lundi 9 décembre 2024

Slingshot de Mikael Håfström (2024) - ★★★★★★★☆☆☆

 


 

Frère de l'acteur Ben Affleck, Casey Affleck multiplie les casquettes. Acteur, producteur, scénariste et réalisateur d'un premier long-métrage qui devrait bientôt voir le jour dans le courant de l'année 2025 sous le titre Far Bright Star, il incarne dans Slingshot un ambitieux astronaute prénommé John qui fut sélectionné pour une mission vers Titan, l'une des lunes de Saturne. Alors que le voyage dans l'espace a démarré voilà plusieurs mois, son placement en stase devient de plus en plus éprouvant. Réveillé par intervalles de quatre-vingt dix jours, il peut compter sur la participation de Nash (Tomer Kapon) et du capitaine Franks (Laurence Fishburne). Lors d'un énième réveil, John est le témoin d'un incident qui provoque des dommages ''superficiels'' sur la structure du vaisseau. En inspectant l'intérieur d'une trappe, il constate en effet qu'une paroi est déformée. À leur réveil, Nash et Franks ne constatent aucune anomalie mais le premier des deux commence à ressentir le besoin de faire chemin inverse vers la Terre. Une opinion que ne partage pas le capitaine Frank ni même John qui préfère se ranger du côté du commandant de bord. Au fil des périodes qui séparent les moments d'éveil des trois hommes de leur hibernation, les tensions montent entre eux. Imperturbable, Franks adopte une attitude posée. Son seul objectif : mener à bien la mission. Nash, lui, sombre peu à peu dans la paranoïa, persuadé que la mission est vouée à l'échec. Quant à John, il se réfugie constamment dans le souvenir de sa petite amie restée sur terre, Zoe (Emily Beecham)... Encore une œuvre de science-fiction concentrant une nouvelle fois son intrigue autour du voyage dans l'espace à destination d'un astre (ici, la lune Titan, laquelle est l'un des quatre-vingt deux satellites orbitant autour de la sixième des huit planètes de notre système solaire) proche de sa planète, Saturne. Et encore une fois, pour son dernier long-métrage, le réalisateur suèdois Mikael Håfström opte pour une observation minimaliste et claustrophobe des rapports humains et de leur environnement. Le principal cachet de Slingshot demeure dans ces quelques ''sorties extra-spatiales'' qui évoquent la relation entre John et Zoe.


Un couple qui cache moins ses ambitions que les sentiments qu'ils éprouvent l'un pour l'autre. En fait, des séquences qui servent aussi et surtout à remplir les vides d'un script qui sans elles tournerait à vide. Car ici, rien ne semble plus éloigné de la science-fiction ambitieuse des blockbusters américains que la vision de Mikael Håfström et de ses scénaristes R. Scoot Adams et Nathan Parker. La petitesse des décors est à l'aune du caractère anxiogène qu'imprime le réalisateur. Un huis-clos qu'un événement d'apparence anodine va rendre plus oppressant encore qu'il ne l'était déjà. Ici, la question des ressources permettant de survivre à un très long voyage dans l'espace est moins primordiale que la santé mentale des passagers d'une navette dont la conception est remise en question. Au fil du récit, le spectateur aura surtout l'occasion de comprendre que le point d'orgue de cette histoire somme toute commune tient moins dans le voyage vers Titan et dans sa réussite que dans les confrontations perpétuelles qui opposent John, Nash et le capitaine Franks. Slingshot prendra d'ailleurs un virage tout à fait inédit, crédibilisant ainsi la série de faits étranges qui se dérouleront sur place. Trente-quatre ans après avoir incarné Jimmy Jump dans le chef-d’œuvre d'Abel Ferrara, The King of New York et un quart de siècle après avoir interprété le rôle de Morpheus dans le premier volet de la tétralogie Matrix, Laurence Fishburne se fond dans la peau d'un commandant de bord trop posé, trop doux, trop raisonnable pour être tout à fait honnête. Plus qu'un voyage à des millions de kilomètres de notre planète, Slingshot ancre son récit dans l'esprit de son principal protagoniste et théorise sur les conséquences d'un voyage de plusieurs années loin de chez soit. Bien que la forme l'éloigne des grosses productions américaines gavées d'effets-spéciaux, Slingshot est une sympathique proposition de Space Opera, bien que très peu ouverte vers l'extérieur (seul le hublot de la passerelle permet à ses passagers d'avoir une vue de l'espace). Avec sa moustache, Ben Affleck nous rappelle certaines grandes heures de l'acteur Michael Biehn, lorsque le personnage qu'il incarnait dans Abyss de James Cameron était en proie au syndrome nerveux des hautes pressions...

 

dimanche 8 décembre 2024

Aniara : L'odyssée stellaire de Pella Kågerman et Hugo Lilja (2018) - ★★★★☆☆☆☆☆☆

 


 

Premier long-métrage conjointement réalisé par Pella Kågerman et Hugo Lilja, Aniara : L'odyssée stellaire est une œuvre de science-fiction qui s'inscrit dans un contexte dystopique où une fois encore notre bonne vieille Terre est devenue inhabitable et où l'humanité est contrainte de devoir l'abandonner pour trouver une autre planète à coloniser. Inspiré par un poème écrit par le prix Nobel suédois, Harry Martinson, ce long-métrage en forme de long-voyage interstellaire lors duquel un événement va remettre en question les objectifs visés par l'équipage de l'Aniara, son commandant Cheffone (l'acteur Arvin Kananian) et les milliers de voyageurs qui comptent sur eux pour mener à bien le projet de colonisation de la planète Mars est, une fois mis en route, beaucoup moins prenant qu'il ne le paraissait sur le papier. Déjà, parce que le thème est loin d'être tout à fait inédit et ensuite parce que dans le genre, nombreux sont les films et leurs auteurs qui s'en sont sortis beaucoup mieux que nos deux réalisateur suédois. Pourtant auréolé du Prix du Jury au festival international du film fantastique de Gérardmer 2019, le résultat à l'écran ne rejoint pas les ambitions pourtant très clairement soulignées dans cet Aniara : L'odyssée stellaire dont le cheminement est en réalité beaucoup trop modeste pour faire oublier ou pour être comparable à la concurrence. À dire vrai, le scénario de Pella Kågerman et Hugo Lilja aurait dû viser un autre format que celui-ci. Plutôt une mini-série de cinq ou six épisodes d'une heure chacun ou une trilogie plutôt que ce condensé de science-fiction dystopico-spatiale qui sur à peine plus de cent-cinq minutes oblige ses auteurs à drastiquement réduire les enjeux sous formes d’ellipses. Mais imaginez donc : étalant le récit à partir du départ et lors d'un voyage qui ne devait durer que quelques semaines, voire quelques mois tout au plus, voilà qu'en conclusion de ce long-métrage qui malgré tout offre de bonnes intentions de la part de ses auteurs, Pella Kågerman et Hugo Lilja imaginent repousser le concept jusqu'à renvoyer le vaisseau Aniara jusqu'à sa cinq millions neuf-cent quatre-vingt mille quatre-cent septième année de croisière.


Le vaisseau étant devenu le sarcophage de ses hôtes tout en étant en approche de la constellation de la lyre qui, à titre d'information, se situe à deux-mille trois-cent années lumières de notre planète. Aniara : L'odyssée stellaire met principalement en scène les personnages de MR (Emelie Jonsson), d'Isagel (Bianca Cruzeiro), du commandant Cheffone et d'une astronome (Anneli Martini) à bord d'un gigantesque vaisseau empli de structures esthétiquement proches de celles que l'on trouve couramment sur Terre et permettant à ses passagers de vivre très convenablement. Centres commerciaux, amphithéâtres, piscines olympiques, salles de sport, etc... Bref, de quoi permettre aux deux réalisateurs de tourner un certain nombre de séquences sans avoir à faire appel à de quelconques effets-spéciaux. Et c'est bien là, l'un des problèmes du long-métrage. L'on a durant ces scènes, l'impression que l'intrigue situe son action non plus à bord du vaisseau de croisière mais quelque par sur notre planète. Ce qui n'empêche évidemment pas Aniara : L'odyssée stellaire d'offrir quelques sympathiques plans d'extérieur de l'espace et du vaisseau. Autre soucis. Les ellipses. À vouloir concentrer une intrigue étalée sur des décennies dans un film qui atteint pauvrement les cent-cinq minutes, il est difficile de ressentir cette impression de temps qui passe. Le film multiplie d'ailleurs les sous intrigues, rendant l'ensemble brouillon et surtout majoritairement inintéressant. Pella Kågerman et Hugo Lilja se sentent en outre obligés de remplir leur œuvre de séquences de sexe plutôt crues et donc forcément gratuites. L'engouement général pour Aniara : L'odyssée stellaire est de mon point de vue parfaitement incompréhensible. Les bonnes idées se bousculent mais malheureusement, le résultat à l'écran est très décevant. Mieux vaut se faire une piqûre de rappel en redécouvrant, au hasard, Passengers de Morten Tyldum, Sunshine de Danny Boyle ou comme l'évoquait ma compagne qui trouva lors de la projection, des similitudes, la série Cosmos 1999 dans laquelle, déjà, notre Lune dérivait dans l'espace...

lundi 18 novembre 2024

Night Drive de Meghan Leon et Brad Baruh (2019) - ★★★★★★☆☆☆☆

 


 

Premier long-métrage réalisé en collaboration entre la monteuse et scénariste Meghan Leon et le metteur en scène et producteur Brad Baruh, Night Drive est un thriller qui sent aussi bien le souffre et le cynisme de part l'attitude totalement détachée de son héroïne Charlotte (Sophie Dalah) fasse à l'adversité qu'il semble être un objet filmique apparemment mal dégrossi dans la conception de son script. En cause, plusieurs événements apparemment invraisemblables mais qui pourtant trouveront leur justification une fois enclenché l'étonnant dernier acte. Cours puisque n'excédant pas les quatre-vingt deux minutes, les deux réalisateurs mettent en place avec Night Drive, un récit dont le gros de l'action se situe à l'intérieur d'un véhicule conduit par Russell (AJ Bowen). L'inventeur d'une application qui depuis a revendu ses parts dans la société pour se reconvertir ensuite dans le VTC (ou Voiture de Transport avec Chauffeur). C'est donc par une nuit calme, à Los Angeles, qu'il accueille dans l'habitacle de son véhicule, Charlotte. Jeune femme aux oreilles percées, au regard plein de malice et surtout très généreuse avec le chauffeur auquel elle donne d'emblée cinq-cent dollars afin que celui-ci l'emmène là où elle le désire sans qu'il ne pose de questions. Lors d'un premier arrêt durant lequel Charlotte s'introduit dans une demeure pour en ressortir accompagnée d'une mystérieuse petite mallette, son ancien compagnon surgit par la porte principale, forçant ainsi la jeune femme et Russell à démarrer à toute berzingue pour s'en éloigner le plus rapidement possible. En direction de leur nouvelle destination, et alors que le chauffeur et sa cliente partagent des banalités, un homme traverse la route et se fait renverser. Ne sachant comment agir, Russell, dont la moralité se situe tout de même à quelques crans au dessus de celle de Charlotte, prend la décision de transporter le corps de la victime encore vivante jusqu'à un hôpital. Malheureusement, pour lui et la jeune femme, les choses ne vont faire que s'aggraver au fil de la nuit... Si l'idée qui entoure la première heure est séduisante quoique relativement rudimentaire, le cadre nocturne et donc l'ambiance générale du long-métrage offrent une plus-value au long-métrage de Meghan Leon et Brad Baruh.


L'on peut trouver repoussante la jeune Charlotte dont l'attitude montre une moralité plus que discutable face à l'horreur d'une situation qui ne cessera de dégénérer, face à un Russell paniqué. Difficile donc de s'attacher à cette jeune femme alors qu'il est déjà beaucoup plus simple d'éprouver de l'empathie pour le chauffeur VTC ! Sa courte durée permet à Night Drive d'éviter de trop s'appesantir et ainsi aller droit à l'essentiel. Difficile pari que de maintenir l'intérêt d'une œuvre dont les plans extérieurs sont rares et dont le décor principal est l'habitacle d'une voiture. Bien avant que les choses entrent dans l'ordre à la manière d'un puzzle où chaque pièce retrouverait la place qui lui convient, certaines situations paraissent être le fruit de carences scénaristiques rendant le tout improbable. Comme cet homme renversé qui pour Charlotte n'est pas tout à fait inconnu alors qu'il est quasiment inenvisageable que Russell ait pu croiser la route de cet individu qui finit étendu au sol devant le capot de sa voiture. Une coïncidence que le spectateur aura beaucoup de mal à digérer. L'un des points positifs du récit, ou du moins celui dont se servent avec ingéniosité les réalisateurs pour retenir leur public concerne cette boîte récupérée plus tôt dans la soirée par Charlotte et renfermant on ne sait quel ''trésor''. Un objet qui interroge forcément sur son contenu dont le spectateur est empressé de savoir de quoi il s'agit. Rien n'est ici plus éloigné que le concept de la mallette enfermant un magot. Car aussi étonnant que cela pourra paraître, ce qui jusque là arborait les atours d'un thriller somme toute presque anodin prend un virage si inattendu qu'on aurait sans doute apprécié qu'il intervienne un peu plus tôt lors du récit afin qu'il soit exploité à sa juste valeur. Une thématique loin d'être inédite puisque la science-fiction s'en est emparée à de très nombreuses reprises mais qui dans le cas présent demeurera une surprise pour la plupart des spectateurs. Au final,Night Drive se regarde avec plaisir mais ne laissera en revanche aucun souvenir impérissable. Le genre de nuit cauchemardesque dont l'efficacité n'est malheureusement de ce point de vue là, pas tout à fait atteinte...

 

dimanche 17 novembre 2024

The Artifice Girl de Franklin Ritch (2023) - ★★★★★★★☆☆☆

 


 

L'intelligence artificielle est un vaste sujet. Si vaste qu'il est possible de l'aborder de diverses manières. À commencer par la plus brute, comme dans Terminator de James Cameron qui en 1984 avait un point de vue radical dans lequel l'humanité était engagée dans une guerre sanglante et totale contre une armée de machines qu'elle avait pourtant elle-même créée. Le long-métrage théorisait alors sur la possibilité d'un voyage dans le passé afin de sauver celui qui allait dans le futur permettre aux hommes de tenir tête à des androïdes qui en comparaison d'autres exemples de créations humaines liées à l'intelligence artificielle allaient se révéler intellectuellement rudimentaires. Le chemin qui pava la route d'un concept qui pour certains est depuis devenu dangereusement concret rencontra quelques surprises intéressantes. Une liste trop longue pour les relever toutes mais dont on peut notamment évoquer l'excellent EX_MACHINA d'Alex Garland dans lequel le jeune programmeur Caleb (Damhnall Gleeson) ignorait sans doute que sa création prénommée AVA allait, au delà du fait que se posa la question de savoir si elle était dotée d'une conscience ou non, s'arracher de sa ''prison'' pour rejoindre la civilisation. Huit ans plus tard et après des dizaines d'autres tentatives, le réalisateur et scénariste Franklin Ritch réadapte le concept et le repousse dans ses derniers retranchements en évoquant à son tour la question de la conscience mais aussi celle tournant autour des émotions. Tourné sous forme de huis-clos relativement oppressant lors duquel l'on comprend rapidement que celui que l'on soupçonne tout d'abord être un prédateur sexuel évoluant sur les réseaux sociaux n'est en fait que l'un de ceux qui les traquent, The Artifice Girl met en place un stratagème évoluant sur une période de cinquante ans découpée en trois actes. Des soubresauts qui dénotent déjà d'une forte avancée dans le domaine de l'intelligence artificielle jusqu'à l'instant très précis où Cherry, la dite intelligence artificielle dont l'âge et l'apparence physique posent des question d'ordre moral, sera libérée de ses entraves une fois que les objectifs d'origines auront atteint un but inespéré. Notons en particulier l'interprétation de l'actrice américaine Tatum Matthews qui contrairement aux apparences n'a pas l'âge avancé dans le film mais vingt-quatre ans. Incarnant l'intelligence artificielle Cherry, la jeune femme donne la pleine mesure de son talent et révèle ainsi les possibilités infinies d'un tel concept.


Face à un écran immaculé devant lequel l'actrice est projetée en mode DEV (un type de paramètres permettant d'avoir un accès direct aux ressources informatiques d'un programme afin de pouvoir en changer certaines fonctions), trois personnages de chair et de sang. À commencer par Gareth (interprété par Franklin Ritch lui-même), l'homme au cœur du projet initial de traque des pédophiles, véritable génie en informatique dont les compétences ont pour origines un drame terrible dont lui et treize autres enfants furent les victimes il y a un certain nombre d'années. Ensuite, les agents du Gouvernement Deena (Sinda Nichols) et Amos (David Girard) qui après avoir questionné Gareth sur ses fonctions au sein des réseaux sociaux vont travailler à ses côtés durant de nombreuses années. Il est à noter que ce dernier sera beaucoup plus tard incarné par l'acteur Lance Henriksen que les cinéphiles auront eu notamment l'occasion de découvrir justement dans le Terminator de James Cameron en 1984, dans Aliens, le retour lui aussi réalisé par James Cameron deux ans plus tard ou au beau milieu des années quatre-vingt dix dans la série Spin-Off d'X-Files intitulée MillenniuM de Chris Carter. Si The Artifice Girl n'est à proprement parler pas une œuvre portée par une grande ambition visuelle, elle l'est par contre en ce qui concerne son sujet. Et quand bien même le film n'aborde pas le même sujet, l'on rapprochera l’œuvre de Franklin Ritch de celle de Richard Schenkman intitulée quant à elle, The Man from Earth. Deux visions philosophiques bien différentes mais qui se rejoignent dans leur propension à étudier leur thématique en profondeur. En ces termes, The Artifice Girl est parfois relativement complexe à comprendre et certaines terminaisons employées demandent tout d'abord à être décodées afin de livrer avec aisance le message du réalisateur et de son scénariste. D'autant plus que le film n'est pas avare en paroles et que les dialogues s'entrecroisent si rapidement qu'il est parfois difficile de comprendre le cheminement du récit. Le film reste néanmoins l'une des plus intéressantes propositions sur l'intelligence artificielle. Et si aucune date de sortie officielle n'a été annoncée sur grand écran, espérons qu'il sera visible un jour prochain dans les salles obscures...

 

lundi 11 novembre 2024

Concrete Utopia de Tae-hwa Eom (2023) - ★★★★★★★☆☆☆

 


 

Quatrième long-métrage de Tae-hwa Eom après sa collaboration en 2011 aux côtés de quatre autres cinéastes sud-coréens sur Chon-Cheol-Sal-In et deux autres réalisés seuls en 2013 et 2016, Concrete Utopia est semble-t-il un énième film de science-fiction dystopique à la différence où celui-ci se déroule presque exclusivement au sein d'un complexe urbanistique dont seul un immeuble est resté debout après qu'une catastrophe naturelle dont on ignore l'ampleur a effacé de la carte la ville de Séoul. Démarrant plus ou moins à la manière de Frissons de David Cronenberg à travers sa description d'un complexe d'immeubles offrant d'idylliques conditions d'existence, l'un des derniers représentants du genre n'y va pas avec le dos de la cuillère et offre une vision dramatique d'une situation qui l'était déjà lorsque survint la dite catastrophe. Une tremblement de terre mêlé à un soulèvement de terrain dont l'envergure visuelle n'a absolument rien à envier aux productions américaines. À ce titre, les effets-spéciaux réalisés par une véritable armada de professionnels de tous horizons nous en mettent plein la vue. De ce véritable raz de marée produit par un gigantesque tas de débris où s'entremêlent immeubles détruits, véhicules et autres structures réalisées par la main de l'homme ne vont survivre que quelques centaines d'hommes, de femmes et d'enfants. Dont une moitié environ auront le privilège de vivre dans le seul immeuble qui tient encore debout. Leur statut de propriétaire les rend effectivement prioritaires et condamne les autres à demeurer à l'extérieur alors que les températures sont bien en dessous de zéro. Comme dans toute bonne dystopie ou film catastrophe, le sujet est ici tout d'abord pour les personnages de s'organiser autour d'un groupe formé par un homme élu par la majorité. Un type étrange et au départ bizarrement mal à l'aise mais qui au fil du temps va s'avérer de plus en plus impliqué dans ses nouvelles fonctions. Si le spectateur devine très rapidement la vérité qui l'entoure, les personnages, eux, mettront du temps à s'en apercevoir.


Mêlant science-fiction et thriller, Concrete Utopia concentre la thématique de la reconstruction sociale autour d'un immeuble où certains auront à cœur d'abriter chez eux des individus que la nouvelle loi instaurée refuse pourtant d'accueillir. Le réalisateur sud-coréen semble ici produire une analogie avec la submersion migratoire qui pour certains pose problème. Charriant ainsi son comptant d'anti et de pros migration avec tout ce que cela peut engendrer de désordre et de questions morales. Tae-hwa Eom injecte en outre d'autres critères qui ne vont rien arranger, comme le statut de ce résident aux pleins pouvoirs dont l'attitude va très rapidement déranger Myung Hwa (Park Bo-Young), une jeune infirmière qui s'interroge sur le comportement et l'identité de Young Tak (Lee Byrung-Hun) tandis que son compagnon Min Sung (Park Seo-Joon) et les autres résidents de l'immeuble se contentent de suivre les ordres. Plus que le psychopathe que semble être Young Tak, ce personnage hautement ambigu est surtout le reflet de ces individus dont il s'agit de faire une exception dans nos sociétés dès lors qu'ils contribuent concrètement à leur essor. Celui-ci sauva effectivement l'immeuble d'un incendie en se jetant littéralement au cœur des flammes et fut donc considéré comme un héros sans que ne soit jamais demandée la preuve de son identité. Le long-métrage flirte parfois avec l'horreur à travers cet appartement numéro 902 qui abrite la mère théorique de cet homme mais dont la vérité va plus tard être révélée. Mais Concrete Utopia ne fait pas que produire des scènes exclusivement situées à l'intérieur de l'immeuble et propose également quelques virées à l'extérieur du complexe afin que les hommes les plus solides et courageux trouvent de quoi boire et manger et ainsi subvenir aux besoins de la communauté. En résulte une vision démente d'une ville de Séoul totalement détruite, où les ruines s’enchevêtrent et où d'éventuels guets-apens peuvent se produire. À ce titre, les décors s'avèrent aussi remarquables que la catastrophe qui les façonna au début du long-métrage. Si le sujet de Concrete Utopia n’œuvre pas toujours avec finesse et si le film s'avère parfois un poil trop long, on ne demande désormais plus qu'à voir la suite ainsi que la série déjà annoncées pour un proche avenir...

 

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