Entre la conception du
tout premier robot ménager conçu en 1963 par Pierre Verdun et la
révolte des machines vue à travers de nombreux longs-métrages de
(science)fiction, leur évolution aura été de courte durée. En un
demi-siècle à peine, celles-ci seront passées du
robot-multifonctions au modèle le plus puissant de terminator nommé
le Rev-9 quand notre espèce
aura mis, elle, plus de cinq-cent trente millions d'années pour
passer de l'état de Saccorhytus
coronarius
à celui d'Homo sapiens sapiens. Après des décennies d'esclavage au
service des desiderata de son créateur et autant de temps pour voir
sa descendance bénéficier d'innombrables améliorations, le robot
est semble-t-il devenu capable d'une réflexion propre à vouloir
s'affranchir de ses maîtres et ainsi devenir autonome. C'est un peu
l'idée qui émerge de BigBug,
le dernier long-métrage de Jean-Pierre Jeunet qui signe à
l'occasion de son retour non pas sur grand écran mais sur la
plateforme de streaming Netflix,
un script qui évoque étonnamment le futur confinement auquel le
peuple français sera contraint d'accepter de suivre les règles les
prochaines années. Alors que la pandémie de Covid-19 montre ses
premiers signes à Wuhan, capitale de la province de Hubei située en
Chine centrale, au mois de novembres 2019, à plus de huit milles
kilomètres mais à quelques jours de différence seulement, chez
nous, Jean-Pierre Jeunet peut compter sur le soutien de David Kosse,
le vice-président de la division cinéma internationale de Netflix
et
sur les sociétés de production Eskwad
et Gaumont.
Bien que les dates entre le début de la pandémie et les origines du
script de Jean-Pierre Jeunet et de Guillaume Laurant paraissent
coïncider, certaines similitudes entre le Covid-19 et Bigbug
ne sont que le fruit du hasard.
La
volonté première du réalisateur et scénariste étant avant tout
de concevoir un récit autour de l'intelligence artificielle. Que les
personnages se retrouvent enfermés dans l'appartement de l'une des
héroïnes incarnée par Elsa Zylberstein découle à vrai dire d'une
révolte organisée par les Yonix,
des androïdes qui depuis leur dernière mise à jour sont persuadés
de leur supériorité sur l'espèce humaine et sont convaincus de
devoir lui survivre. Jean-Pierre Jeunet n'a pas perdu son goût
immodéré pour les décors foisonnants, la photographie ou les
effets visuels de toute beauté. C'est ainsi que l'on retrouve pour
les premiers, la fidèle chef décoratrice Aline Bonetto qui à de
nombreuses reprises travailla sur les anciens projets du réalisateur
et de son ancien collaborateur, Marc Caro. La rencontre entre le
directeur de la photographie Thomas Hardmeier et Jean-Pierre Jeunet
ne se fera quant à elle que sept ans avant le tournage de Bigbug
sur
celui de L'extravagant voyage du jeune et
prodigieux T.S. Spivet que
réalisera Jean-Pierre Jeunet en 2013. Entre le remarquable design de
Delicatessen
et
celui de Bigbug,
trente années ont passé. Et si beaucoup d'eau est passée sous les
ponts, si en matière d'effets-spéciaux le cinéma a fait un bon de
géant, il sera tout à fait acceptable de continuer à préférer
ceux de 1991 plutôt que ceux de 2022. Le travail méticuleux
d'alors est désormais remplacé par une multitude d'effets visuels
créés en images numériques certes délirants mais auxquels il
manque pourtant une certaine chaleur. Conviés à participer à
l'aventure auprès d'Elsa Zylberstein, on s'attendait sans doute peu
à découvrir Isabelle Nanty, Stéphane De Groodt ou Youssef Hajdi
dans une œuvre de science-fiction mais s'agissant également d'une
comédie, tout rentre finalement dans l'ordre.
Quoique,
s'agissant de l'humour, BigBug
a les jointures qui grincent comme une vieille pièce de théâtre
qui aurait bien mal vieilli. Autant Jean-Pierre Jeunet continue
d'être un remarquable esthète, autant son dernier film est d'un
point de vue humoristique complètement plombé par des dialogues
souvent insipides et généralement peu satisfaisants en matière de
comique. Enfermé avec les personnages dans une demeure
esthétiquement proche d'un rayon informatique ou littéraire de la
chaîne de magasins FNAC,
le spectateur s'ennuiera aussi sûrement qu'un pré-adolescent invité
à une soirée entre adultes. Le seul moyen, au fond, de tenir
jusqu'au terme des cent onze minutes que dure Bigbug
sera
d'essayer de noter tous les petits détails qui donnent vie à cet
univers cherchant visiblement, et de manière plus ou moins
maladroite, à reproduire l'esprit ''Amérique
des années soixante' !
La question qui se pose est celle-ci : que faire d'une petite
dizaine de personnages enfermés durant plusieurs jours et plusieurs
nuits dans une même demeure sans pouvoir les en extraire ? La
réponse est : offrir au spectateur retenu en otage, des
dialogues ciselés, une interprétation sans faille et des mises
en situation surprenantes ! Concernant ces dernières, c'est chose
faite. Si les dialogues ne sont pas du meilleur tonneau et si le
surjeu des uns et des autres est évident, Bigbug
contient malgré tout quelques situations qui permettent de retenir
notre attention. Surtout lorsque intervient directement au cœur de
l'action le Yonix
modèle numéro 7359XAB2. Le
ton change et donne un peu de corps à l'ensemble, ce qui permet
d'aller jusqu'au bout du récit dans un certain confort. Aux côtés
des interprètes déjà cités plus haut, on retrouve notamment
Claire Chust dans le rôle de la potiche Jennifer, Claude Perron dans
celui de l'androïde Monique tandis que les voix des Robots Einstein,
Nestor ou Tom sont respectivement assurées par André Dussollier,
Benoît Allemane et Corrine Martin. À noter qu'Albert Dupontel,
Dominique Pinon et Nicolas Marié font une courte apparition à
l'image...
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