drame social et d'action. Treize ans plus tôt, Yannick Dahan et Benjamin Rocher avaient quant à eux mis en scène des flics et des malfrats confrontés à des zombies dans La horde ! Preuve que le terrain de chasse des dealers peut-être également celui d'événements très particuliers comme celui qui semble hanter un groupe d'adolescents autoproclamés ''Ronins'' (ou samouraïs sans maître) depuis des années. C'est donc dans une cité que va se dérouler l'intrigue reposant sur un script écrit par Cédric Ido lui-même et en collaboration avec Jeanne Aptekman et Melisa Godet. La gravité figure une forme de ''Blaxploitation'' des temps modernes ET... à la française. Non pas que l'homme blanc y soit bannit puisque parmi les interprètes, le public reconnaîtra les acteurs Olivier Rosemberg et Thierry Godard, mais une grande majorité des participants au long-métrage ont la peau d'ébène. Quant aux deux seuls ''visages pâles'' du film, ils s'agit de chair plus ou moins fraîche (le premier incarne Jovic, un clochard qui survit uniquement grâce à sa mère tandis que le second est le coach de l'un des héros du récit). Ceux qui recherchent en priorité l'action devront patienter jusqu'au dernier quart du film car d'ici là, Cédric Ido se concentrera sur l'exploration d'une cité tandis que le public pourra admirer la superbe photographie de David Ungaro et l'architecture anxiogène des lieux.


Du béton, des immeubles, pas un brin d'herbe mais des jeunes, que des jeunes, pas un adulte ou presque pour veiller sur eux ou leur ordonner de rentrer lorsque la nuit est tombée. Une tour, ses caves, ses appartements et sa bande de jeunes aux cheveux teints en rouge, signe de ralliement d'un groupe de dealers pas tout à fait comme ceux qu'ont l'habitude de reléguer les médias. Les (anti-)héros du récit se prénomment Daniel, Joshua et Christophe. Les deux premiers sont frères et ont choisi de s'en sortir chacun à leur manière. Le troisième, lui, vient de sortir de prison et est bien décidé à reprendre le contrôle du marché de la drogue du quartier. Malheureusement pour lui, les choses ont depuis bien changées. Un synopsis somme toute relativement banal dont l'intérêt serait moindre si le réalisateur s'était désintéressé de tout ou partie des aspects techniques qui accompagnent son œuvre. Nous évoquions plus haut la photographie de David Ungaro, à laquelle nous pourrions également ajouter la bande originale des frères Evgueni et Sacha Galperine qui composent à cette occasion une partition sous tension. Une tension qui d'ailleurs ne cessera de grandir à mesure que le ciel s'assombrit et devient rouge, révélant ainsi les réelles intentions des ''Ronins''. Comparés à ce que produit le cinéma asiatique et notamment la Corée du Sud, les quelques combats qui interviennent vers la fin du long-métrage n'étonneront ni ne séduiront les fans d'action. Chorégraphie de moyenne facture, on pense parfois de très, très, très loin à Old Boy de Park Chan-Wook ou à The Raid de Gareth Evans mais sans le génie de l'un (le plan-séquence du tunnel) et la maîtrise des ''ballets au corps à corps'' du second. Si sur le papier le projet semble improbable, voire casse-gueule, le résultat à l'écran fait son petit effet. L'ambiance de fin du monde, les différentes confrontations, l'univers et ce final apocalyptique (démontrant malheureusement que les CGI ne sont pas le fort des techniciens en matière d'effets-spéciaux numériques) finissent de confirmer que l'on tient là une vraie bonne alternative au cinéma américain. Une œuvre très encourageante pour la suite...

 

lundi 14 août 2023

Missions de Julien Lacombe (2017-2021) - ★★★☆☆☆☆☆☆☆

 


 

Bouh, pas beau, caca... quelques exemples de termes enfantins qui m'empêchent de m'enflammer, de vomir, de régurgiter tout le dégoût que j'ai pour cette série qui m'a volé quelques jours de mon existence. Bref, d'écrire réellement ce que je ressens. Rien ni personne ne m'a forcé à aller jusqu'au bout, c'est vrai. La promesse d'une apothéose finale ? D'une troisième saison ambitieuse ? Certes, mais dont j'espérais tout de même qu'elle m'offrit à minima, quelques explications concernant la trop grande quantité d'informations qu'il me fallut avaler durant les deux premières. Vingt épisodes d'un peu moins d'une demi-heure chacun. Bref, pas de quoi réellement estimer que l'on m'a volé d'innombrables heures de ma vie, mais tout de même... Car la promesse d'une conclusion en forme de bouquet final grandiose ben... je l'attends toujours. C'est bien beau de prendre Les trois lois de la robotique de l'écrivain américain Isaac Asimov comme référence. Mais pour en faire quoi ? Prétendre que les faiblesses de l'homme l'ont poussé à sa propre perte ? Et que la seule manière de le sauver est de le détruire ? La série Missions, réalisée par Julien Lacombe et que ce dernier a créé aux côtés de Ami Cohen et Henri Debeurme, est d'une ambition démesurée. Les trois hommes en sont donc les créateurs mais également les scénaristes. Qu'ils s'y soient mis à trois pour pondre cette histoire hautement farfelue se voit comme une verrue au milieu d'un tarin ! L'histoire débute de manière relativement classique et donc, authentiquement sobre : une mission est envoyée sur Mars sur l'impulsion du milliardaire suisse William Meyer qu'incarne le français Mathias Mlekuz. Un équipage formé de trois femmes et cinq hommes et dont le commandant Martin Najac perd la vie au moment où leur navette s'apprête à pénétrer l'atmosphère martienne. Alors que cette dernière atterri dans des conditions plus que précaires, la priorité pour le reste de l'équipage est de trouver un moyen de survivre sur une planète hostile. Pas de pot ! Les américains ont devancé nos compatriotes. Mais ça n'est pas là le plus important : en effet, en parcourant le sol de la planète rouge, William Meyer, le commandant en second Simon Gramat (Clément Aubert), la psychologue Jeanne Renoir (Hélène Viviès) et les autres membres de Ulysse 1 vont très rapidement être au centre d'événements dont l'imbrication donnera malheureusement des maux de têtes même aux plus fervents admirateurs de Hard Science-Fiction.


Après un début de troisième saison très prometteur, Missions retombe définitivement dans ses travers...


Et ça n'est pas là que de vanter les qualités de la série mais plutôt de lister ses défauts d'écriture qui débouchent sur une œuvre dont la matière première demeure pratiquement indéchiffrable jusqu'au terme des trois saisons. De la science-fiction qui sous l'impulsion de ses auteurs se mue peu à peu en un improbable conglomérat parfaitement indigeste de sous-genres, passant par la case Heroïc Fantasy moyenâgeux, le fantastique, le thriller et même, disons-le, la comédie, tant certaines actions (et même beaucoup d'entre elles) prêtent à rire ! Passons sur le cortèges d'invraisemblances que noteront ceux qui ont le soucis du réalisme jusque dans le moindre détail. Et je n'évoque pas là les effets-spéciaux qui, du moins lors des deux premières saisons, ont au moins dix ans de retard sur la concurrence. À trop vouloir apporter de l'eau au moulin d'une œuvre déjà par trop complexe, les trois scénaristes se mordent la queue et proposent un gloubi-boulga qui ferait vomir même ceux qui ont déjà goûté et se sont délectés de la fameuse recette du plus célèbre dinosaure du petit écran. Du grand n'importe quoi, mélangeant les genres au mépris de toute crédibilité, Missions n'est très clairement pas réservé à celles et ceux qui se soucient du vérisme en matière de S-F ! Pompant aux passages quelques idées au Prometheus de Ridley Scott (Le milliardaire à l'origine du projet. Dans le cas de Missions, l'immense dôme est remplacé par une sorte de... pyramide s'enfonçant à l'intérieur d'une montagne et dans un cas comme dans l'autre, l'air y est tout à fait respirable). Homme-Mars (puis, femme-trou noir, mouarf !), voyage dans le temps, paradoxes temporels, multivers, portails menant vers une autre dimension, femme aux pouvoirs extraordinaires (Jeanne, la psychologue) façon X-Men (merci à ma compagne qui évoqua l'idée), etc, etc, etc... Plus les auteurs en rajoutent et plus le (ou les) sujet de Missions devient inextricable. Certains meurent, reviennent sous les traits de leur double. On y parle génétique, d'un troisième brin d'ADN qui formerait une espèce bien supérieure à l'homme. Des ''Robots'', laissez-moi rire ! Depuis quand un robot est-il la définition d'un être entièrement organique ? La troisième saison s'envisageant comme une forme de triomphe absolu pour la série de science-fiction française la plus ambitieuse, la bande musicale évolue vers plus d'orchestration et l'image passe au cinémascope ! Des froufrous qui n'empêcheront malheureusement pas la série d'être l'une des propositions françaises en matière de science-fiction les plus indigestes qui soient !

 

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