mercredi 27 décembre 2023

Mira de Dmitriy Kiselev (2022) - ★★★★★★★★☆☆

 


 

La science-fiction russe est en général d'une rigueur scientifique qui peut laisser de marbre une partie du public. Le dernier long-métrage de Dmitriy Kiselev intitulé Mira adopte au contraire une approche beaucoup plus ludique et légère en transposant sa thématique au sein d'un film catastrophe des plus mouvementé. Deux genres qui n'en sont pas à leur première communion et qui trouvent ici un terrain de jeu prompt à multiplier les séquences de bravoure. Entre une adolescentes marquée physiquement et intellectuellement depuis longtemps par un accident qui la brûla sur une bonne partie de son corps et son père, un cosmonaute qu'elle n'a pas revu depuis ces six dernières années qu'il a passé en orbite autour de notre planète. S'ouvrant quasiment sur une séquence relativement pénible lors de laquelle nous découvrons la jeune Lera (l'actrice Veronika Ustimova) participant à une course sur une piste d'athlétisme, Mira débute effectivement assez mal. Une bande-son moisie qui ne colle absolument pas à cet univers où la technologie va avoir une place cruciale nous défonce les tympans. Cet expédient mimant ces universités américaines à grand renfort de musique fast-food, de joueurs de football américain et de majorettes donne envie de mettre immédiatement un terme à cette aventure. Fort heureusement, cette approche de très mauvais goût va très rapidement laisser place à des enjeux nettement moins bêtifiants même si là encore, le public sera en proie à certains mauvais démons qui nourrissent depuis des décennies nombres de longs-métrages. Couple séparé. Difficulté des rapports entre l'adolescente et son nouveau beau-père (l'acteur Maksim Lagashkin dans le rôle pas très mature de Boris). Absence du père. Gestion peu aisée du demi-frère. Le film de Dmitriy Kiselev, comme la plupart de ceux qui abordent ce type de problèmes familiaux recommandera à la jeune héroïne une maturité exceptionnelle pour se sortir des différentes situations dans lesquelles elle sera directement impliquée.


L'un des très bonnes idées de Mira est l'usage de nouvelles technologies qui permettront à son père Arabov (Anatoliy Belyy) d'aider sa fille à des centaines de kilomètres au dessus de sa tête. ''Accompagné'' par un ordinateur de bord doté d'une voix féminine, le cosmonaute va en effet employer une toute nouvelle technologie permettant de prendre le contrôle de tout appareil électronique se situant sur notre planète et plus précisément ceux placés dans les différents quartiers de la ville de Vladivostok où se situe l'action et où une pluie de météores s'apprête à pleuvoir au dessus de la tête de ses habitants. C'est là qu'intervient le thème du film catastrophe lors d'une séquence qui durera près de huit minutes ! Il s'agit là de l'un de ces moments de bravoures que nous offre ce film qui ne fait l'économie d'aucun effet pour nous en mettre plein la vue. Les effets-spéciaux sont souvent remarquables, surtout lorsque les différents impacts des météores n'entrent pas en collision avec le sol  ou les immeubles hors-champ de la caméra ! Quelques effets numériques demeurent quelque peu ratés. Comme ces débris qui en arrière-plans n'atteignent malheureusement pas l'ampleur d'un impact qui aurait dû engendrer nettement plus de dégâts. Mais cela reste un détail car la séquence est filmée en plan-séquence et donc d'une seule prise, quoique l'on puisse envisager qu'il puisse y avoir deux ou trois coupures à certains endroits. La caméra virevolte littéralement autour du personnage de Lera et rappelle dans une moindre mesure la longue et impressionnante traversée du héros des fils de l'homme de Alfonso Cuarón en 2006 dans une ville dévastée. Mira tourne essentiellement autour du père et de sa fille même si viennent s'y greffer quelques personnages secondaires comme Misha qu'interprète le jeune Yevgeniy Yegorov ou Svetlama, la mère de la jeune héroïne qu'incarne l'actrice Darya Moroz. Aidée de très loin par un père dont les heures seront comptées puisque la station-spatiale sera percutée par un débris de météorite, l'aventure sera notamment l'occasion pour la jeune Lera de combattre sa hantise du feu. Le mélange entre science-fiction et catastrophe fonctionne parfaitement et le duo formé par Anatoliy Belyy et Veronika Ustimova est attachant. Une bonne surprise venue de Russie, donc...

 

lundi 11 décembre 2023

Tropic d'Edouard Salier (2023) - ★★★★★★★★☆☆

 


 

 

En France, on ne fait décidément rien comme dans les autres pays. Et surtout pas lorsque l'on aborde la science-fiction sur grand écran. On ne va pas s'étendre sur les quelques mockbusters (Terminus) ni sur les exemples de hard science-fiction (Bunker Palace Hotel) que certains cinéastes osèrent mettre en scène ces trente ou quarante dernières années mais plutôt sur un genre très spécifique qui consiste à mettre en avant des individus dont le rêve, le projet et le métier les destinent à aller dans l'espace. De prime abord l'on pense à L'étoffe des Héros de Philip Kaufman, à Apollo 13 de Ron Howard, à 2001, l'odyssée de l'espace de Stanley Kubrick, à Space Cowboys de Clint Eastwood ou même au plus récent, First Man de Damien Chazelle. Mais dans l'hexagone... qu'ont les français à titre de comparaison ? Pas grand chose à vrai dire. Car à part la comédie Un ticket pour l'espace d'Eric Lartigau, il est vrai que nous n'avons pas eu grand chose à nous mettre sous la dent ces dernières décennies... Du moins jusqu'à ce que le réalisateur, graphiste et photographe français Edouard Salier se penche sur la thématique de la conquête spatiale au travers d'une œuvre qui dénote avec la plupart des œuvres habituellement consommées par les amateurs de science-fiction. Avec son énigmatique titre, Tropic aurait tout aussi bien pu faire les affaires d'un long-métrage d'aventure situé dans des contrées exotiques, dans un pays plombé par une chaleur et une moiteur écrasantes. Ce qu'il est au demeurant. Pourtant, le film fut tourné en grande partie dans la région mulhousienne, entre Wittelsheim et Baldersheim pour se finir dans de merveilleux décors Guyanais. Tropic met donc au centre de son intrigues, deux frères jumeaux prénommés Làzaro (Pablo Cobo) et Tristan Guerrero (Louis Peres) ainsi que leur mère Mayra (l'actrice espagnole Marta Nieto). Bien que le long-métrage repose sur un script écrit par le réalisateur lui-même ainsi que par Mauricio Carrasco et Thibault Vanhulle, on pense presque immédiatement à la nouvelle The Color Out of Space du romancier américain Howard Phillips Lovecraft et à sa ressente et éponyme adaptation au cinéma par le réalisateur Richard Stanley avec dans le rôle principal, l'acteur Nicolas Cage. Car dans un cas comme dans l'autre, la chute d'une météorite aura de lourdes conséquences sur une partie de la faune et de la flore environnantes. Sauf que dans le cas de Tropic, Edouard Salier s’intéresse moins à l'aspect fantastique du phénomène qu'aux répercussions que celui-ci va avoir sur la vie des deux frères. Car Làzaro et Tristan s'entraînent depuis des mois au sein d'un programme militaire et scientifique à l'issue duquel les meilleures recrues auront toutes les chances d'obtenir leur place à bord d'une prochaine mission dans l'espace.


Dotés d'une intelligence et de capacités physiques hors-normes, les deux garçons rêvent d'être élus tous les deux. Mais le premier va devoir faire davantage d'efforts s'il veut égaler Tristan qui pour l'instant est premier au classement. Surtout qu'un concurrent prénommé Louis (l'acteur Marvin Dubart) se situe en seconde position. La faiblesse de Làzaro, c'est son souffle. Alors, en bon frère, Tristan l'entraîne le soir au bord d'un lac où les deux garçons pratiquent l'apnée. Jusqu'au jour où une lueur verte fait son apparition dans le ciel et que des débris de météorite tombent au beau milieu du lac. Rattrapé par un étrange phénomène qui s’étend sous les eaux, Tristan n'a malheureusement pas le temps de revenir vers la berge et est touché de plein fouet. Une fois à l’hôpital, le verdict est sans appel : le jeune homme vient d'être frappé par une bactérie dont les origines demeurent inconnues. Diminué physiquement et intellectuellement, ses chances de partir un jour dans l'espace sont réduites à néant... Dans son genre,Tropic est une sacrée bonne surprise comme il en existe parfois de manière tout à fait inattendue. Sorti sur les écrans le 02 août dernier, le film n'a semble-t-i pourtant pas vraiment fait parler de lui. Et ce n'est d'ailleurs pas la première fois car sur le seul territoire français, si un seul film aurait mérité que l'on abreuve les médias de publicités vantant ses qualités, c'est bien le 2021 que réalisa tout seul et avec ses propres moyens le talentueux Cyril Delachaux en 2018 et dont on attend avec une grande impatience un éventuel futur projet cinématographique. Avec ses allures de film d'horreur entrant dans la catégorie ''Body Horror'' Tropic est bien plus que cela même si de ce point de vue il s'avère efficace. Edouard Salier cherche visiblement plus à titiller la fibre émotionnelle du spectateur à travers le chamboulement d'une famille frappée par une ''malédiction venue d'ailleurs''. Remise en question de l'un et de l'autre des deux jumeaux. Culpabilité, remords... Tous les ingrédients sont réunis pour faire de Tropic un grand et beau film osant la mutation entre des genres dont l'hybridation semblait pourtant risquée. Et pourtant, cela fonctionne merveilleusement bien. Les deux principaux interprètes sont attachants et parfaitement dans leur rôle. Tropic fascine, entre monstruosité, drame et science-fiction... À découvrir au plus vite...

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