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jeudi 7 novembre 2024

Pendant ce temps sur Terre de Jérémy Clapin (2024) - ★★★★★★★★☆☆

 


Comme me le faisait remarquer ma compagne au démarrage de la projection de Pendant ce temps sur Terre de Jérémy Clapin, lorsque notre beau pays s'engage dans ce type d'expérience cinématographique, on peut parfois s'attendre au pire. C'est vrai. Mais il arrive également que l'on soit très agréablement surpris. La science-fiction à la française semble avoir encore de beaux jours devant elle à la seule condition que le public soit en mesure de lui accorder toute l'attention qu'elle mérite. Pendant ce temps sur Terre risque de causer une scission entre les amateurs de blockbusters et ceux qui aiment à fourrager dans des espaces jusqu'ici inexplorés et dont le but premier est moins de remplir les coffres des producteurs que de narrer un récit où sont conviés le beau et le sensible. Ici, le spectacle ne revêt jamais l'habituel apparat qu'on lui connaît lorsqu'il s'agit de nous conter le récit d'une aventure spatiale à bord d'un vaisseau et en compagnie de son équipage. Presque tout semble être dit lorsqu'en entame l'on comprends que le frère d'Elsa, jeune femme de vingt-trois ans incarnée à l'écran par l'actrice franco-britannique Megan Northam, a disparu au court d'une mission dans l'espace. Un drame qui pose d'emblée les bases d'une réflexion s'agissant des sacrifices auxquels l'on serait prêts à se risquer pour revoir un membre de sa famille décédé. C'est là tout l'enjeu d'une œuvre qui en outre renouvelle l'une des plus remarquables traditions en matière de science-fiction : le Body-Snatching. Une pratique ayant un très lointain rapport avec une pratique bien terrienne consistant à dérober des cadavres afin d'en faire bénéficier certaines écoles de médecine mais dont le sens diverge quelque peu lorsque l'on évoque la thématique de l'invasion extraterrestre.


Parmi tant d'autres, L'invasion des profanateurs de sépultures de Don Siegel et ses remakes (dont le meilleur d'entre tous, L'invasion des profanateurs de Philip Kaufman), The Thing de John Carpenter (qui fut lui-même le remake de La chose d'un autre monde de Christian Nyby et l'adaptation du roman Who Goes There ? de John W. Campbell) le très divertissant The Faculty de Robert Rodriguez ou le troublant Under the Skin de Jonathan Glazer ont tous d'une manière ou d'une autre participé à cette inquiétante mésaventure consistant en l'appropriation d'un corps humain bien vivant au profit d'une entité extraterrestre visant à prendre sa place afin de se fondre discrètement dans la masse et ainsi envahir notre planète en toute discrétion. Lorsque l'on apprend que le concept fut à l'origine de dizaines d’œuvres cinématographique, le premier réflexe voudrait que l'on se demande où se situe l'intérêt d'en rajouter une couche à une thématique qui semble avoir déjà été étudiée sous toutes les coutures. En forme de cours magistral lors duquel il étudie et élude la question, Jérémy Clapin répond à ses éventuels détracteurs en signant une œuvre véritablement envoûtante. L'on ne reprochera pas à sa principale interprète son incarnation, laquelle s'avère irréprochable. Megan Northam porte effectivement la quasi totalité du récit sur ses épaules. Quasi puisque à côté de sa très sensible performance l'on a droit à une mise en scène sobre mais très majoritairement ponctuée de séquences qui nous happent.


Le minimalisme avec lequel le réalisateur réalise chaque plan est contrebalancé par une quiétude troublée par une bande-son addictive. Laquelle, signée du compositeur Dan Levy, œuvre pour beaucoup dans cette impression de flottement qui se dégage du long-métrage et qui laisse une étrange impression d'égarement chez le spectateur. Poétique, Pendant ce temps sur Terre l'est également. Avec ses quelques incursions dans le domaine de l'animation, cette dernière, loin d'être ridicule ou de créer une distanciation avec l'univers décrit jusqu'ici, est un moyen d'évoquer l'intime relation de l'héroïne avec son frère désormais disparu dans l'espace autrement qu'à travers la seule voix-off de ce dernier (l'acteur Dimitri Doré). Ersatz de l'art auquel se consacra tout d'abord le réalisateur (comme en témoigne son premier long-métrage tout en animation, J'ai perdu mon corps en 2019), ces quelques trop rares séquences révèlent une sensibilité que l'on imaginait mal pouvoir être révélée à travers des dessins mais qui réellement ajoutent une profondeur déjà bien présente au sein du récit. Bref, on sort de la projection subjugué par le talent avec lequel Jérémy Clapin est parvenu à nous happer avec cette histoire sobrement mise en scène et superbement interprétée par Megan Northam...

 

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