Lorsque l'on n'a de
talent ni pour la mise en scène, le montage, le cadrage, l'écriture
ou l'interprétation, le mieux reste encore de tourner un Found
Footage. Pas besoin d'avoir fait
de grandes écoles de cinéma ou d'avoir la moindre prédisposition
pour l'un ou l'autre de ces secteurs. Une ou plusieurs caméras, un
minimum d'oseille, une poignée d'interprètes libres de tous
engagements et surtout, surtout, des idées plein la tête et une
motivation sans faille. Avant que le canadien Mathieu Ratthe ne
produise, n'écrive et ne réalise The Gracefield
Incident
en 2017, il fut l'auteur de trois courts-métrages entre 2008 et
2011. Six années séparent donc le dernier d'entre eux du premier et
actuellement seul long-métrage qu'il a lui-même mis en scène. On
imagine sans mal que le budget du film n'a pas dû dépasser les
quelques dizaines de milliers de dollars au vu du résultat à
l'écran. Bénéficiant d'idées intéressantes comme le personnage
de Matthew Donovan (qu'interprète lui-même le réalisateur) qui se
dote d'une caméra directement implantée à l'intérieur de son œil
prothétique, on peut supposer que The
Gracefield Incident
sera tourné à la manière d'un FPS,
un concept qui fut notamment employé deux ans plus tôt à travers
Hardcore Henry de
Ilya Naishuller. Sauf que... ben non, en fait. Ou si peu. L'intérêt
de la chose ne dépassant pas les portes du script, l'idée même de
filmer le long-métrage en vue subjective à travers le simulacre
d'œil du personnage central est directement contrecarré par la
présence d'un ami doté d'un appareil-photo et d'un second équipé
d'une caméra. Autant dire qu'à l'image, la différence entre ce qui
apparaît comme une technologie nouvelle et des méthodes de filmage
couramment utilisées n'est pas vraiment flagrante. De plus, le
concept se prend les pieds dans le tapis puisqu'en passant de l'une à
l'autre de ces technologies de l'image, le spectacle auquel l'on
assiste devient tristement brouillon. On finit par ne plus savoir qui
est en vue subjective. Ce qui paraît logique d'un point de vue
strictement scénaristique l'est déjà nettement moins en qualité
de réalisme.
On
peut comprendre que notre bande de jeunes adultes soit sans cesse
attirée par cette forêt où se déroulent d'inquiétants événements
plutôt que de reprendre la route en sens inverse à bord de leur
véhicule car alors, le récit serait conclu en seulement cinq
minutes. Mais l'on peut également s'agacer devant la bêtise crasse
de Matthew et de ses compagnons qui insistent pour se rapprocher du
danger. Entre science-fiction et épouvante, The
Gracefield Incident
convie ses personnages à venir s'installer dans un fort joli chalet
prêté par le boss un brin parano de Matthew. Les lieux sont
effectivement truffés de caméras. Ce qui ajoute un surcroît
important de matériel permettant d'assister à des événements se
situant directement à l'intérieur de la demeure. Matthew, Joe,
Julia, Jessica et les autres assistent le premier soir à la chute
d'une météorite qu'ils s'empressent d'aller dénicher alors même
que la nuit est tombée et que la vision y est drastiquement réduite.
Le groupe met la main sur un objet de forme quasi oblongue dont le
poids ne semble pas dépasser les quelques dizaines de grammes si
l'on tient compte du fait qu'il paraît à l'écran être fabriqué
dans du polystyrène ! D'une manière générale, les
effets-spéciaux sont relativement piteux. Ce qu'excuse évidemment
le budget étriqué. Une créature va dès lors s'en prendre à nos
jeunes adultes qui demeureront malgré tout sur le site, allez savoir
pourquoi ! Hurlements dans la nuit, apparitions inquiétantes
d'une créature hostile qui semble ne pas appartenir à notre
planète, évocation du fameux Bigfoot,
dysfonctionnement des appareils électriques et symboles
mystérieux constituent l'essentiel d'une œuvre franchement
médiocre. Surtout, The Gracefield Incident
arrive
bien trop en retard. Dix-huit ans après Le
projet Blair Witch
de Daniel Myrick et Eduardo Sánchez et huit après le bousin d'Oren
Peli intitulé Paranormal Activity.
Et encore, ce n'est que si l'on n'énumère que ces deux exemples de
Found Footage
puisque en la matière, le septième art en a produit à la pelle
depuis ces vingt dernières années. The
Gracefield Incident fait
malheureusement partie des plus mauvais d'entre tous. Jamais
terrifiant, parfois monté à l'arrache (on passe subitement d'une
scène nocturne tournée en plein forêt) à un Crop Circle formé
dans un champ de maïs en plein jour. L'interprétation est dans la
moyenne du genre. Ni désastreuse, ni mémorable. Bref, inutile de
perdre son temps devant The Gracefield
Incident...
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