Le doublage, ça n'est
pas qu'un simple métier. Pas non plus qu'une alternative à la
profession d'acteur. Non, le doublage, c'est tout d'abord un art et
une faculté certaine pour retranscrire diverses émotions avec comme
seule contrainte de devoir le faire avec la voix et uniquement à
travers ses intonations. La télévision russe étant fauchée comme
les blés, qui n'a jamais vécu l'atroce expérience d'une œuvre
étrangère doublée dans la langue de Tolstoï, de Soljenitsyne ou
de Nabokov ? Qui a échappé jusqu'à maintenant à cette
épouvantable technique du Voice Over
consistant pour les dialogues d'un long-métrage à être recouverts
par celui ou ceux du ou des doubleurs ? On hésite alors à
dresser la liste des inconvénients relatifs à l'usage d'un tel
procédé. Est-le fait d'entendre des doubleurs russes chevaucher des
voix françaises, anglaises, espagnoles ou japonaises ? Est-ce
le ton monocorde avec lequel ces mêmes doubleurs empêchent la
moindre émotion de poindre de tel ou tel dialogue ? Ou, pire, est-ce
parce que les personnages féminins sont eux-mêmes doublés par des
hommes ? Je n'affirmerai pas que cela est depuis devenu une
constante mais ayant été moi-même témoin d'une telle pratique, je
peux vous dire que l'expérience est proprement insoutenable. Le
doublage est donc tout un art. Et lorsque certains tentent de s'y
employer sans avoir ne serait-ce qu'une once de talent, le résultat
peut être désastreux. C'est malheureusement ce qui semble être
arrivé à Quanta
de Nathan Dalton. Destin peu enviable qui sur le territoire français
semble avoir finit de sceller le sort d'un film de science-fiction
ambitieux sur le papier tout en n'étant que très faiblement
convainquant à l'écran. Que le sujet portant sur la matière noire
fascine ou non ou qu'un signal venu d'une lointaine galaxie puisse
éveiller la curiosité des ufologues, la qualité du traitement est
impérative. Réalisme et sérieux se doivent d'être au cœur de ces
passionnants sujets scientifiques. Sinon, on peut remballer ses
affaires et s'adonner à d'autres passions que la réalisation de
longs-métrages. En ce sens, Quanta
semble ne pas devoir tout à fait remplir son contrat. La faute, sans
doute, à un budget insuffisant mais aussi et surtout à des
interprètes pas toujours très convaincants et à un scénario qui
ne tient absolument pas ses promesses.
Le
réalisateur résoudra d'ailleurs son intrigue matinée de thriller
en contraignant l'un de ses protagonistes prénommé George (Mark
Redpath) à détruire son matériel de recherches ainsi que les
résultats obtenus histoire de mettre un terme au récit de la
manière la plus radicale mais également la plus simpliste qui soit.
Mais le sujet de cet article n’étant pas là, je voudrais revenir
sur le doublage en français à proprement parler. Il est clair et
indubitable qu'en n'ayant pas bénéficié d'acteurs d'expérience
dans ce domaine, Quanta demeure
à ce jour l'un des plus gros ratages dans le domaine du doublage. En
effet, le travail effectué par ce que l'on aura le réflexe (poli)
de nommer sous le nom d'amateurs est d'une telle indigence que c'est
l'intérêt tout entier de l'intrigue qui en est faussé. Ce que le
spectateur envisage comme une œuvre de science-fiction ne pourra
dans un premier temps pas l'empêcher de rire. Ce n'est pas tant les
interprètes que l'on moque alors mais les doubleurs que l'on imagine
assis devant les images du film, à reproduire les dialogues en
langue française. À défaut de nous passionner pour cette histoire
de conflits d'intérêt égocentriques et scientifiques, ma compagne
et moi nous sommes amusés à imaginer à combien se chiffrait le
nombre de doubleurs. Nous n'en comptâmes pas plus de trois. Le plus
triste (ou le plus drôle finalement) furent ces quelques personnages
féminins tous doublés par une seule et même personne et de
surcroît, à l'accent fort prononcé. Que les interprètes portent
des signes physiques aux origines occidentales ou
extrêmes-orientales, les doubleurs semblent n'en avoir rien eu à
faire. Tout le monde boit dans le même verre en dépit de tout bon
sens. L'effort de doubler officiellement ou non une œuvre
cinématographique est en soit un acte appréciable et que l'on
réservera au confort de celles et ceux qui ne supportent pas la
lecture de sous-titres. Mais malheureusement, dans le cas de Quanta,
la qualité plus que déplorable des doublages qu'elle rend
parfaitement rédhibitoire toute raison de le visionner dans notre
langue. Ne reste plus alors que de tenter de le dénicher dans sa
langue d'origine...