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dimanche 9 février 2025

W Nich Cala Nadzieja de Piotr Biedron (2023) - ★★★★★★★★☆☆

 


 

Premier long-métrage écrit et réalisé par le cinéaste polonais Piotr Biedron, W Nich Cala Nadzieja que l'on peut traduire par ''Tout l'espoir est en eux'' mais qui à l'échelle internationale a été traduit sous le titre The Last Human met en scène ce que l'on suppose être l'une des toutes dernières survivantes à une apocalypse mondiale. Une catastrophe d'ampleur cataclysmique qui n'a permis qu'aux plus riches d'entre nous de fuir la surface de notre planète à bord de fusées lancées à destination d'une hypothétique planète pouvant les accueillir. Eve (mouarf!) survit sur un plateau désertique situé dans les hauteurs alors qu'en dessous, toute trace de vie a disparue. L'air y est devenu irrespirable et ces territoires désolés sont désormais devenus accessibles uniquement armé d'un masque à oxygène. Par mesure de protection, cette base construite par le propre père de l'héroïne il y a des années est gardée par Arthur. Un robot programmé pour veiller sur la jeune femme mais dont le logiciel interdit de tuer quiconque tente de pénétrer les containers disposés sur place et qui font office d'abri. Cependant, Eve est régulièrement contrainte de donner le change à Arthur à travers des mots de passe qui changent tous les trois mois. Alors qu'elle revient d'une expédition hors de la base, la jeune femme a oublié que celui qui était encore actif le jour précédent a changé. Inscrit à l'intérieur d'un fascicule qui regroupe les codes passés et à venir, celui-ci est précieusement conservé dans l'un des containers en question. Voici donc Eve incapable de donner le nouveau mot de passe à Arthur qui désormais lui interdit l'accès à l'abri ainsi qu'à tout ce qu'il contient ! Sous ses allures de long-métrage de science-fiction dystopique banal en ce sens où il regroupe des thèmes sur-employés et donc usés, le minimalisme qu'arbore W Nich Cala Nadzieja permet à son auteur de se concentrer essentiellement sur des approches philosophiquement passionnantes.


Alors que le film remporte en 2023 les Prix Electrolux du meilleur film environnemental et de la Meilleure réalisation au festival du film polonais ainsi que le Prix Méliès au Festival du film de Trieste, W Nich Cala Nadzieja profite de l'occasion qui est donnée à son interprète féminine pour interroger son personnage sur la question des Droits de l'homme s'agissant de l'accueil ou non d'une réfugiée dite ''politique'' alors qu'elle sera elle-même contrainte de supporter ce titre à des fins de tromperie face à un robot dont le programme semble inaliénable. C'est d'ailleurs là toute la complexité des rapports que va développer le polonais, partant ainsi d'un postulat de base où le ''passe-temps favori'' de notre héroïne sera de tenter ''d'humaniser'' la machine à travers toute une série de questions dont les concepts demeurent encore très flous pour Arthur. D'où la question : peut-on éduquer une machine pourtant programmée pour des tâches bien définies ? Piotr Biedron répond à cela à travers des attributions faites au robot et dont ce dernier est inconscient des conséquences que peuvent avoir ses prérogatives. Sans manichéisme ou presque, W Nich Cala Nadzieja prend la forme d'une science-fiction très intelligente où ne prévalent ni l'action, ni les effusions de sang. Le réalisateur et scénariste met donc en place deux personnages. D'un côté, Eve, qu'interprète l'actrice Magdalena Wieczorek et de l'autre, Arthur, incarné dans l'ombre par Jacek Beler puisque l'acteur n'y donne que de la voix. Dans une esthétique cyberpunk plutôt sobre sous un soleil de plomb martelant un plateau désertique qui aurait tout aussi bien pu servir de point de vue en hauteur à la franchise Mad Max de l'australien George Miller, Piotr Biedron oppose la conscience humaine à un programme informatique dont l'ambivalence donne parfois le vertige. Où comment une jeune femme se retrouve coincée face à une machine construite pour veiller sur elle mais lui interdisant l'accès aux vivres pour défaut d'accession au nouveau mot de passe ! La sobriété avec laquelle le cinéaste investit le cadre lui permet de tout miser ou presque sur la relation entre la femme et la machine. Entre la conscience organique faite de discernement et un software prévu pour n'accomplir que les tâches qui furent intégrées à son programme informatique. Brillant...

 

dimanche 17 novembre 2024

The Artifice Girl de Franklin Ritch (2023) - ★★★★★★★☆☆☆

 


 

L'intelligence artificielle est un vaste sujet. Si vaste qu'il est possible de l'aborder de diverses manières. À commencer par la plus brute, comme dans Terminator de James Cameron qui en 1984 avait un point de vue radical dans lequel l'humanité était engagée dans une guerre sanglante et totale contre une armée de machines qu'elle avait pourtant elle-même créée. Le long-métrage théorisait alors sur la possibilité d'un voyage dans le passé afin de sauver celui qui allait dans le futur permettre aux hommes de tenir tête à des androïdes qui en comparaison d'autres exemples de créations humaines liées à l'intelligence artificielle allaient se révéler intellectuellement rudimentaires. Le chemin qui pava la route d'un concept qui pour certains est depuis devenu dangereusement concret rencontra quelques surprises intéressantes. Une liste trop longue pour les relever toutes mais dont on peut notamment évoquer l'excellent EX_MACHINA d'Alex Garland dans lequel le jeune programmeur Caleb (Damhnall Gleeson) ignorait sans doute que sa création prénommée AVA allait, au delà du fait que se posa la question de savoir si elle était dotée d'une conscience ou non, s'arracher de sa ''prison'' pour rejoindre la civilisation. Huit ans plus tard et après des dizaines d'autres tentatives, le réalisateur et scénariste Franklin Ritch réadapte le concept et le repousse dans ses derniers retranchements en évoquant à son tour la question de la conscience mais aussi celle tournant autour des émotions. Tourné sous forme de huis-clos relativement oppressant lors duquel l'on comprend rapidement que celui que l'on soupçonne tout d'abord être un prédateur sexuel évoluant sur les réseaux sociaux n'est en fait que l'un de ceux qui les traquent, The Artifice Girl met en place un stratagème évoluant sur une période de cinquante ans découpée en trois actes. Des soubresauts qui dénotent déjà d'une forte avancée dans le domaine de l'intelligence artificielle jusqu'à l'instant très précis où Cherry, la dite intelligence artificielle dont l'âge et l'apparence physique posent des question d'ordre moral, sera libérée de ses entraves une fois que les objectifs d'origines auront atteint un but inespéré. Notons en particulier l'interprétation de l'actrice américaine Tatum Matthews qui contrairement aux apparences n'a pas l'âge avancé dans le film mais vingt-quatre ans. Incarnant l'intelligence artificielle Cherry, la jeune femme donne la pleine mesure de son talent et révèle ainsi les possibilités infinies d'un tel concept.


Face à un écran immaculé devant lequel l'actrice est projetée en mode DEV (un type de paramètres permettant d'avoir un accès direct aux ressources informatiques d'un programme afin de pouvoir en changer certaines fonctions), trois personnages de chair et de sang. À commencer par Gareth (interprété par Franklin Ritch lui-même), l'homme au cœur du projet initial de traque des pédophiles, véritable génie en informatique dont les compétences ont pour origines un drame terrible dont lui et treize autres enfants furent les victimes il y a un certain nombre d'années. Ensuite, les agents du Gouvernement Deena (Sinda Nichols) et Amos (David Girard) qui après avoir questionné Gareth sur ses fonctions au sein des réseaux sociaux vont travailler à ses côtés durant de nombreuses années. Il est à noter que ce dernier sera beaucoup plus tard incarné par l'acteur Lance Henriksen que les cinéphiles auront eu notamment l'occasion de découvrir justement dans le Terminator de James Cameron en 1984, dans Aliens, le retour lui aussi réalisé par James Cameron deux ans plus tard ou au beau milieu des années quatre-vingt dix dans la série Spin-Off d'X-Files intitulée MillenniuM de Chris Carter. Si The Artifice Girl n'est à proprement parler pas une œuvre portée par une grande ambition visuelle, elle l'est par contre en ce qui concerne son sujet. Et quand bien même le film n'aborde pas le même sujet, l'on rapprochera l’œuvre de Franklin Ritch de celle de Richard Schenkman intitulée quant à elle, The Man from Earth. Deux visions philosophiques bien différentes mais qui se rejoignent dans leur propension à étudier leur thématique en profondeur. En ces termes, The Artifice Girl est parfois relativement complexe à comprendre et certaines terminaisons employées demandent tout d'abord à être décodées afin de livrer avec aisance le message du réalisateur et de son scénariste. D'autant plus que le film n'est pas avare en paroles et que les dialogues s'entrecroisent si rapidement qu'il est parfois difficile de comprendre le cheminement du récit. Le film reste néanmoins l'une des plus intéressantes propositions sur l'intelligence artificielle. Et si aucune date de sortie officielle n'a été annoncée sur grand écran, espérons qu'il sera visible un jour prochain dans les salles obscures...

 

lundi 21 octobre 2024

T.I.M de Spencer Brown (2023) - ★★★★★★★☆☆☆

 


 

Premier long-métrage du réalisateur, scénariste et acteur britannique Spencer Brown, T.I.M est l'un des nombreux films de science-fiction et d'épouvante qui traitent des problèmes rencontrés avec l'intelligence artificielle. Si le concept remonte au milieu des années 1900 lorsque le scientifique américain Warren Weaver évoqua la possibilité que des machines pourraient traduire un jour et de manière autonome des documents dans des langues étrangères ou lorsque le mathématicien britannique Alan Turing employa le terme d'Intelligence Artificielle pour la première fois en 1950, la démonstration de ses vastes étendues devront par contre attendre longtemps avant d'être exploitées sur grand écran. Moins récent qu'il n'y paraît, le sujet fut notamment et indirectement traité dans le chef-d’œuvre de Stanley Kubrick, 2001, l'odyssée de l'espace en 1968 à travers l'ordinateur de bord HAL 9000 du vaisseau spatial Discovery One. Proposant l'éventualité de complications liées à un dysfonctionnement interne de la machine, le film se proposait ainsi de mettre en danger son ''créateur'', dans un combat acharné entre l'homme et la machine. Une thématique que l'on retrouvera bien des années plus tard dans le premier volet de la franchise Terminator ainsi que dans ses suites. Film dans lequel James Cameron opposait l'humanité à une prise du pouvoir par les machines dans un futur pas si lointain de nous. Ses héros menant là aussi un combat dans le présent tout aussi obstiné contre un organisme cybernétique (ou Cyborg) modèle T-800. Entre ces deux classiques de la science-fiction où pointent une grande part de nos peurs, l'on pourrait également citer l'officier scientifique Ash qui lors d'un twist remarquablement saisissant dévoilera sa véritable origine d'Androïde dans le Alien de Ridley Scott en 1979. Mais HAL 9000, le T-800 et ASH ne représentant qu'une toute petite poignée, mais pas des moindres, d'une foule de propositions dans le domaine de l'intelligence artificielle, le cinéma en a vu naître depuis des légions sur grand écran. Un autre genre s'est imposé dans un registre légèrement éloigné de la science-fiction pour se rapprocher davantage du fantastique. Ponctuellement et de façon quasi métronomique, le cinéma dit d'horreur a depuis Child's Play de Tom Holland en 1986 mis en scène des ''jouets'' tout d'abord créés à l'attention des enfants, art qui se perpétue encore de nos jours, avant d'encourager la production de machines cette fois-ci réalisées à l'attention de leurs parents. Au départ, des systèmes électroniques ou mécaniques mus par l'esprit d'un défunt maléfique ou atteints de défaillances. Plus tard, et avec la mode des films de fantômes et de démons l'on a vu émerger toute une foule de longs-métrages comme Annabelle de John R. Leonetti en 2014. Entre-temps, le genre est revenu à l'une de ses premières amours croisée à l'origine au détour d'un xénomorphe à occire !


Des années après l'androïde de Alien, ceux de Blade Runner ou de Terminator, d'autres ont montré le bout de leur nez sous un jour tout d'abord optimiste avant de révéler leur véritable nature. Deux exemples avec Ex Machina d'Alex Garland en 2015 et M3GAN de Gerard Johnstone qui contrairement aux autres s'inscrivent dans le contexte chaleureux du foyer familial où tout danger semble tout d'abord être écarté. La technologie avançant à grands pas et sans doute plus rapidement que le septième art qui ne fait généralement que ressasser les mêmes obsessions, T.I.M se révèle donc n'être qu'une énième itération d'un sujet qui pourtant continue de faire frémir à l'idée qu'un tel dispositif d'intelligence Artificielle couplé à la domotique puisse être mis en place dans la demeure de n'importe quels particuliers ! Fraîchement débarquée dans l'entreprise Integrate Robotic et chargée par son PDG d'améliorer le fonctionnement d'automates à l'apparence et au comportement très proches de l'homme, Abi, ainsi son époux, sont contraints par le PDG de la boite d'accueillir l'humanoïde T.I.M dans leur nouvelle demeure. Sorte d'aide-ménager en mode 10.0, capable d'accomplir n'importe quelle tâche tout en étant en possession de restrictions qui l'empêchent notamment d'entrer physiquement en contact avec l'humain. Programmé pour n'obéir qu'à Abi (incarnée par l'une des actuelles égéries du cinéma d'épouvante que l'on a pu notamment découvrir dans Barbare en 2022, dans Bird Box : Barcelona en 2023 ou dans Les guetteurs cette année), T.I.M va rapidement se découvrir un intérêt pour la très jolie jeune femme au grand dam de Paul, son époux avec lequel elle espère très prochainement avoir un enfant. Première remarque plutôt positive à faire à l'encontre du long-métrage de Spencer Brown : son Cyborg, interprété par Eamon Farren s'avère relativement troublant. De ce fait, l'acteur imprime à son personnage une attitude dérangeante de type intrusive. Si le réalisateur ne prend pas de gants et nous plonge quasiment instantanément au cœur de l'intrigue, c'est parce qu'il a sans doute conscience que son public sait très précisément à quoi il a à faire. Si la formule n'est évidemment pas toute neuve, T.I.M est capable tout comme ses prédécesseurs de créer un climat d'angoisse et d'oppression propre à ce type de sujet où l'épouse est incapable de voir ce que trame le cyborg tandis que son époux tente par tous les moyens, mais sans jamais y parvenir, de lui ouvrir les yeux. Si l'on connaît déjà le fin mot de l'histoire, on ne peut cependant s'empêcher d'angoisser sur le sort des protagonistes et de s'agacer devant ce calme impérial qu'affiche en permanence l'antagoniste du récit. Le long-métrage de Spencer Brown n'est certes pas très original mais il a au moins le mérite de faire aussi bien que les autres films du genre. Bref, si vous aimez le concept, T.I.M ne vous décevra que si vous vous attendiez à un minimum d'originalité...

 

mercredi 2 octobre 2024

Silo - saison 1 de Graham Yost (2023) - ★★★★★★★★☆☆

 


 

Parmi les plates-formes de streaming proposant des séries de science-fiction, AppleTV+ fait sans doute partie des plus intéressantes. Avec à son actif au moins trois des plus passionnantes dans cette catégorie, celle-ci a de quoi enthousiasmer les amateurs de conquêtes spatiales uchroniques (For All Mindkind), de voyages dans le temps et de paradoxes temporels (Dark Matter) ou comme dans le cas présent, séduire les fans de tout ce qui touche à des univers dystopiques avec Silo. À l'origine de cette série apparue sur AppleTV+ dès le 5 mai 2023, créée par Graham Yost, un ouvrage en cinq parties écrit par le romancier de science-fiction américain Hugh Howey publié en 2012 et dans lequel la vie à la surface de notre planète est devenue impossible, contraignant ainsi les humains à vivres retranchés dans un silo souterrain de cent-quarante quatre étages. Onze ans plus tard voici que débarquait donc son adaptation télévisuelle. Doté d'un confortable budget de deux-cent millions de dollars pour un projet finalement peu gourmand si l'on tient compte du fait que cette première saison tourne tout de même autour de dix épisodes d'une heure environ, ce qui saisit immédiatement est l'univers dans lequel baignent les personnages. Le silo est représenté par une immense structure de béton s'enfonçant dans les entrailles de la Terre. Un lieu de survie où d'emblée il ne semble pas vraiment faire bon vivre. Un cadre de vie anxiogène maintenu en place par une hiérarchie nommée Judiciaire qui agit dans l'ombre tandis que le maintien de l'ordre est assuré par le shérif Holston Becker (David Oyelowo). Du moins jusqu'à un certain point puisque l'on découvrira d'étonnantes règles régies par un Pacte, sorte de règlement interne au Silo que tous doivent respecter à la lettre.Comme l'interdiction de posséder des reliques. Des objets faisant partie d'un passé lointain. Car la vie à la surface n'est plus possible depuis les cent-quarante dernières années. L'air y étant devenu irresponsable, chaque femme et chaque homme du Silo peut malgré tout décider de s'y rendre, sans retour possible. Lorsque l'un d'eux choisit de quitter l'abri, une grande cérémonie est organisée et à laquelle peut participer chaque habitant. Mais dehors, c'est la mort qui attend tout homme ou toute femme qui décide de partir. Le shérif Holston Becker en fera d'ailleurs les frais.


Silo passe sans encombres du présent au passé récent sous la forme de flash-back et met principalement en scène l'actrice suédoise Rebecca Ferguson qui fut notamment découverte grâce à la série The White Queen en 2013 avant d'enchaîner les projets cinématographiques parmi lesquels, Rogue Nation, Fallout, Men in Black: International ou plus récemment le diptyque Dune de Denis Villeneuve, la nouvelle adaptation sur grand écran du roman de science-fiction éponyme écrit il y a près de soixante ans par le romancier américain Frank Herbert. Silo est fascinant à plus d'un titre. Car plus encore que ses sombres environnements qui peuvent rappeler les sinistres décors évoqués dans les séquences futuristes du premier Terminator de James Cameron, la série de Graham Yost met en place un complot sans doute visible à des kilomètres à la ronde ( ce qui semble être l'un des très rares défauts de la série) mais qui s'avère passionnant. Comme l'on s'en doute, les différents étages des lieux coïncident avec divers statuts sociaux. Silo est donc en partie une allégorie du monde tel que nous le connaissons même si dans le cas présent, celle-ci est abordée sous la forme d'une dystopie. La série n'est jamais avare lorsqu'il s'agit de ménager des séquences de tension particulièrement tendues ! Meurtres, enquêtes, mystères multiples, prises de pouvoir, révoltes, il y a ici de quoi en donner pour leur argent aux spectateurs. L'intrigue de Silo n'est jamais véritablement éloignée de celle d'une série culte des années soixante-dix créée par les américains William F. Nolan et George Clayton Johnson. Il est effectivement parfois difficile de ne pas voir dans cette dystopie quelques éléments propres à la formidable série L'âge de cristal qui fit sa première apparition sur les petits écrans en 1977 sur le territoire américain. Il est donc fort probable que les plus anciens devinent rapidement les ficelles derrières lesquelles se cachent les dirigeants de la Judiciaire et parmi lesquels l'on retrouve l'excellent rappeur et acteur américain Commons dans le rôle de Robert Sims. Notons également dans le rôle du nouveau maire Bernard Holland la présence de Tim Robbins, star américaine que l'on ne présente plus mais qui tourna notamment auprès d'Adrian Lyne (L'échelle de Jacob), des Frères Coen (Le grand saut), de Frank Darabont (Les évadés) ou plus récemment dans la série de Sam Shawn et Dustin Thomason, Castle Rock. En réalité, ce sont tous les interprètes qu'il faudrait citer ici tant l'auteur et ses scénaristes se sont employés à rendre cohérent, intriguant et parfois même touchant leur personnage respectif. Bref, Silo est une remarquable série de science-fiction à découvrir d'urgence. La seconde saison est quant à elle prévue pour novembre prochain...

 

vendredi 27 septembre 2024

The Ark - Saison 1 de Dean Devlin et Jonathan Glassner (2023) - ★★★★★★★☆☆☆

 


 

En 2119, la vie sur Terre est devenue impossible. C'est pourquoi l'humanité est condamnée à aller vivre loin du système solaire, sur une planète du nom de Proxima B. Afin de mettre à bien ce projet de colonisation, Un vaisseau, l'Arche 1, est envoyé dans l'espace avec à son bord plus de quatre-cent hommes et femmes dont une majorité n'a pas trente ans. Durant les premiers mois du voyage, un très grave incident se produit et une partie de l'équipage meurt. Parmi les victimes se trouvent tous les plus éminents membres du personnel. Afin de pallier à leur tragique disparition, un nouveau commandement est formé et à la tête duquel va immédiatement s'imposer le lieutenant Sharon Garnet. Problème : alors que l'Arche doit atteindre sa destination dans un an, l'équipage qui avait été placé sous stase cryogénique est désormais réveillé et va devoir survivre malgré des stocks alimentaires et une réserve en eau insuffisants... Série de science-fiction qui à ce jour compte deux saisons, The Ark est diffusé depuis le 1er février 2023 sur Syfy. Tournée à Belgrade, en Serbie, la première saison est constituée de douze épisodes de trois-quart d'heure environ. Mêlant science-fiction sur fond de dystopie, cette création de Dean Devlin et Jonathan Glassner ''bénéficie'' d'une réputation généralement peu flatteuse. On lui reproche en effet notamment son manque d'inspiration. Il faut dire que dans ce type de space-opera réunissant des centaines d'individus censés coloniser une nouvelle planète, le concept n'est évidemment pas nouveau. Mais ce qui saute avant tout aux yeux dès les premiers instants, c'est la faible qualité des effets-spéciaux. Leur indigence est tout d'abord telle que l'on peut aisément ressentir un certain détachement vis à vis de cette première saison. La catastrophe à laquelle sont confrontés les passagers de l'Arche 1 est très significative du problème que rencontre la série du point de vue des effets. Passé ce détail relativement gênant, The Arch va cependant devenir très rapidement prenant.


Ses créateurs prenant ainsi soin de leurs personnages en leur offrant une caractérisation qui dépasse de très loin celle de pas mal de séries ou longs-métrages du genre. Sans être exemplaire dans ce domaine, pour autant, Dean Devlin et Jonathan Glassner parviennent à rendre attachants des personnages tels que le lieutenant James Brice (Richard Fleeschman), Alicia Nevins (Stacey Michelle Read) ou Angus Medford (Ryan Adams) bien qu'au démarrage l'on puisse être immédiatement agacé par l'attitude légèrement désinvolte du premier et l'aspect hautement caricatural des deux autres (Alicia ayant un débit de parole relativement épuisant). Mais ce qui définit assez bien le caractère des divers protagonistes est le soin avec lequel les créateurs ont choisit de développer peu à peu leur personnalité. Qu'il s'agisse de trahison ou d'intégrité, tous les types de caractères sont ici retranscrits dans un tourbillons d'événements qui ne laissent pratiquement jamais au spectateur l'occasion de se reposer. Si selon certains cette première saison manque d'inspiration, elle n'est cependant pas avare en terme de situations catastrophiques. D'autres lui reprocheront sans doute d'ailleurs cette avalanche improbable de faits qui mettent en permanence l'équipage en danger et, comme si cela ne suffisait pas, intègre des personnages défiant également l'autorité. Au final, l'on oublie très vite les carences en matière d'effets-spéciaux pour se concentrer sur l'intrigue et ses personnages. Sans être du niveau de l'une des références en matière de space-opera, la saison 1 de The Arch est plus proche d'un Star Trek que d'une série ou d'un long-métrage de science-fiction nihiliste plongeant ses protagonistes dans un univers sombre et anxiogène. Reprenant le concept de la série de science-fiction canadienne The Starlost qui cinquante ans auparavant évoquait déjà le concept de colonisation d'une planète après que la Terre soit devenue invivable, The Arch est contrairement à ce que beaucoup veulent faire entendre une excellente surprise si tant est que l'on soit capable de fermer les yeux sur l'invraisemblance d'une telle débauche d'événements. Les acteurs sont convaincants et la série est véritablement addictive. Comme l'on pouvait l'imaginer, une saison deux sera mise en chantier l'année suivante et sera mise à disposition des téléspectateurs à partir du 17 juillet 2024...

 

dimanche 25 août 2024

Aporia de Jared Moshé (2023) - ★★★★★★★☆☆☆

 


 

On a droit de s'y être ennuyé. De n'y avoir pas saisi certaines subtilités. D'y avoir été totalement réfractaire. Ou de ne ne pas aimer tout simplement la science-fiction dramatico-intimiste... Mais de là à dire que Aporia est mauvais, mince... Quel manque d'appréciation. Alors, bien sûr, le long-métrage de Jared Moshé ne fait pas partie de cette catégorie de longs-métrages grandiloquents, gavés d'effets-spéciaux numériques qui en mettent plein la vue mais apportent si peu en terme de réflexion. En la matière, il est vrai, le simple fait que le réalisateur et scénariste se soit contenté du minimum pour décrire le concept de cette machine conçue par deux amis risque d'en faire tiquer certains. Dont je fis partie au préalable avant de rapidement réajuster mon opinion. À vrai dire, mieux vaut comme ici n'en point trop dire sur le fonctionnement de la dite machine que de perdre le spectateur lors de théories dont la complexité est telle qu'il est pratiquement impossible de tenir au-delà des dix premières minutes. Je pense notamment au Primer de Shane Carruth, si hermétique dans ses explications techniques que le néophyte n'a aucune chance de deviner le sens réel des propos qui y sont tenus ! Aporia aurait pu causer des dommages collatéraux aussi importants que lors de la projection de Primer s'il n'avait pas eu la clairvoyance de n'entamer qu'une toute petite partie du récit pour nous expliquer les intentions de Jabir Karim (l'acteur Pauman Maadi). Sophie Rice (Judy Greer) est veuve depuis huit mois. Vivant désormais seule avec sa fille Riley (Faithe Herman), la jeune femme surmonte difficilement la mort de Malcolm (Edi Gathegi) et doit également surmonter certaines difficultés. Comme celles qui concernent Riley, laquelle est à l'école, beaucoup moins assidue qu'à l'époque où son père était encore en vie. Devant la détresse de Sophie, Jabir révèle un secret que seul Malcolm est lui partageaient jusqu'à maintenant. Les deux hommes travaillèrent ensemble durant trois ans sur une machine qui pour faire court devait être capable de modifier le cours du temps en changeant le passé. Une drôle de machine, d'ailleurs, visuellement plus proche de ces étranges sculptures que l'on découvre parfois dans des jardins et créées par des artistes à partir d'objets de récupération.


Du métal, des câbles à foison, un très vieil écran d'ordinateur relié à un portable et un réseau électrique très peu fiable. Voilà sur quoi compte Jabir pour rendre à Sophie ce qu'elle a perdu de plus cher : Malcolm ! Très technique dans sa description du fonctionnement de la machine, le réalisateur à en revanche l'excellente idée de ne pas trop s’appesantir sur le sujet. Évidemment, la machine fonctionne et quelques instants plus tard, Sophie reçoit un appel de Malcolm qui l'attend avec leur fille dans un parc pas très loin de là. Une fois son époux ''revenu à la vie'', c'est là que les choses se compliquent. D'une part, pour les personnages. Et d'autre part, pour le spectateur qui aura, même sans rien y connaître au sujet de la mécanique quantique, quelques réserves à faire concernant certains aspect de ce que l'on nomme les paradoxes temporels... Pour Sophie et Jabir, rien de plus évident que de sacrifier dans le passé la vie du chauffard qui coûta celle de Malcolm. La mort du premier signera le retour du second. Mais alors, que fait-on de ce concept qui veut que toute modification du passé en engendre davantage dans le présent ? C'est d'abord là que se joue toute la subtilité de Aporia qui contrairement à la concurrence fait dans la sobriété. De petits détails qui laissent transparaître de réelles modifications au cours des huit derniers mois dans l'existence des Rice. Mieux, Jared Moshé imagine produire des conséquences bien plus larges se répercutant sur l'ex-épouse du chauffard qui renversa Malcolm et causa son décès. Pour le spectateur se pose maintenant la question : si l'expérience menée par Jabir et Sophie a eu des conséquences pour l'instant relativement minimes sur la vie de la jeune femme, certains éléments du récit nous font tiquer. Pourquoi les deux amis sont-ils les seuls à garder le souvenir des huit derniers mois tandis que la mémoire de leur entourage semble avoir été modifiée depuis le retour de Malcolm ? En toute logique, c'est tout ou rien. De ce fait, pourquoi la mère a gardé en mémoire la mort de son époux tandis que leur fille, elle, n'en a plus le moindre souvenir ? Des questions comme celle-ci, le spectateur aura l'occasion de s'en poser régulièrement. Mais au-delà de cette interrogation (et d'une énorme invraisemblance lors du dernier quart qui aurait pu faire tout s'effondrer et que le réalisateur ne se donne même pas la peine de justifier), le film est bourré de bonnes idées où la morale tient une place importante. Sans effets superflus, sobre et concis, Aporia mérite donc mieux que l'accueil glacial que certains lui ont réservé...

 

dimanche 14 juillet 2024

L'empire de Bruno Dumont (2023) - ★★★★★☆☆☆☆☆

 


 

Le dernier long-métrage de Bruno Dumont est une expérience digne d'une métaphore évoquant les plaisirs relativement douloureux du masochiste qui dans la souffrance ressent un plaisir sans commune mesure avec ce qu'éprouvent la plupart de nos semblables. On a voulu me prévenir que l'expérience était d'un insondable ennui. Qu'il fallait ne surtout pas espérer éprouver le même plaisir de cinéma que devant les séries Ptit Quinquin et Coincoin et les Z'inhumains. Après ces deux O.F.N.I.s télévisuels et Ma Loute dans lequel le cinéaste se jouait des talents d'orateur de Fabrice Luchini pour mieux les déstructurer, le Bailleulois s'ouvre à des champs d'expérimentation qui feraient passer ses précédents travaux pour des œuvres abordables par n'importe quel mortel ! L'empire dure... deux heures ! Pour une œuvre de science-fiction, rien de plus conventionnel mais lorsque la chose est signée par Bruno Dumont, l'on se prête à rêver qu'elle fut conçue elle aussi sous forme de mini-série. Ne serait-ce que pour permettre aux fidèles spectateurs du cinéaste et sans doute davantage aux autres de pouvoir souffler entre chaque épisode. Car d'une manière générale, le dernier long-métrage de cet auteur très attaché à sa région des Hauts de France est une épreuve parfois et même, très souvent, difficile à digérer dans son ensemble. Une œuvre contradictoire et qui par conséquent, chicane en permanence avec la plupart des tentatives qu'entreprend le réalisateur et scénariste. Parodie ou non de Star Wars à la sauce française, pour celles et ceux qui vivent sous la frontière de l'ancien Nord-Pas-de-Calais, la plupart des héros de ce récit dont on continuera longtemps de se demander qui sont les gentils et qui sont les méchants demeureront des freaks dont les différences d'ordre comportemental ou physique auront bien du mal à se faire justice. Science-fiction, histoire d'amour improbable entre membres de clans adverses, la proposition est aussi innovante qu'anarchique. Le problème survenant évidemment au niveau de l'écriture, aussi fine que le tranchant d'une lame de rasoir sur laquelle se risquent Fabrice Luchini, donc, mais également Camille Cottin, laquelle semble ici avoir étrangement régressé dans ses talents d'interprète. Un Dark Vador accoutré comme le bouffon d'un roi venu d'une lointaine planète, Fabrice Luchini ne fait plus rire.


En tout cas, bien moins que dans Ma Loute dans lequel son contre-emploi avait tendance à créer un certain nombre de situations comiques franchement réussies. Dans le cas de L'empire, l'acteur semble se singer comme lors de ses pires exhibitions télévisuelles. Quant à elle, Camille Cottin est si transparente que sa présence à l'image a autant d'intérêt que ces figurants pourtant montés sur de majestueux chevaux. Anamaria Vartolomei apparaît comme la seule interprète a vouloir offrir au cinéaste la petite étendue de ses talents. Et l'on ne parle pas là exclusivement de sa plastique qu'elle dévoile à une ou deux occasions mais son interprétation vaut largement celle des ''stars'' convoquées pour l'aventure, sans parler de ce florilèges d'acteurs amateurs qui trônent pourtant presque au sommet du casting. Débutant au cinéma, ce sera peut-être là la seule occasion pour Brandon Vlieghe de ''briller'' devant la caméra. Dans le rôle de Jony, il incarne le père d'un bébé convoité par des extraterrestres et considéré comme le Mal incarné. S'engage alors une drôle de bataille entre diverses races dont, la faute au scénario, on ne sait jamais vraiment de quelle espèce ils font partie. Bruno Dumont divise la France en deux comme le football sépare Marseille du reste de l'hexagone ! En dehors des Hauts-de
-France l'on entend déjà les rires gras de ceux qui considéreront les habitants du cru comme des bêtas, des incultes à l'accent à couper au couteau. Mais dont la sincérité est pourtant très touchante. Tout ce petit monde que l'on découvre pour la première fois ou non (Bernard Pruvost reprend de manière très symbolique et donc particulièrement anecdotique le personnage du Commandant Van der Weyden qu'il incarnait dans les deux précédentes séries de Bruno Dumont) a beau parfois engendrer rires et remarques narquoises, leur présence est justement ce qui fait le sel et la particularité de l’œuvre du cinéaste. Ensuite, n'ayons pas peur des mots : le long-métrage de Bruno Dumont connaîtra malgré tout un authentique état de grâce qui s'étirera sur plus de cinq longues minutes lors de la dernière partie. Prouvant qu'avec un scénario solide, le réalisateur français aurait pu signer rien moins que l'une des œuvres de science-fiction françaises parmi les plus importantes de ces trente ou quarante dernières années. Malheureusement, le film retombe ensuite dans ses travers. Ne demeure au final qu'une expérience aussi déstabilisante que, disons-le, chiante à mourir. Dommage...

 

lundi 6 mai 2024

The Belgian Wave de Jérôme Vandewattyne (2023) - ★★★★★☆☆☆☆☆

 


 

Durant trois années, entre 1989 et 1991, la Belgique fut au centre d'un certain nombre d'observations d'ovnis. Des milliers de témoins affirmèrent avoir vu au dessus de leur tête des engins de forme généralement triangulaire ayant la particularité de ne produire aucun son. Sur la base d'archives télévisuelles, le réalisateur belge Jérôme Vandewattyne et les scénaristes Jérôme Di Egidio et Kamal Messaoudi remontent le fil des événements avant d'y intégrer un journaliste et un cameraman imaginaires qui auraient disparu après avoir enquêté sur ce que l'on nommera alors, la Vague Belge... Deux ans auparavant, en France, fut diffusée l'excellente série OVNI(s) consacrée au Groupe d'études des phénomènes aérospatiaux non identifiés plus connu sous le nom de Gepan. Une mise en forme humoristique qui trouve avec The Belgian Wave une alternative totalement barrée. Les passionnés de soucoupes volantes, de vaisseaux spatiaux et d'extraterrestres risquent cependant d'être incommodés par cette approche qui loin de faire la part des choses entre réel et fiction préfère prendre des chemins de travers sous acide ! En 2017, Jérôme Vandewattyne réalisait le mockumentaire Spit'n'Split. Un canular tournant autour d'un groupe de rock fictif. Sans inventer la totalité des faits qui sont retranscrits dans son second long-métrage, le belge signe avec The Belgian Wave une œuvre dont on peut se demander dans quelles proportions ses auteurs ne se seraient surtout pas entendu pour donner une image assez peu élogieuse du phénomène d'ovnis. Car outre les quelques documents d'époque que l'on a l'occasion d'y découvrir, le long-métrage met en scène des personnages imaginaires tellement excentriques que leur seule parole tenterait à décrédibiliser le phénomène. Des individus face auxquels les deux protagonistes du récit ne dépareilleraient d'ailleurs pas fondamentalement puisque dans le choix de mettre en scène l'actrice de petite taille Karen De Paduwa ou l'acteur Karim Barras dans celui d'Elzo Vaerenbergh, consommateur effréné de LSD, Jérôme Vandewattyne crée un univers richement coloré et délirant, sorte de La Vegas Parano pour amateurs de petits hommes gris !


The Belgian Wave est excessif à tous points de vue. Ne se contraignant à aucunes limites, le cinéaste dépasse le cadre simple de l'enquête journalistique visant à retrouver la trace d'un certain Marc Varenberg et de son cameraman pour s'enfoncer dans les méandres d'un psychisme éclaté. Celui d'Elzo Vaerenbergh qui, n'en déplaise aux ufologues, prend tellement de place au sein du récit que le sujet de fond est parfois remisé en arrière-plan. C'est tout l'humour belge que l'on retrouve ici. Un peu noir mais surtout, véritablement absurde. Une œuvre qui parfois peu assommer les spectateurs à force de vouloir trop en faire en matière de délire visuel. La photographie est intéressante bien qu'exagérément colorée. Les teintes pètent littéralement de partout tandis que l'on partage à maintes occasions les phases de défonce de l'enquêteur. La présence de Karen De Paduwa, sorte de Mimie Mathy du plat pays temporise le tout même si sa présence semble à elle seule être un pied de nez au sérieux que voudrait entourer la thématique. The Belgian Wave ne fera certainement pas d'ombre au cinéma outre-atlantique et il semble d'ailleurs évident que ça n'est absolument pas ce que recherche Jérôme Vandewattyne. En forme de long épisode de X-Files sous acide où Dana Scully aurait été atteinte dès sa naissance de nanisme diastrophique et où Fox Mulder aurait troqué ses graines de tournesol contre des micro-doses de LSD, on ne sort par de l'expérience tout à fait indemne. Et pas forcément pour les bonnes raisons. Au final, est-ce le but recherché par Jérôme Vandewattyne, mais les véritables extraterrestres semblent bien provenir de notre propre planète. Le réalisateur belge profite d'un authentique fait-divers pour dézinguer ses témoins en les faisant passer pour des illuminés. Les intégristes diront sans doute que le bonhomme exagère, qu'il manque de sérieux ou de respect vis à vis des témoins qu'il caricature. Mais voyons plutôt The Belgian Wave comme une comédie potache, très conne sur les bords, mais pas inintéressante non plus...

 

dimanche 18 février 2024

Animalia de Sofia Alaoui (2023) - ★★★★★★★★★☆

 


 

Il y a des cinéastes nés. Après seulement un long-métrage à son actif, la réalisatrice et scénariste franco-marocaine Sofia Alaoui semble avoir mis une bonne partie de la presse spécialisée d'accord. Sorti sur les écrans l'an passé le 9 août 2023, Animalia fait partie de ces œuvres rares qui ne peuvent laisser indifférent. Du moins lui accorderons-nous une certaine exigence. Il se peut même qu'une seconde projection, voire une troisième, soient nécessaire pour saisir toute la portée philosophico-religieuse de ce récit qui parle de Dieu, des hommes et théoriquement d'individus qui proviendraient d'ailleurs. C'est du moins ainsi que je saisissais le message une fois l'histoire achevée. Porté par la formidable et délicieuse Oumaima Barid qui avant cela interpréta le rôle de Fatima dans La vie me va bien d'Al Hadi Ulad-Mohand il y a trois ans, Animalia est une espèce d’énigme dans le fond et dans la forme. En filmant d'abord l'intérieur d'une riche famille marocaine et en poursuivant l'aventure au cœur de paysages d'une sidérante beauté, le long-métrage évoque ce que l'homme bâtit de ses propres mains face la création de Dieu. L'un et l'autre se rejoignent et fondent un univers d'une majestueuse beauté à laquelle le film de Sofia Alaoui ajoute un talent indéniable pour le cadrage, les éclairages et les environnements. La photographie de Noé Bach met en lumière un Maroc aux richesses multiples. Un pays qui tout comme à l'échelle de notre planète est en proie à un événement extraordinaire. Plutôt que de traiter le récit sous l'angle exclusif d'une hypothétique fin du monde annoncée où les peuples sont concentrés dans des lieux sécurisés par l'armée, dans le cas de Animalia, les croyances de tout un peuple sont reléguées par les médias et les Mosquées deviennent ainsi les seuls lieux de refuge aptes à protéger la population. Notons également la présence de quelques animaux qui dans le Coran sont cités non pas en tant que catégories mais en tant qu'espèces et même plus à proprement parler, en tant qu'individus.


C'est ainsi que sont représentés à l'écran la fourmi, la huppe ou diverses catégories de chiens. Certains s'agitent telle l'annonce d'un événement d'ampleur cataclysmique quand d'autres apparaissent comme une forme d'alerte entrant directement en contact avec certains habitants de la région. Au cœur de ce récit où se mêlent drame et science-fiction, Itto (Oumaïma Barid) illumine le récit. La fragilité de son personnage liée à la naissance toute prochaine de l'enfant qu'elle porte souligne le danger auquel elle va être confrontée. Cet univers majoritairement masculin, soupçonneux, où le statut de la femme demeure précaire quelle que soit la situation, même dans ce lieu de culte où rejoindre son époux se transforme en périple. Cultivant une certaine ambiguïté quant aux origines de celui qu'il est interdit de représenter, Sofia Alaoui ose décrire l'impensable en lui offrant une identité visuelle à travers ces entités qui semblent se cacher derrière cette brume fantastique qui s'élève dans le ciel et à laquelle notre héroïne finira par se raccrocher lors d'une séquence absolument bouleversante. Derrière la beauté des paysages, la dureté de certains regards, la folie qui s'empare de ce vieux fou persuadé que ses bêtes sont possédées, ces réunions nocturnes et canines, la vision déconcertante et vertigineuse qui guide l'héroïne mais aussi ces deux compagnons de routes qui accompagnent un temps la jeune femme, Animalia conditionne le spectateur et l'invite à un voyage inhabituel dans des espaces d'une remarquable beauté ou dans de minuscules bourgades anxiogènes où la place de la femme est ainsi décrite comme l'occidental l'imagine en général. Bref, avec son premier long-métrage qui en outre remporta le prix du jury au festival de Sundance, Sofia Alaoui nous terrasse, nous éblouie, nous subjugue. Quant à sa principale interprète, nous lui souhaitons une belle et longue carrière au cinéma...

 

lundi 15 janvier 2024

No One Will Save You de - Brian Duffield (2023) - ★★★★★☆☆☆☆☆

 

 



1982 : E.T téléphone maison - 2023 : E.T envahit maison


Une fois de plus, nos ''amis'' les petits hommes gris n'ont rien trouvé de mieux que de venir envahir la Terre. Pour quelle raison ? Ça, c'est à chacun d'en juger mais j'imagine que sur leur planète d'origine les magasins de farces et attrapes sont en rupture de stock de costumes humains et qu'ils ont décidé d'envoyer certains d'entre eux chez nous afin de se réapprovisionner. Car en effet, les créatures de No One Will Save You sont les dernières représentantes d'une vague d'espèces extraterrestres profanatrices de sépultures humaines dont les premier signes apparurent sur grand écran dans les années cinquante à travers Invasion of the Body Snatchers de Don Siegel. Première pierre à un édifice qui ensuite a connu plusieurs remakes (L'invasion des profanateurs de sépultures de Philip Kaufman en 1978, Body Snatchers d'Abel Ferrara en 1993 ainsi que The Invasion d'Oliver Hirschbiegel en 2007) et nombre d'alternatives parmi lesquelles The Thing de John Carpenter en 1982, L'invasion vient de Mars de Tobe Hooper en 1986, The Faculty de Robert Rodriguez en 1998 et sans doute l'un des plus proches dans la thématique extraterrestre: le génial The Hidden de Jack Sholder en 1987. Sorti chez nous sous l'indigent titre Traquée, No One Will Save You met principalement en scène une très jeune femme du nom de Brynn Adams que l'on aurait pu tout d'abord prendre pour une adolescente si elle n'avait pas été la propriétaire exclusive d'une immense demeure. Recluse et pas du tout en odeur de sainteté auprès des villageois qui la défigurent lors de ses rarissimes apparitions en ville, Brynn vit donc isolée dans une grande et belle propriété mais cette passionnée de maisons de poupées va très bientôt être le témoin d'un événement extraordinaire. Alors qu'une nuit la jeune femme entend de drôles de bruits, elle constate qu'une étrange créatures, tels que sont décrits généralement les êtres venus d'ailleurs, s'est introduite chez elle. Particulièrement hostile, cette dernière se met en chasse de Brynn qui au bout d'un certain temps parvient à prendre le dessus en tuant accidentellement l'intrus.ne sachant comment faire, Brynn prend son courage à deux mains et décide de se rendre au bureau du shérif. Mais en chemin, elle constate que des crop-circles ont envahit les jardins de plusieurs habitants. Pire : certains d'entre eux semblent comme ''possédés''. De retour chez elle, Brynn s'approche du cadavre de l'extraterrestre qu'elle a tué la veille et constate que quelque chose s'est échappé d'entre ses lèvres... Dénué de tout dialogue, No One Will Save You ne fera sans doute pas oublier certaines des œuvres citées ci-dessus. D'autant plus qu'en matière de psychologie, en dehors des bribes de récit concernant le passé de l'héroïne, l'écriture s'avère on ne peut plus sommaire. Mélange de ''Body Snatchers'' et de ''Home Invasion'', le second long-métrage de Brian Duffield n'en est pas moins relativement ''divertissant''. Et puisqu'en matière très précise de film de science-fiction mettant en scène des créatures prônant l'occupation des corps, rien de nouveau ne s'est présenté à nous récemment, pourquoi ne pas accorder à No One Will Save You le minimum d'intérêt auquel il peut prétendre ?


Entre Nope de Jordan Peel, The Hidden de Jack Sholder et les diverses interprétations du roman de The Body Snatchers du romancier américain, Jack Finney.


No One Will Save You est effectivement un melting-pot de ces diverses sources d'inspiration qui en grande partie sont depuis devenues des classiques de la littérature et du septième art. Ce dernier rejeton tend peut-être à devenir un grand nom de la science-fiction en mode ''invasion extraterrestre'' mais au vu du pesant challenge qu'il lui est imposé, il y a peu de chances que l'on se souvienne de lui au delà de quelques jours, voire quelques semaines. L'une des rares originalités demeure dans l'attitude de l'héroïne et des villageois envers elle. Des questions se posent d'emblée auxquelles tente de répondre le réalisateur et scénariste avec rapacité. Bien que la créature qui nous est présentée au départ ne semble pas avoir bénéficié d'un soin particulier en matière de CGI, l'idée de remplacer ses congénères par des hommes et des femmes physiquement et intellectuellement investis par d'autres phénomènes venus d'ailleurs semble être l'idée la plus simple et la plus évidente qui soit venue à l'esprit de Brian Duffield. Les effets-spéciaux étant ainsi parfois réduits à leur plus simple expression, c'est déjà ça d'économisé sur le budget. Il demeure au sein du récit quelques grossières resucées comme lorsque est scannée la demeure (un emprunt aux deux adaptations cinématographiques de La guerre des mondes) ou lorsque se déplace dans le ciel un vaisseau caché derrière un nuage (Nope). Avec No One Will Save You, nous sommes plus proches du film d'épouvante et de l'action que de la science-fiction pure, simple et réaliste. C'est d'autant plus rageant que les amateurs de cette dernière retrouveront quelques indices visuels qui les tromperont sur la marchandise. À commencer par les créatures plus ou moins semblables à l'idée que l'on se fait majoritairement d'extraterrestres dotés d'une grande intelligence (lesquels ne trouvent ici rien de mieux que de venir foutre le souk sur notre planète). Gros yeux sombres et crâne sur-développés ne semblent donc pas être gages de facultés intellectuelles supérieures. Du moins, pas en ce qui concerne le long-métrage de Brian Duffield. Ensuite, quelques intéressants visuels émergent ça et là. Comme l'enlèvement du corps extraterrestre par un rayon-tracteur. Mais en réalité, le film est en grande partie décevant. L'arrivée d'une créature aux dimensions beaucoup plus impressionnantes terminant ainsi de noircir le tableau. Ça en devient presque gênant. Bref, tout ce que semble construire le scénario au départ est sujet à des modifications qui transforment No One Will Save You en un vulgaire film d'épouvante-fantastique insistant un peu trop sur les diverses attaques d’origine extraterrestre tout en niant le droit à une certaine profondeur. Plus le récit de No One Will Save You évolue et plus l'aventure s'avère pénible à suivre. Et lorsque même à la fin Brian Duffield choisit d'offrir une réponse aux questions du début, là encore, on éprouve beaucoup de mal à concevoir ce que veut dire par là le cinéaste...

 

lundi 11 décembre 2023

Tropic d'Edouard Salier (2023) - ★★★★★★★★☆☆

 


 

 

En France, on ne fait décidément rien comme dans les autres pays. Et surtout pas lorsque l'on aborde la science-fiction sur grand écran. On ne va pas s'étendre sur les quelques mockbusters (Terminus) ni sur les exemples de hard science-fiction (Bunker Palace Hotel) que certains cinéastes osèrent mettre en scène ces trente ou quarante dernières années mais plutôt sur un genre très spécifique qui consiste à mettre en avant des individus dont le rêve, le projet et le métier les destinent à aller dans l'espace. De prime abord l'on pense à L'étoffe des Héros de Philip Kaufman, à Apollo 13 de Ron Howard, à 2001, l'odyssée de l'espace de Stanley Kubrick, à Space Cowboys de Clint Eastwood ou même au plus récent, First Man de Damien Chazelle. Mais dans l'hexagone... qu'ont les français à titre de comparaison ? Pas grand chose à vrai dire. Car à part la comédie Un ticket pour l'espace d'Eric Lartigau, il est vrai que nous n'avons pas eu grand chose à nous mettre sous la dent ces dernières décennies... Du moins jusqu'à ce que le réalisateur, graphiste et photographe français Edouard Salier se penche sur la thématique de la conquête spatiale au travers d'une œuvre qui dénote avec la plupart des œuvres habituellement consommées par les amateurs de science-fiction. Avec son énigmatique titre, Tropic aurait tout aussi bien pu faire les affaires d'un long-métrage d'aventure situé dans des contrées exotiques, dans un pays plombé par une chaleur et une moiteur écrasantes. Ce qu'il est au demeurant. Pourtant, le film fut tourné en grande partie dans la région mulhousienne, entre Wittelsheim et Baldersheim pour se finir dans de merveilleux décors Guyanais. Tropic met donc au centre de son intrigues, deux frères jumeaux prénommés Làzaro (Pablo Cobo) et Tristan Guerrero (Louis Peres) ainsi que leur mère Mayra (l'actrice espagnole Marta Nieto). Bien que le long-métrage repose sur un script écrit par le réalisateur lui-même ainsi que par Mauricio Carrasco et Thibault Vanhulle, on pense presque immédiatement à la nouvelle The Color Out of Space du romancier américain Howard Phillips Lovecraft et à sa ressente et éponyme adaptation au cinéma par le réalisateur Richard Stanley avec dans le rôle principal, l'acteur Nicolas Cage. Car dans un cas comme dans l'autre, la chute d'une météorite aura de lourdes conséquences sur une partie de la faune et de la flore environnantes. Sauf que dans le cas de Tropic, Edouard Salier s’intéresse moins à l'aspect fantastique du phénomène qu'aux répercussions que celui-ci va avoir sur la vie des deux frères. Car Làzaro et Tristan s'entraînent depuis des mois au sein d'un programme militaire et scientifique à l'issue duquel les meilleures recrues auront toutes les chances d'obtenir leur place à bord d'une prochaine mission dans l'espace.


Dotés d'une intelligence et de capacités physiques hors-normes, les deux garçons rêvent d'être élus tous les deux. Mais le premier va devoir faire davantage d'efforts s'il veut égaler Tristan qui pour l'instant est premier au classement. Surtout qu'un concurrent prénommé Louis (l'acteur Marvin Dubart) se situe en seconde position. La faiblesse de Làzaro, c'est son souffle. Alors, en bon frère, Tristan l'entraîne le soir au bord d'un lac où les deux garçons pratiquent l'apnée. Jusqu'au jour où une lueur verte fait son apparition dans le ciel et que des débris de météorite tombent au beau milieu du lac. Rattrapé par un étrange phénomène qui s’étend sous les eaux, Tristan n'a malheureusement pas le temps de revenir vers la berge et est touché de plein fouet. Une fois à l’hôpital, le verdict est sans appel : le jeune homme vient d'être frappé par une bactérie dont les origines demeurent inconnues. Diminué physiquement et intellectuellement, ses chances de partir un jour dans l'espace sont réduites à néant... Dans son genre,Tropic est une sacrée bonne surprise comme il en existe parfois de manière tout à fait inattendue. Sorti sur les écrans le 02 août dernier, le film n'a semble-t-i pourtant pas vraiment fait parler de lui. Et ce n'est d'ailleurs pas la première fois car sur le seul territoire français, si un seul film aurait mérité que l'on abreuve les médias de publicités vantant ses qualités, c'est bien le 2021 que réalisa tout seul et avec ses propres moyens le talentueux Cyril Delachaux en 2018 et dont on attend avec une grande impatience un éventuel futur projet cinématographique. Avec ses allures de film d'horreur entrant dans la catégorie ''Body Horror'' Tropic est bien plus que cela même si de ce point de vue il s'avère efficace. Edouard Salier cherche visiblement plus à titiller la fibre émotionnelle du spectateur à travers le chamboulement d'une famille frappée par une ''malédiction venue d'ailleurs''. Remise en question de l'un et de l'autre des deux jumeaux. Culpabilité, remords... Tous les ingrédients sont réunis pour faire de Tropic un grand et beau film osant la mutation entre des genres dont l'hybridation semblait pourtant risquée. Et pourtant, cela fonctionne merveilleusement bien. Les deux principaux interprètes sont attachants et parfaitement dans leur rôle. Tropic fascine, entre monstruosité, drame et science-fiction... À découvrir au plus vite...

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