dimanche 14 juillet 2024

L'empire de Bruno Dumont (2023) - ★★★★★☆☆☆☆☆

 


 

Le dernier long-métrage de Bruno Dumont est une expérience digne d'une métaphore évoquant les plaisirs relativement douloureux du masochiste qui dans la souffrance ressent un plaisir sans commune mesure avec ce qu'éprouvent la plupart de nos semblables. On a voulu me prévenir que l'expérience était d'un insondable ennui. Qu'il fallait ne surtout pas espérer éprouver le même plaisir de cinéma que devant les séries Ptit Quinquin et Coincoin et les Z'inhumains. Après ces deux O.F.N.I.s télévisuels et Ma Loute dans lequel le cinéaste se jouait des talents d'orateur de Fabrice Luchini pour mieux les déstructurer, le Bailleulois s'ouvre à des champs d'expérimentation qui feraient passer ses précédents travaux pour des œuvres abordables par n'importe quel mortel ! L'empire dure... deux heures ! Pour une œuvre de science-fiction, rien de plus conventionnel mais lorsque la chose est signée par Bruno Dumont, l'on se prête à rêver qu'elle fut conçue elle aussi sous forme de mini-série. Ne serait-ce que pour permettre aux fidèles spectateurs du cinéaste et sans doute davantage aux autres de pouvoir souffler entre chaque épisode. Car d'une manière générale, le dernier long-métrage de cet auteur très attaché à sa région des Hauts de France est une épreuve parfois et même, très souvent, difficile à digérer dans son ensemble. Une œuvre contradictoire et qui par conséquent, chicane en permanence avec la plupart des tentatives qu'entreprend le réalisateur et scénariste. Parodie ou non de Star Wars à la sauce française, pour celles et ceux qui vivent sous la frontière de l'ancien Nord-Pas-de-Calais, la plupart des héros de ce récit dont on continuera longtemps de se demander qui sont les gentils et qui sont les méchants demeureront des freaks dont les différences d'ordre comportemental ou physique auront bien du mal à se faire justice. Science-fiction, histoire d'amour improbable entre membres de clans adverses, la proposition est aussi innovante qu'anarchique. Le problème survenant évidemment au niveau de l'écriture, aussi fine que le tranchant d'une lame de rasoir sur laquelle se risquent Fabrice Luchini, donc, mais également Camille Cottin, laquelle semble ici avoir étrangement régressé dans ses talents d'interprète. Un Dark Vador accoutré comme le bouffon d'un roi venu d'une lointaine planète, Fabrice Luchini ne fait plus rire.


En tout cas, bien moins que dans Ma Loute dans lequel son contre-emploi avait tendance à créer un certain nombre de situations comiques franchement réussies. Dans le cas de L'empire, l'acteur semble se singer comme lors de ses pires exhibitions télévisuelles. Quant à elle, Camille Cottin est si transparente que sa présence à l'image a autant d'intérêt que ces figurants pourtant montés sur de majestueux chevaux. Anamaria Vartolomei apparaît comme la seule interprète a vouloir offrir au cinéaste la petite étendue de ses talents. Et l'on ne parle pas là exclusivement de sa plastique qu'elle dévoile à une ou deux occasions mais son interprétation vaut largement celle des ''stars'' convoquées pour l'aventure, sans parler de ce florilèges d'acteurs amateurs qui trônent pourtant presque au sommet du casting. Débutant au cinéma, ce sera peut-être là la seule occasion pour Brandon Vlieghe de ''briller'' devant la caméra. Dans le rôle de Jony, il incarne le père d'un bébé convoité par des extraterrestres et considéré comme le Mal incarné. S'engage alors une drôle de bataille entre diverses races dont, la faute au scénario, on ne sait jamais vraiment de quelle espèce ils font partie. Bruno Dumont divise la France en deux comme le football sépare Marseille du reste de l'hexagone ! En dehors des Hauts-de
-France l'on entend déjà les rires gras de ceux qui considéreront les habitants du cru comme des bêtas, des incultes à l'accent à couper au couteau. Mais dont la sincérité est pourtant très touchante. Tout ce petit monde que l'on découvre pour la première fois ou non (Bernard Pruvost reprend de manière très symbolique et donc particulièrement anecdotique le personnage du Commandant Van der Weyden qu'il incarnait dans les deux précédentes séries de Bruno Dumont) a beau parfois engendrer rires et remarques narquoises, leur présence est justement ce qui fait le sel et la particularité de l’œuvre du cinéaste. Ensuite, n'ayons pas peur des mots : le long-métrage de Bruno Dumont connaîtra malgré tout un authentique état de grâce qui s'étirera sur plus de cinq longues minutes lors de la dernière partie. Prouvant qu'avec un scénario solide, le réalisateur français aurait pu signer rien moins que l'une des œuvres de science-fiction françaises parmi les plus importantes de ces trente ou quarante dernières années. Malheureusement, le film retombe ensuite dans ses travers. Ne demeure au final qu'une expérience aussi déstabilisante que, disons-le, chiante à mourir. Dommage...

 

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