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samedi 28 juin 2025

La fin du monde d'Abel Gance (1931) - ★★★★★★☆☆☆☆

 


 

S'il n'a pas été le tout premier film parlant, La fin du monde d'Abel Gance n'est sorti que deux ans après Le chanteur de Jazz d'Alan Crosland. Première œuvre à faire entendre le son d'une voix, ce sont moins les personnages qui s'y exprimèrent clairement que celle ouïe durant les intertitres. Long-métrage de science-fiction mêlant romance, drame et catastrophe, La fin du monde est plus à proprement parler une œuvre d'anticipation. Abel Gance traite de son sujet à travers le portraits de personnages liés pour partie à la même femme. Geneviève de Murcie (Colette Darfeuil) est profondément attachée à Jean Novalic qu'incarne lui-même le réalisateur. Un homme fort amoureux de la belle mais qui selon sa condition sociale choisit de libérer sa place dans le cœur de la jeune femme au profit de son frère Martial (Victor Francen). Un astronome qui en consultant la nuit étoilée à travers un télescope géant situé dans un observatoire découvre qu'une comète se dirige tout droit vers notre planète. Selon ses calcules, le bolide s'écrasera sur Terre dans plusieurs mois. Tenue secrète jusqu'à maintenant, Martial se décide finalement à révéler sa découverte. Et ce, en partie pour nuire à un certain Schomburg. Homme de peu de morale, agrippé à l'idée de mettre Geneviève ''à son menu'', l'homme la viole lors d'un rendez-vous. Réfugiée chez son oncle, celui-ci lui conseille d'épouser Schomburg afin d'éviter tout scandale. Pendant ce temps, Jean intervient lors d'une dispute entre un père et sa fille. Gravement blessé et étendu sur le sol, Jean est aidé par un médecin (l'acteur Major Heitner) qui va le soigner. Pourtant, si physiquement le jeune homme parvient à se remettre de ses blessures, le docteur ne donne pas cher de son état mental... La fin du monde s'ouvrant sur la crucifixion du Christ, opère un astucieux travelling arrière qui fait état non pas d'une scène se déroulant en temps réel au moment ou Jésus fut crucifié mais bien d'une reconstitution de l'événement se situant sur les planches d'un théâtre ! Revenu de cette scène un peu longuette, Abel Gance plonge son personnage et tous ceux qui orbitent autour de lui dans un contexte où tout ou partie de la vie sur Terre doit s'éteindre.


Mais loin de justifier la thématique à travers le regard exclusif de ses protagonistes, le réalisateur développe la crise existentielle qui les enrobera bientôt, eux et le reste des habitants de notre planète. Créant ainsi l'idée d'une République Universelle formée autour de lois nouvelles auxquelles vont adhérer l'ensemble des nations. D'ici là, l'on assiste à la lente agonie de Jean, perdant peu à peu la tête tandis que Geneviève cherche désespérément le moyen de s'en rapprocher. Le personnage de Schomburg est foncièrement tyrannique, méprisant, au dessus des lois. L'apparat du riche homme d'affaires à qui rien ne résiste. L'entrée en bourse de Martial devenant ainsi le moyen le plus évident de défaire l'homme de son piédestal ! Œuvre éminemment ambitieuse dont on a pourtant du mal à envisager la portée qu'elle aurait pu ou dû avoir sur les spectateurs sachant qu'elle fut terriblement amputée (le film devait à l'origine durer plus de trois heures), La fin du monde explore avant les autres l'étude du comportementalisme chez l'homme et la femme face à une catastrophe d'ampleur mondiale à laquelle ils ont malheureusement peu de chance de survivre. Poétique et théâtrale, le romantisme chez Abel Gance est ici déployé sous une forme qui de nos jours paraît tout à fait surannée. La langue française prenant ainsi sa plus belle forme, entre déclarations d'amour enflammées et tragédie épicurienne dont les pires travers de la nature humaine s'exprimeront à intervalles réguliers. Lors de cette séquence de rue où Jean subit la foule alors même qu'il devrait être élevé au rang de héros. Une scène qui fait curieusement, mais dans une moindre mesure, écho au chemin de croix du Christ. Puis intervient ce dernier quart d'heure, témoignant justement de l'ambition d'Abel Gance. Cette profusion d'images provenant de diverses régions de la planète, jusqu'à la capitale française où les nantis se laissent aller à la luxure et la dépravation, entre débauche sexuelle et orgies de nourriture, tandis que dans les rues la panique s'empare des gens de petite condition. On rêve alors d'une version intégrale, sans doute perdue à jamais, et qui aurait probablement évité au long-métrage d'être accueilli si froidement à l'époque de sa sortie...

 

samedi 10 mai 2025

The Assessment de Fleur Fortuné (2025) - ★★★★★★★★☆☆

 


 

Après avoir consacré les quinze dernières années à mettre en scène des courts-métrages et des clips vidéos, la réalisatrice et scénariste française Fleur Fortuné a mis en boite son premier long format en 2024. Intitulé The Assessment sur le plan international et L'évaluation dans nos contrées, le film met en scène un couple désirant concevoir un enfant par grossesse extra-utérine (seule technique autorisée par l'état). À une époque où les ressources mondiales se sont épuisées et où vivre en dehors d'immenses dômes protecteurs est devenu périlleux, Mia et Aaryan acceptent de suivre un test psychologique consistant à accueillir chez eux et durant sept jours une évaluatrice qui va devoir confronter le couple à différents types de situations. Dans un cadre ultra-moderne et pourtant relativement peu ''connecté'', la cinéaste française met en scène ses interprètes dans un contexte qui semble avoir été mille fois traité sur grand écran. En ce sens, l'arrivée de l'évaluatrice Virginia ne paraît pas vraiment diverger de ces situations qui à de nombreuses fois sur grand écran ont confronté des couples à des individus hostiles, fait de chair et de sang ou conçus pour améliorer les conditions de leurs propriétaires. Mais très rapidement, The Assessment s'impose comme une valeur sûre dans les domaines de la science-fiction dystopique, le drame et même, l'épouvante comme les spectateurs pourront le découvrir tout au long du récit. Le couple est formé à l'écran par l'américaine Elizabeth Olsen et le britannique Himesh Patel. Quant à la jeune femme qui bientôt va scrupuleusement étudier leur comportement, elle est incarnée par l'actrice suédoise Alicia Vikander. Si ses partenaires sont excellents, l'intérêt du long-métrage repose en grande partie sur l'interprétation de cette dernière, absolument saisissante dans le rôle de cette évaluatrice rigide et qui cache visiblement certains troubles du comportement. The Assessment évoque donc nombre de films portant sur divers sujets tous réunis autour de ce trio et du décor quasiment exclusif bâtit autour d'une luxueuse demeure et d'une plage de sable noir. Si les intérieurs ont été tournés à Cologne en Allemagne, les extérieurs ont quant à eux été filmés dans la partie nord de Tenerife, une île espagnole qui doit la couleur noire de son sable à son origine volcanique. Quel prix est-on près à payer pour obtenir le droit de concevoir un enfant ?


C'est en partie la question à laquelle tente de répondre Fleur Fortuné qui sur la base d'un scénario écrit par Nell Garfath Cox, Dave Thomas et John Donnelly développe un récit qui fait froid dans le dos et fait appel à l'intrusion d'une tierce personne. Véritable jeu de massacre psychologique pourtant bien plus profond qu'il n'y paraît, The Assessment dérange en ce sens où le spectateur peut très bien imaginer qu'une telle situation puisse survenir un jour prochain. La réalisatrice renforce le script de quelques éléments secondaires qui peuvent paraître à l'origine comme des ajouts subalternes mais qui au fil du temps prennent en réalité tout leur sens. Si Eizabeth Olsen et Himesh Patel interprètent parfaitement leur rôle d'éventuels futurs parents soumis aux desiderata de leur ''invitée'', c'est donc bien Alicia Vikander qui retient toute l'attention du spectateur. Tantôt froide, austère, inflexible et tantôt immature, têtue et destructrice (l'actrice se mettant ainsi dans la peau d'une jeune enfant turbulente afin de tester la résistance du couple), la suédoise marque forcément les esprits. Tout comme le scénario, pervers, limpide, astucieux, ambitieux et mature. En reprenant certains codes du film de science-fiction post-apocalyptique tout en les survolant d'un point de vue strictement superficiel lors du final (le film aurait effectivement mérité de se terminer dans l'antre d'Aaryan ou même quelques minutes auparavant lors la séquence découlant du bouleversant climax entre Mia et Virginia), la réalisatrice empêche son œuvre d'atteindre la perfection. L'une des principales qualités est par contre ici la sobriété avec laquelle la réalisatrice française nous conte ce véritable cauchemar psychologique. Sans jamais se laisser aller à la facilité de l'effet choc tant redouté, The Assissment ne tombe jamais dans les débordements graphiques, ceux-là même qui auraient pu condamner son œuvre à n'être qu'un film d'horreur de plus sous couvert de traiter en premier lieu un sujet fort et ambitieux. Bref, si vous avez pour habitude de détourner le regard lorsque sont accolés ensemble les termes ''Science-fiction'' et ''Prime Video'', faite une exception et plongez-vous sans craintes au cœur de cette redoutable histoire. Une chose est en tout cas certaine : c'est avec une très grande attention que l'on scrutera les prochains travaux de la réalisatrice française Fleur Fortuné...

 

lundi 4 septembre 2023

Sans soleil (2021) - ★★★★★★★☆☆☆

 


 

Il existe sur le territoire français, des réalisateurs qui régulièrement s'essaient à la science-fiction post-apocalyptique depuis des décennies. Quitte à rabaisser le genre au niveau des œuvres transalpines signées dans le courant des années quatre-vingt par des réalisateurs italiens opportunistes. On pense bien évidemment tout d'abord au Terminus de Pierre-William Glenn dans lequel, en 1986 , Johnny Hallyday arborait une chevelure peroxydée dans ce sous-Mad Max cultissime MAIS nanardesque. Vingt-trois ans auparavant, Chris Marker s'était essayé avec La jetée à un exercice de style original sous forme de diaporama commenté par Jean Négroni. Une œuvre de vingt-huis minutes seulement, célébrée dans les cercles cinéphiles, qui inspira Terry Gilliam pour son superbe L'armée des douze singes en 1995. Luc Besson et Le dernier combat, Marc Caro et Jean-Pierre Jeunet et Delicatessen demeurent parmi ceux qui s'en sortirent plutôt bien. Beaucoup plus récemment, Cédric Ido, en signant La gravité, rendait hommage à l'esthétique très particulière des cités de la banlieue française ainsi qu'à leur faune. Et que penser de 2021, œuvre entièrement conçue et bricolée par le jeune Cyril Delachaux, tout en décors naturels, grosse sensation tournée il y a de cela cinq ans ? Bon, pour être tout à fait honnête, Sans soleil de Banu Akseki n'est pas une production purement française puisque sa réalisatrice est d'origine belge et que la plupart des interprètes le sont également. Tout juste croiseront nous durant un petit quart-d'heure l'actrice italienne Asia Argento. Nous parlerons donc d’œuvre francophone réalisée par une cinéaste talentueuse malgré une carrière qui ne compte pour le moment que deux courts, un moyen et un long-métrage. Sans soleil met tout d'abord en scène Asia Argento dans le rôle de Léa et Joe Decroisson dans celui de son film âgé de cinq ans, Joey. Deux être vivant en marge de la société qui survivent de petits larcins (la mère nourrit son fils directement aux étals des supermarchés). Un soir, tandis que Léa se drogue comme de nombreuses autres personnes afin d'atténuer le phénomène d'acouphène provoqué par de multiples éruptions solaires, son fils disparaît.


Le récit se place ensuite dix ans après. Joey a bien grandit et vit désormais au sein d'un couple aisé dont la femme, Emmanuelle (l'actrice Astrid Whettnall) est psychologue. Il étudie, est amoureux, mais se laisse distraire un soir par une inconnue qui porte le même blouson que sa mère disparue. Cette femme, qui elle aussi se drogue pour échapper aux douloureux symptômes qui comme nous le découvrons, n'ont pas cessé dix ans après la disparition de Léa, attire bien involontairement l'adolescent dans l'univers des laissés pour compte qui pour survivre, vivent sous terre dans des conditions déplorables. Attiré par cette femme qu'il ne connaît pas mais qui lui rappelle sa mère disparue, Joey va errer dans ce monde interlope. Nombre des spectateurs qui purent découvrir le premier long-métrage de la réalisatrice belge Banu Akseki semblent n'avoir pas apprécié Sans soleil et ce, pour plusieurs raisons. Pour son scénario qui, reconnaissons-le, est des plus sommaire, mais aussi et sans doute surtout pour son rythme lymphatique. Il faut reconnaître qu'en terme d'action, cette œuvre de science-fiction post-apocalyptico-catastrophique n'est pas d'une énergie débordante et que les errances de son principal protagoniste peuvent ennuyer à moyen ou long terme. Mais dès lors que l'on accepte le concept, Sans soleil s'avère une brillante réussite. Tout d'abord, le film bénéficie d'une très belle photographie nocturne qui couplée à la bande musicale de Wim Coryn génère un authentique sentiment anxiogène. L'apport de cette dernière est d'ailleurs très représentative des émotions qui traversent le récit puisque dès qu'elle disparaît, le cadre prend tout à coup une allure beaucoup plus ''rassurante''. Bénéficiant d'un budget et d'une écriture visiblement plus que réduits, la réalisatrice mise tout ou presque sur le visuel, l'acoustique et tout ce que cela génère d'émotions et de sensations. Il faut donc se laisser bercer par ce vagabondage en un temps dystopique relevant de faits plus ou moins authentiques puisqu'on le sait depuis longtemps, les éruptions solaires peuvent avoir notamment des effets sur les systèmes électriques et sur la santé mentale comme le démontrent certaines séquences. Sans soleil est donc une œuvre avant tout sensorielle et non sensationnelle ! Une très belle surprise qui laisse présager un futur prometteur pour sa réalisatrice Banu Akseki...

 

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