Plus rare et donc plus
intriguant que la plupart des œuvres de science-fiction d'origine
américaines, asiatiques, russes ou françaises, Rubikon
de la réalisatrice et scénariste Magdalena Lauritsch nous vient
directement d’Autriche. Ce qui, en revanche, paraît moins original
est le contexte dans lequel se déroule l'intrigue. En effet, loin
des space-opera lors desquels se déroulent moult guerres
intergalactiques, voyages aux confins de l'univers, rencontres du
troisième type ou explorations de planètes de classe M, le récit
s'articule autour de trois personnages seulement, basés sur une
station spatiale qui donne son nom au long-métrage. Le genre de
configuration qui depuis quelques années semble être la matière
première de pas mal de films du genre. Une militaire (Julia Franz
Richter dans le rôle d'Hannah Wagner) et deux scientifiques (Mark
Ivanir dans le rôle de Dimitri Krylow et George Blagden dans celui
de Gavin Abbott). Comme dans tout bon ou mauvais film du genre l'on
s'attend forcément à plusieurs types de comportements qui
effectivement se révéleront relativement rapidement. Ivresse de
l'espace et du confinement. Confrontation entre les différents
objectifs, fonctions et statuts des personnages. Mais aussi et
surtout, un cas de conscience qui fait de l’œuvre de Magdalena
Lauritsch, un peu davantage que le film de science-fiction qu'il
semble être. Car en effet, là-haut, au dessus de nos têtes, va
s'engager un bras de fer intellectuel. Alors que Dimitri Krylow et
son fils Danilo (Konstantin Frolov) sont parvenus à mettre au point
une symbiose permettant à tout un réseau d'algues de produire
suffisamment d'oxygène pour que les passagers du Rubikon puissent
vivre en totale autonomie, le retour sur Terre du fils et de
plusieurs autres scientifiques va tourner au drame. Car à la surface
de notre planète s'étend rapidement un nuage d'une ampleur telle
que toute vie sur Terre semble condamnée. Après les pleurs du père,
l'angoisse de Gavin, premier à se rendre compte que Hanna, Dimitri
et lui sont condamnés à vivre sur la Station spatiale, les trois
passagers du Rubikon vont devoir prendre une grave décision :
choisir entre rester sur la station spatiale ou emporter à bord
d'une navette les fameuses algues afin de les transporter jusqu'aux
abris qui sur Terre maintiennent en vie une partie infime de
l'humanité...
Toute
la question tourne alors autour de cet épineux problème. D'autant
plus que la réalisatrice et scénariste qui signe ici son premier
long-métrage rajoute quelques détails qui permettent de se faire
une idée assez rapide des choix qui vont être entrepris par chacun.
Visuellement, Rubikon est
irréprochable. Qu'il s'agisse des coursives proches de celles que
l'on peut notamment découvrir dans les différentes séries Star
Trek
ou des extérieurs qui brillent par leur réalisme, du côté des
effets-spéciaux et des décors, c'est un sans fautes. Il y a même
du génie dans le propos. À travers la symbiose entre l'homme et le
végétal. Ce choix de couleurs particulièrement judicieux, où les
gris et les blancs épousent à merveille le vert, et plus tard, le
brun. Esthétiquement, l'enveloppe est aussi séduisante que le
sujet. Imaginer une station spatiale dont d'immenses pans de murs et
de larges plaques imbriquées les unes à côtés des autres
permettent à l'homme de vivre sans se soucier du manque d'oxygène.
Ou de nourriture d'ailleurs, puisque l'algue en question est
également à l'origine de l'alimentation des passagers. Alors oui,
Rubikon
demandera aux spectateurs de faire preuve de patience, de ne
s'attendre à rien d'autres qu'à des affrontements de type verbal et
non physiques. Le récit est en apesanteur mais pas trop.
Régulièrement, Magdalena Lauritsch parvient à relancer l'intrigue
en y injectant de nouvelles perspectives remettant sans cesse en
question le choix cornélien consistant à laisser nos congénères
sur Terre à leur triste sort ou à leur venir en aide. Sobre,
presque dépouillé mais jamais ennuyeux, le concept fonctionne très
bien et la réalisatrice nous évite tout ce que la science-fiction
peut parfois charrier d'inconvenant (terminées les brutes épaisses
qui théoriquement, et vu l'immense financement de tels projets
scientifiques, n'ont pas leur place dans les étoiles). Les trois
principaux interprètes sont crédibles et malgré l'inertie
relativement lente de la mise en scène, ici, l'on évite le
blockbuster bête et méchant ou la Hard Science-fiction trop
cérébrale...