Il existe sur le
territoire français, des réalisateurs qui régulièrement
s'essaient à la science-fiction post-apocalyptique depuis des
décennies. Quitte à rabaisser le genre au niveau des œuvres
transalpines signées dans le courant des années quatre-vingt par
des réalisateurs italiens opportunistes. On pense bien évidemment
tout d'abord au Terminus
de Pierre-William Glenn dans lequel, en 1986 , Johnny Hallyday
arborait une chevelure peroxydée dans ce sous-Mad
Max
cultissime MAIS nanardesque. Vingt-trois ans auparavant, Chris Marker
s'était essayé avec La jetée à
un exercice de style original sous forme de diaporama commenté par
Jean Négroni. Une œuvre de vingt-huis minutes seulement, célébrée
dans les cercles cinéphiles, qui inspira Terry Gilliam pour son
superbe L'armée des douze singes
en 1995. Luc Besson et Le dernier combat,
Marc Caro et Jean-Pierre Jeunet et Delicatessen
demeurent parmi ceux qui s'en sortirent plutôt bien. Beaucoup plus
récemment, Cédric Ido, en signant La gravité,
rendait hommage à l'esthétique très particulière des cités de la
banlieue française ainsi qu'à leur faune. Et que penser de 2021,
œuvre entièrement conçue et bricolée par le jeune Cyril
Delachaux, tout en décors naturels, grosse sensation tournée il y a
de cela cinq ans ? Bon, pour être tout à fait honnête, Sans
soleil
de Banu Akseki n'est pas une production purement française puisque
sa réalisatrice est d'origine belge et que la plupart des
interprètes le sont également. Tout juste croiseront nous durant un
petit quart-d'heure l'actrice italienne Asia Argento. Nous parlerons
donc d’œuvre francophone réalisée par une cinéaste talentueuse
malgré une carrière qui ne compte pour le moment que deux courts,
un moyen et un long-métrage. Sans soleil met
tout d'abord en scène Asia Argento dans le rôle de Léa et Joe
Decroisson dans celui de son film âgé de cinq ans, Joey. Deux être
vivant en marge de la société qui survivent de petits larcins (la
mère nourrit son fils directement aux étals des supermarchés). Un
soir, tandis que Léa se drogue comme de nombreuses autres personnes
afin d'atténuer le phénomène d'acouphène provoqué par de
multiples éruptions solaires, son fils disparaît.
Le
récit se place ensuite dix ans après. Joey a bien grandit et vit
désormais au sein d'un couple aisé dont la femme, Emmanuelle
(l'actrice Astrid Whettnall) est psychologue. Il étudie, est
amoureux, mais se laisse distraire un soir par une inconnue qui porte
le même blouson que sa mère disparue. Cette femme, qui elle aussi
se drogue pour échapper aux douloureux symptômes qui comme nous le
découvrons, n'ont pas cessé dix ans après la disparition de Léa,
attire bien involontairement l'adolescent dans l'univers des laissés
pour compte qui pour survivre, vivent sous terre dans des conditions
déplorables. Attiré par cette femme qu'il ne connaît pas mais qui
lui rappelle sa mère disparue, Joey va errer dans ce monde
interlope. Nombre des spectateurs qui purent découvrir le premier
long-métrage de la réalisatrice belge Banu Akseki semblent n'avoir
pas apprécié Sans soleil
et ce, pour plusieurs raisons. Pour son scénario qui,
reconnaissons-le, est des plus sommaire, mais aussi et sans doute
surtout pour son rythme lymphatique. Il faut reconnaître qu'en terme
d'action, cette œuvre de science-fiction
post-apocalyptico-catastrophique n'est pas d'une énergie débordante
et que les errances de son principal protagoniste peuvent ennuyer à
moyen ou long terme. Mais dès lors que l'on accepte le concept, Sans
soleil
s'avère une brillante réussite. Tout d'abord, le film bénéficie
d'une très belle photographie nocturne qui couplée à la bande
musicale de Wim Coryn génère un authentique sentiment anxiogène.
L'apport de cette dernière est d'ailleurs très représentative des
émotions qui traversent le récit puisque dès qu'elle disparaît,
le cadre prend tout à coup une allure beaucoup plus ''rassurante''.
Bénéficiant d'un budget et d'une écriture visiblement plus que
réduits, la réalisatrice mise tout ou presque sur le visuel,
l'acoustique et tout ce que cela génère d'émotions et de
sensations. Il faut donc se laisser bercer par ce vagabondage en un
temps dystopique relevant de faits plus ou moins authentiques
puisqu'on le sait depuis longtemps, les éruptions solaires peuvent
avoir notamment des effets sur les systèmes électriques et sur la
santé mentale comme le démontrent certaines séquences. Sans
soleil
est donc une œuvre avant tout sensorielle et non sensationnelle !
Une très belle surprise qui laisse présager un futur prometteur
pour sa réalisatrice Banu Akseki...