Cory Finley peut
remercier toutes celles et ceux qui avant lui ont conçu des œuvres
de science-fiction dystopiques renvoyant généralement à des
univers déshumanisés. En contrepartie, celles et ceux qui auront la
chance de découvrir son dernier long-métrage intitulé Landscape
with Invisible Hand
pourront en retour le récompenser pour avoir su revigorer une
thématique trop souvent employée pour demeurer innovante. Derrière
ce titre mystérieux traduit chez nous sous celui de Paysage
avec main invisible
se cache effectivement une œuvre brillante inversant certaines
valeurs propres au genre. Il ne s'agit donc plus d'évoquer un monde
où les émotions doivent être abolies mais bien un univers où les
exprimer demeure une question de survie. Ce que semblent avoir
parfaitement compris les deux jeunes héros de ce récit prénommés
Chloe (Kylie Rogers) et Adam Asante Blackk). Si la bande-annonce rend
tout d'abord frileux, cette probable indifférence vient sans doute
de la présence à l'image d'une race extraterrestre que l'on imagine
mieux faire partie d'un film d'animation que d'un long-métrage
réalisé avec d'authentiques interprètes. Si d'emblée l'apparence
de ces créatures semble créer un fossé avec le sérieux du propos,
les spectateurs seront très rapidement rassurés en réalisant
qu'ils sont tout d'abord davantage évoqués que révélés à
l'image. Alors que dans la plupart des dystopies de ce type les
émotions sont annihilées, le fait est que dans Landscape
with Invisible Hand,
l'absence totale d'émotion chez ces extraterrestres connus sous le
nom de Vuvv ainsi que leur méthode de reproduction asexuée est une
mine d'or sur laquelle vont se projeter Chloe et Adam afin de
subvenir aux besoins de leurs familles respectives. Deux familles qui
vivent sous le même toit, la première ayant été accueillie par la
seconde. Landscape with Invisible Hand
reprend le concept de Elysium
de Neil Blomkamp dans lequel les riches vivent au dessus de nos têtes
dans des stations spatiales qui leurs sont strictement réservées
tandis que le reste de la population survit à la surface de notre
planète. Dans un cas comme dans l'autre, l'un des parents est
absent. Si les Marsh sont tout d'abord généreusement accueillis
dans la cave des Campbell, les problèmes de cohabitation vont très
rapidement faire surface. Contrariant ainsi l'idée suscitée par nos
deux adolescents de créer un podcast traitant des sentiments
amoureux à l'attention des Vuvv...
De
quoi enrichir le quotidien de nos deux familles puisque plus le
nombre de Vuvv croît parmi les abonnés et plus Chloe et Adam
accumulent de l'argent. Mais l'on ne trompe pas une race dont
l'intelligence est infiniment supérieure à celle des humains. Car
alors que de réels sentiments naissent au départ entre les deux
adolescents, les disputent répétées entre leurs parents respectifs
vont abîmer leur amour l'un pour l'autre. Chloe et Adam vont ainsi
faire croire qu'ils s'aiment toujours jusqu'à ce que le parent d'un
Vuvv réalise qu'ils font semblant... Tout d'abord, nous passerons
sur l'apparence absolument ridicule des créatures extraterrestres
qui semblent être tirées d'un banal film d'animation en images de
synthèse. Ôtée leur étrange physionomie, Landscape
with Invisible Hand
fourmille d'idées originales beaucoup trop nombreuses à énumérer
et qui à elles seules constituent le socle du récit. Si sur cette
Terre futuriste (l'action se déroule dans les années 2030) cette
vision de notre planète dont les règles sont désormais régies par
des êtres venus d'ailleurs peut paraître relativement commune, il
demeure des éléments qui constituent une véritable plus value qui
renforce l'intérêt de l'histoire. Tout d'abord, l'invasion de notre
planète par cette vision très enfantine d'une entité
extraterrestre semble être moins traitée sous un angle coercitif
que sous le concept de Soft
power.
Et pourtant, il est bien question ici de rééducation (de formatage
culturel et intellectuel) et de mépris envers celles et ceux pour
lesquels les Vuvv
n'ont aucune espèce d'intérêt. Le réalisateur traite les
ressources humaines sous un angle superfétatoire. Pour exemple, cet
ancien neurochirurgien devenu chauffeur sur l'une des plate-formes
aériennes qui gagne cinq fois son ancien salaire en est le parfait
témoin. Sous ses allures de teen-movie, Landscape
with Invisible Hand
traite de sujets divers et variés qui nie à la monotonie un
quelconque droit de présence à l'image. Parfois poétique et
souvent étrange, le long-métrage de Cory Finley est passionnant de
bout en bout. N'abusant pas des effets mais interrogeant ses
protagonistes sur des questions sociales et existentielles, cette
adaptation tirée du roman éponyme de MT Anderson est une
réussite...