lundi 24 février 2025

Proximity d'Eric Demeusy (2020) - ★★★★★☆☆☆☆☆

 


 

Premier long-métrage du réalisateur, scénariste, producteur et concepteur d'effets-spéciaux américain Eric Demeusy, Proximity aborde le sujet de l'abduction d'un jeune adulte par des extraterrestres. En ouverture l'on assiste à l'enlèvement d'un bûcheron prénommé Carl à la toute fin des années soixante-dix. Une séquence pleine de bruit et de fureur qui ne laisse rien présager de bon. Trop d'effets démonstratifs tuant directement dans l’œuf tout mystère propre au phénomène. L'auteur n'engage donc pas le récit dans l'hypothèse du doute concernant la réalité de cette disparition. Selon lui, les petits hommes gris, verts ou... marrons (!!!) existent bel et bien et n'en déplaise à ceux qui doutent encore de leur existence, il va désormais falloir vivre avec cette certitude sans que jamais l'on ne puisse mettre en contradiction les paroles ou les preuves du jeune protagoniste avec l'éventualité selon laquelle tout ne relèverait que de la paranoïa ou du complotisme. Cinquante ans plus tard, un bolide s'écrase sur notre planète. Du moins les premières images semblent-elles aller dans ce sens avant que ne réapparaisse devant les yeux de l'ingénieur en informatique Isaac (l'acteur Ryan Masson), cette même soucoupe volante qui apparu en 1979 devant ceux de Carl. Armé d'une caméra, le jeune homme est alors confronté à un alien qu'il parvient à filmer avant de prendre la fuite. Une échappée qui ne lui servira à rien puisque Isaac sera abducté avant de réapparaître trois jours plus tard sans avoir le moindre souvenir de ce qu'il a vécu durant les soixante-douze dernières heures. Par chance, sa caméra elle aussi est revenue de cet intrigant ''voyage'' qu'il a fait les soixante-douze dernières heures. Et avec elle, le témoignage vidéo de l'événement. Partageant les images sur Internet, lesquelles deviennent très rapidement virales, celles-ci vont attirer autant de sceptiques que de croyants. Invité (piégé?) sur un plateau de télévision, Isaac témoigne... en vain... Au fil du récit, le jeune homme fait la connaissance de Sara (Highdee Kuan) qui comme lui paraît avoir vécu la même expérience ainsi que celle de Zed (Christian Prentice), un pirate informatique qui de son côté va aider les deux jeunes gens à entrer en contact avec Carl qui depuis sans enlèvement et sa réapparition vit retranché en un lieu gardé secret et qui depuis passe le plus clair de son temps à ''écouter les étoiles''.


Alors que le petit groupe ainsi formé attend le retour prochain des extraterrestres, des agents du gouvernement sont lancés à leurs trousses... En réalité, entre l'abduction d'Isaac et l'apparition de cette intelligence venue d'une autre galaxie, il va s'en passer des choses. Beaucoup (trop) de choses à vrai dire. Une cascade d'événements plus ou moins crédibles ou admirables selon que le spectateur se situe ou non du côté des passionnés d'ufologie se référant à des phénomènes décrits de manière réalistes. Le principal défaut d'Eric Demeusy et donc de Proximity est cette gourmandise avec laquelle l'auteur ajoute des données qui sortent le film du cadre strict de la science-fiction. D'un côté, le film décrit vaguement le traitement infligé aux victimes d'enlèvements par des extraterrestres. Isaac et Sara portent effectivement un émetteur sous la peau et des radios révèlent notamment chez le jeune homme une fracture interne qui n'a rien de commun avec ce que rencontrent en général les victimes de chutes ou d'accidents. L'on a droit en outre à la présence d'une organisation gouvernementale dédiée à l'étude des phénomènes extraterrestres qui va notamment piéger Isaac. Une organisation au sein de laquelle l'on retrouve les habituels ''Men in Black'' mais aussi de manière plutôt curieuse et pittoresque, des androïdes dont la voix et l'apparence déclencheront sans aucun doute possible, des barres de rire auprès des spectateurs. Proximity est donc plus qu'un pur film de science-fiction drainant tout un tas de poncifs parmi lesquels il est tout de même heureux de constater que les extraterrestres n'apparaissent pas comme d'affreuses créatures insectifères. D'un autre côté, sans doute fasciné par la franchise Star Wars et ses Stormtroopers, le réalisateur crée des machines dont les railleries qu'elles génèrent raisonneront bien après la fin de la projection. À cela, Eric Demeusy ajoute à son jeune héros un super-pouvoir, des antagonistes caricaturaux au possible mais aussi, une bande son parfois imbitable. Entre pop ultra-commerciale à destination du public adolescent et envolées se distinguant par une approche aventureuse se rattachant davantage à l'univers d'Indiana Jones que de la science-fiction, Proximity demeure une œuvre parfaitement innocente. On ne s'y ennuie effectivement pas mais le mélange des genres et des idées finit d'en faire un film totalement oubliable une fois le récit arrivé à terme...

 

mercredi 19 février 2025

Cassandra de Benjamin Gutsche (2025) - ★★★★★★★★☆☆

 


 

Alors oui, la série créée par Charlie Brooke, Black Mirror fut il y a quelques années porteuse de mauvaises nouvelles au sujet des dérives de l'Intelligence Artificielle. Mais il ne faudrait pas oublier que les dystopies qu'y décrivaient son créateur, les différents réalisateurs ainsi que les scénaristes ne reposèrent pas toutes sur des concepts totalement innovants. De 2001, l'odyssée de l'espace de Stanley Kubrick en passant par Mondwest de Michael Crichton en jusqu'aux récents M3GAN de Gerard Johnston et T.I.M de Spencer Brown, nombreuses furent les œuvres à mettre en scène des technologies avancées prenant le pas sur ceux qui étaient à l'origine de leur conception. Il ne suffit donc pas de citer Black Mirror pour se faire une idée de ce que recèle Cassandra, cette nouvelle série germanique qui après Dark de Baran bo Odar et Jantje Friese confirme que l'Allemagne est en bonne position dans le domaine de la science-fiction à l'échelle internationale (contrairement à la France qui parfois ose proposer comme alternatives, des daubes de l'ampleur de L'homme parfait de Xavier Durringer). Ici, il n'est plus question d'évoquer le voyage dans le temps mais l'implication de la domotique et de la robotique dans le foyer d'une famille qui essaie de se reconstruire après un drame épouvantable. David et Samira Prill ainsi que leurs deux enfants Fynn et Juno s'installent dans leur nouvelle demeure. Une habitation que l'on doit à l'origine à l’architecte autrichien Richard Joseph Neutra, concepteur de la Kemper House qui sert donc en partie au récit. En partie, oui, car le réalisateur allemand Benjamin Gutsche n'a pu profiter que des extérieurs de la bâtisse tandis que les origines des intérieurs demeurent apparemment encore un mystère. Un ''secret'' qui alimente ce que d'aucun de celles et ceux qui ont déjà découvert la série peuvent considérer d'environnement très intrigant même si l'on imagine que l'équipe chargée de donner aux intérieurs une patine rétro-futuriste y sont pour beaucoup dans l'étrangeté de cet univers domestique. Entre ces écrans de télévision qui semblent se référer à de vieux postes à tubes cathodiques, cet ascenseur dont la manifeste présence est encore (selon moi) à l'étude ou cette pièce très curieuse dont l'élaboration semble avoir comme principale source d'inspiration certains décors et objets du Shining de Stanley Kubrick, nul doute que la demeure des Prill est un personnage à part entière.


Mais plus encore que l'anxiété que génère cet environnement, c'est bien la présence de Cassandra, interprétée par l'excellente Lavinia Wilson, qui va être au centre de toutes les inquiétudes. Alors que David et sa famille s'installent dans une demeure qui depuis cinquante ans est demeurée à l'abandon, c'est en explorant les différentes pièces qui la composent qu'ils découvrent un vieux modèle de robot dont le fonctionnement fut interrompu à la suite du décès des précédents propriétaires de la maison. La particularité de cette machine que les Pritt vont choisir de remettre en marche est qu'elle est directement raccordée à tout un ensemble de systèmes électroniques tous reliés entre eux. Cassandra semble donc être le ''cerveau'' du réseau qu'elle peut à loisir contrôler à distance. Sans être affreusement décevants, les débuts de cette mini-série en six épisodes laissent l'impression que l'on est face à une énième proposition de science-fiction dystopique au centre de laquelle un ou plusieurs individus vont être confrontés à un robot domestique défaillant. Et d'une certaine manière, il s'agit effectivement de cela. Mais là où le créateur de Cassandra a réussit le pari d'oser assumer un concept finalement presque vieux comme le monde puisque déjà abordé à maintes reprises, c'est sans doute en amenant son idée vers une voie retravaillée en profondeur. Je m'explique : ici, il ne s'agit pas tant d'opposer une mère de famille (Mina Tander dans le rôle de Samira Prill) à une machine dont l'inquiétant comportement serait simplement causé par des dysfonctionnements mais d'offrir à cette dernière l'occasion de montrer aux spectateurs qu'elle est peut-être plus que cette boite de conserve comme elle est parfois surnommée. Et donc, davantage qu'un programme informatique à l'origine uniquement disposé à accomplir des tâches prédéfinies. Alors que la série tourne tout d'abord presque exclusivement autour des membres de la famille Prill (complétée par les acteurs, Michael Klammer, Joshua Kantara et la jeune Mary Tölle), Cassandra prend un virage inédit en plongeant de nouveaux personnages cinquante ans plus tôt. La famille qui justement, un demi-siècle en arrière fut celle qui vécut dans cette même demeure. Sont ainsi introduits les trois membres de la famille Schmitt. Une famille totalement dysfonctionnelle. Le récit est donc partagé entre les événements présents et ceux du passé et Cassandra mue alors pour passer de la stricte dystopie horrifique au drame familial et au thriller !


Benjamin Gutsche signe avec cette nouvelle série, une véritable réussite où le rétro-futurisme des décors côtoie un scénario qui brasse dans un univers de science-fiction, des idées neuves et d'autres qui le sont déjà beaucoup moins (le thème de l'homosexualité non assumée par exemple). En intégrant les personnages incarnés par Franz Hartwig et par Elias Grünthal mais également pour la seconde fois l'actrice Lavinia Wilson, le réalisateur donne du sens à toute une série d'événements qui se produisent dans le présent et au point de vue de Cassandra, laquelle agît en conséquence comme le ferait une mère un peu trop... protectrice. La série aurait pu être absolument parfaite si seulement quelques éléments n'étaient pas venus défaire un système d'écriture mettant tout en œuvre pour que le récit ne souffre d'aucunes invraisemblances. Mais à vouloir en faire trop et à préférer parfois donner dans le ''spectaculaire'' plutôt que dans la sobriété et le réalisme, Benjamin Gutsche finit par multiplier les faux pas. Si l'emprise de Cassandra sur la jeune Juno justifie le fait que ses parents acceptent de laisser ''allumée'' la machine (la gamine ayant besoin de se reconstruire, sa nouvelle ''amie'' pourrait l'y aider selon eux), lorsque cette dernière commence à révéler sa véritable nature et fait montre d'une attitude très inquiétante, n'importe qui de censé aurait pris la décision de couper court à ses agissements. Heureusement, Samira est là pour veiller sur les siens. Mais pour combien de temps puisque son époux commence à voir surgir chez elle des problèmes psychologiques qui pourraient expliquer la situation ? Si la paranoïa supposée de la mère et l'absence de soutien de David sont plutôt bien menés et si toute la partie qui se déroule cinquante ans en arrière est véritablement bouleversante (bien qu'un peu caricaturale à force d'enfoncer le couteau bien profond dans le dos d'une femme et de son enfant confrontés à un mari et un père absolument monstrueux), le dernier épisode termine d'envoyer la série dans les pires travers du genre. Je n'en dirai pas davantage pour ne pas spolier la fin du récit et malgré certains défauts qui pourraient s'avérer rédhibitoires, il n'en est pas moins certain que Cassandra est une brillante réussite. Anxiogène et poignante, la série aurait, sans ses quelques absurdes excès, mérité le titre de l'une des plus remarquable dystopies de ces dernières années...

 

samedi 15 février 2025

Elevation de George Nolfi (2025) - ★★★★★☆☆☆☆☆

 


 

Entre le bruit et l'odeur, on a désormais droit à tout en matière de science-fiction. A Quiet Place de John Krasinski et ses supers prédateurs guidés par le son qu’émettent les survivants de notre espèce après que des créatures monstrueuses aient décimé la quasi totalité de l'humanité et des espèces animales terrestres. Bird Box de Susanne Bier dans lequel une mère et ses deux enfants tentent de survivre dans un monde ou voir et regarder sont devenus synonymes de danger. The Silence de John R. Leonetti dans lequel, cette fois-ci, des créatures ''ptérodactyliennes'' coordonnent leurs attaques au son que produisent une fois encore nos congénères. En janvier dernier a débarqué sur Prime Video un concept pas tout à fait neuf puisqu'il repose à son tour sur le sens aigu d'envahisseurs là encore monstrueux et hybrides semblant être le croisement de plusieurs créatures d'origines diverses. Il ne s'agit cependant pas d'une civilisation venue d'une autre galaxie puisque apparemment, d'immenses gouffres sont apparus sur notre planète pour libérer voilà plusieurs années des monstres qui vivaient jusque là sous la croûte terrestre. Et bé, ça commence bien. Et généralement, lorsque l'on dit que ça commence bien, ben... faut comprendre l'inverse. C'est donc sans aucun sens de l'imagination que les scénaristes John Glenn, Kenny Ryan et Jacob Roman s'y sont mis à trois pour nous pondre un script d'une cataclysmique pauvreté. Déjà que jusqu'ici le concept de créatures ayant développé des capacités d'adaptation en fonction de certains sens afin de traquer l'Homme avait très rapidement montré ses limites (ce qui n'empêcha pas de voir surgir une suite puis une préquelle au long-métrage de John Krasinski), les trois hommes n'ont apporté comme seule nouveauté au moulin du genre pratiquement prédéfini qu'est la science-fiction horrifique. Celle de créatures guidées par le souffre dégagé par leurs proies. Ce fameux dioxyde de carbone que n'importe lequel d'entre nous rejette lors de toute expiration. En indiquant très précisément à quelle hauteur sur terre les dites créatures ne peuvent aller au delà, une frontière invisible est ainsi créée et permet aux survivants de connaître des temps de répit avant de se lancer dans de périlleuses aventures lorsqu'il s'agit de se réapprovisionner en nourriture. Ou comme ici, en médicaments puisque comme cela est très souvent le cas, le jeune fils du héros est atteint d'une maladie grave qui le condamne à utiliser des filtres à oxygène qui viennent régulièrement à manquer.


Le père de Hunter (Danny Boyd Jr.) est incarné par l'acteur et producteur américain Anthony Mackie qui depuis une vingtaine d'années enchaîne les rôles au cinéma où il s'est notamment vu offrir le rôle du super-héros Le Faucon dans plusieurs longs-métrages de l'univers cinématographique Marvel entre 2014 et 2019. À ses côtés, les actrices Morena Baccarin et Maddie Hasson qui interprètent respectivement les rôles de Nina et de Katie. Une brune et une blonde qui dans cet univers post-apocalyptique et dystopique ne trouvent rien de mieux à faire que de se crêper le chignon ! Alors que la première est convaincue de pouvoir créer une arme qui pourra débarrasser l'humanité restante de ces créatures apparemment invulnérables aux armes à feu, le trio d'adultes va devoir descendre de leur refuge situé au sommet d'une montagne (comme toutes les communautés de la régions qui ne communiquent plus qu'à l'aide de drapeaux!) pour trouver en ville les filtres dont a besoin le fils de Will qu'incarne donc Anthony Mackie. L'occasion pour nos trois personnages de passer par diverses étapes de stress puisqu'ils seront confrontés aux dites créatures. Ouais, bon, ben c'est vraiment pas terrible tout ça. Et si Elevation ne dure que quatre-vingt dix minutes, au bout d'une demi-heure on commence déjà à en avoir marre tant les personnages sont mal campés et mal caractérisés. La mise en scène est d'un classicisme qui confine à l'ennui et les dialogues d'une vacuité étourdissante ! Allez, on va tout de même reconnaître que le film est parfois amusant. En effet, bien involontairement d'ailleurs, il arrive que l'on pouffe de rire devant quelques absurdités. Comme lors de cette séquence qui suit la séparation de Will qui retourne au refuge et de Nina restée dans un laboratoire afin de tester diverses munitions de sa propre conception. Will perd le contrôle de sa voiture et se retrouve alors à pieds et poursuivi par trois créatures. Alors qu'il vient d'utiliser inutilement les quelques cartouches qui lui restait, au moment où il aurait dû rendre son dernier souffle, voilà que survient tout à coup Nina, enfin prête à en découvre avec les bestioles ! L'arrivée de la jeune femme étant temporellement incohérente, forcément, ça pause question sur le sérieux de l'écriture des trois scénaristes et sur la mise en scène de George Nolfi. Mais bon, c'est pas trop grave vu que même sans cette drôlissime coquille, le film serait demeuré de toute manière d'une indigence crasse. Un film à éviter, donc. Surtout si l'on connaît déjà les quelques exemples de cités plus haut...

 

vendredi 14 février 2025

You are not Alone (Vous n'êtes pas seuls) de Philippe Lupien et Marie-Hélène Viens (2024) - ★★★★★★★☆☆☆

 


 

Depuis plus de dix ans maintenant, les québécois Philippe Lupien et Marie-Hélène Viens collaborent ensemble pour apporter leur vision du septième art. Un travail de longue haleine qui après être transparu à travers trois courts-métrage a fini par aboutir en 2024 avec You are not Alone (Vous n'êtes pas seuls), leur premier long-métrage. Une œuvre étrange, qui apparemment ne sait pas très bien sur quel pied danser puisque les deux réalisateurs y abordent deux aspects de la nouvelle vie quotidienne d'un jeune homme qui supporte mal sa séparation d'avec son ancienne petite amie. D'un côté, la rencontre tout à fait crédible entre Léo Biron (Pier-Luc Funk) et Rita St-Laurent (Marianne Fortier) et de l'autre, la convergence entre l'attitude du jeune homme qui se sentait littéralement disparaître et l'arrivée de John (François Papineau), un chauffeur de taxi qui un soir l'aida à réparer sa voiture et qui depuis ne cesse d'avoir d'inquiétantes intentions à son sujet. Des motivations qui ne semblent avoir rien de commun avec les faits-divers criminels qui touchent n'importe quelle société dite ''civilisée''. Non, ici, il s'agit plutôt d'évoquer l'hypothèse d'une tentative d'abduction par un extraterrestre se cachant sous les traits d'un homme d'une cinquantaine d'années. Les deux réalisateurs et scénaristes faisant ainsi des économies de moyens sur des effets-spéciaux qui auraient sans doute coûté trop chers s'ils avaient dû faire appel à des maquillages prosthétiques ou à l'emploi d'images de synthèse... Ici, le côté surnaturel du récit est emballé sous la forme la plus pure qui puisse exister : quelques éclairages bien sentis et une posture parfois (involontairement) amusante de François Papineau suffisent presque à concrétiser la présence sur le sol canadien (et peut-être même mondial, qui sait), d'une civilisation extraterrestre dont on ne saura d'ailleurs jamais les véritables intentions. Hostile ou bienveillant, il n'empêche que John se montre particulièrement insistant. Au point de retrouver sa ''proie'' jusque dans ce nouveau foyer qui l'accueil. Ce petit appartement où vit la délicieuse Rita, une jolie jeune femme qui au commencement n'avait fait que commander une pizza (Léo est livreur pour le compte d'une propriétaire de pizzeria campée par Sandrine Bisson) et qui lors de la livraison semble être tombée sous le charme de Léo. Un... ''coup de foudre'' que partagera d'ailleurs instantanément le jeune homme.


L'arrivée de Rita arrive donc à point nommé, au moment où Léo lâche littéralement la bride avec sa propre existence et son entourage. Se reconstruisant peu à peu auprès de celle qui deviendra par la force des choses sa nouvelle petite amie, l'un et l'autre vont finir par devoir affronter celui qui traque le garçon. Leur amour survivra-t-il à cette étrange expérience ? La conclusion nous le dira très certainement. Mais jusque là, Philippe Lupien et Marie-Hélène Viens nous plongent avec You are not Alone au cœur d'une intrigue amoureuse assez touchante. Entre la rencontre, les premiers regards, suivi du premier échange de salives et jusqu'à cette séquence où le couple se retrouve dans le lit de Rita, les deux réalisateurs filment avec application la relation entre ces deux êtres qui l'un comme l'autre semblaient attendre chacun de leur côté qu'arrive celui et celle qui allait leur permettre enfin de pouvoir vivre pour eux et pour l'autre. De ce point de vue là, nulle doute que de nous conter une belle histoire d'amour entre deux jeunes adultes est un projet parfaitement accompli. Ce qui semble par contre beaucoup moins évident lorsqu'il s'agit de souligner la sous-intrigue tournant autour de John et Léo. Entre ce nouvel exemple de Body Snatcher, ce sous-genre de la science-fiction sublimé en 1978 par l'indétrônable Invasion of the Body Snatchers de Philip Kaufman, et sa victime, Léo, le compromis qui a pris dix ans de l'existence de leurs auteurs pour aboutir à l'objet que nous avons devant les yeux est de l'avis de certains, le point faible du récit. Et il est vrai que dans le fond, la présence de John à l'écran dans ce qui demeurera sans doute comme une belle histoire d'amour mais un piètre film de science-fiction, reste futile. Il ne s'en dégage pas moins de You are not Alone une atmosphère presque unique que l'on ne rencontre généralement que dans ce type très original de science-fiction, où les repères habituels sont gommés au profit d'une approche inédite. La bande musicale de Pierre-Philippe côté où la photographie d'Ariel Méthot n'y étant évidemment pas étrangers. Avec ses cent-cinq minutes, on aurait pu croire que le film allait tomber dans un ennui sans fin, mais même si certains reprochent justement au long-métrage sa lenteur, celle-ci participe souvent de l'envoûtement généralisé que procurent le rythme parfois neurasthénique, l'ambiance sonore, la photographie ou plus simplement la remarquable interprétation de ses deux principaux acteurs. Une très belle surprise...

 

dimanche 9 février 2025

W Nich Cala Nadzieja de Piotr Biedron (2023) - ★★★★★★★★☆☆

 


 

Premier long-métrage écrit et réalisé par le cinéaste polonais Piotr Biedron, W Nich Cala Nadzieja que l'on peut traduire par ''Tout l'espoir est en eux'' mais qui à l'échelle internationale a été traduit sous le titre The Last Human met en scène ce que l'on suppose être l'une des toutes dernières survivantes à une apocalypse mondiale. Une catastrophe d'ampleur cataclysmique qui n'a permis qu'aux plus riches d'entre nous de fuir la surface de notre planète à bord de fusées lancées à destination d'une hypothétique planète pouvant les accueillir. Eve (mouarf!) survit sur un plateau désertique situé dans les hauteurs alors qu'en dessous, toute trace de vie a disparue. L'air y est devenu irrespirable et ces territoires désolés sont désormais devenus accessibles uniquement armé d'un masque à oxygène. Par mesure de protection, cette base construite par le propre père de l'héroïne il y a des années est gardée par Arthur. Un robot programmé pour veiller sur la jeune femme mais dont le logiciel interdit de tuer quiconque tente de pénétrer les containers disposés sur place et qui font office d'abri. Cependant, Eve est régulièrement contrainte de donner le change à Arthur à travers des mots de passe qui changent tous les trois mois. Alors qu'elle revient d'une expédition hors de la base, la jeune femme a oublié que celui qui était encore actif le jour précédent a changé. Inscrit à l'intérieur d'un fascicule qui regroupe les codes passés et à venir, celui-ci est précieusement conservé dans l'un des containers en question. Voici donc Eve incapable de donner le nouveau mot de passe à Arthur qui désormais lui interdit l'accès à l'abri ainsi qu'à tout ce qu'il contient ! Sous ses allures de long-métrage de science-fiction dystopique banal en ce sens où il regroupe des thèmes sur-employés et donc usés, le minimalisme qu'arbore W Nich Cala Nadzieja permet à son auteur de se concentrer essentiellement sur des approches philosophiquement passionnantes.


Alors que le film remporte en 2023 les Prix Electrolux du meilleur film environnemental et de la Meilleure réalisation au festival du film polonais ainsi que le Prix Méliès au Festival du film de Trieste, W Nich Cala Nadzieja profite de l'occasion qui est donnée à son interprète féminine pour interroger son personnage sur la question des Droits de l'homme s'agissant de l'accueil ou non d'une réfugiée dite ''politique'' alors qu'elle sera elle-même contrainte de supporter ce titre à des fins de tromperie face à un robot dont le programme semble inaliénable. C'est d'ailleurs là toute la complexité des rapports que va développer le polonais, partant ainsi d'un postulat de base où le ''passe-temps favori'' de notre héroïne sera de tenter ''d'humaniser'' la machine à travers toute une série de questions dont les concepts demeurent encore très flous pour Arthur. D'où la question : peut-on éduquer une machine pourtant programmée pour des tâches bien définies ? Piotr Biedron répond à cela à travers des attributions faites au robot et dont ce dernier est inconscient des conséquences que peuvent avoir ses prérogatives. Sans manichéisme ou presque, W Nich Cala Nadzieja prend la forme d'une science-fiction très intelligente où ne prévalent ni l'action, ni les effusions de sang. Le réalisateur et scénariste met donc en place deux personnages. D'un côté, Eve, qu'interprète l'actrice Magdalena Wieczorek et de l'autre, Arthur, incarné dans l'ombre par Jacek Beler puisque l'acteur n'y donne que de la voix. Dans une esthétique cyberpunk plutôt sobre sous un soleil de plomb martelant un plateau désertique qui aurait tout aussi bien pu servir de point de vue en hauteur à la franchise Mad Max de l'australien George Miller, Piotr Biedron oppose la conscience humaine à un programme informatique dont l'ambivalence donne parfois le vertige. Où comment une jeune femme se retrouve coincée face à une machine construite pour veiller sur elle mais lui interdisant l'accès aux vivres pour défaut d'accession au nouveau mot de passe ! La sobriété avec laquelle le cinéaste investit le cadre lui permet de tout miser ou presque sur la relation entre la femme et la machine. Entre la conscience organique faite de discernement et un software prévu pour n'accomplir que les tâches qui furent intégrées à son programme informatique. Brillant...

 

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