Depuis plus de dix ans
maintenant, les québécois Philippe Lupien et Marie-Hélène Viens
collaborent ensemble pour apporter leur vision du septième art. Un
travail de longue haleine qui après être transparu à travers trois
courts-métrage a fini par aboutir en 2024 avec You are not
Alone (Vous
n'êtes pas seuls),
leur premier long-métrage. Une œuvre étrange, qui apparemment ne
sait pas très bien sur quel pied danser puisque les deux
réalisateurs y abordent deux aspects de la nouvelle vie quotidienne
d'un jeune homme qui supporte mal sa séparation d'avec son ancienne
petite amie. D'un côté, la rencontre tout à fait crédible entre
Léo Biron (Pier-Luc Funk) et Rita St-Laurent (Marianne Fortier) et
de l'autre, la convergence entre l'attitude du jeune homme qui se
sentait littéralement disparaître et l'arrivée de John (François
Papineau), un chauffeur de taxi qui un soir l'aida à réparer sa
voiture et qui depuis ne cesse d'avoir d'inquiétantes intentions à
son sujet. Des motivations qui ne semblent avoir rien de commun avec
les faits-divers criminels qui touchent n'importe quelle société
dite ''civilisée''. Non, ici, il s'agit plutôt d'évoquer
l'hypothèse d'une tentative d'abduction par un extraterrestre se
cachant sous les traits d'un homme d'une cinquantaine d'années. Les
deux réalisateurs et scénaristes faisant ainsi des économies de
moyens sur des effets-spéciaux qui auraient sans doute coûté trop
chers s'ils avaient dû faire appel à des maquillages prosthétiques
ou à l'emploi d'images de synthèse... Ici, le côté surnaturel du
récit est emballé sous la forme la plus pure qui puisse exister :
quelques éclairages bien sentis et une posture parfois
(involontairement) amusante de François Papineau suffisent presque à
concrétiser la présence sur le sol canadien (et peut-être même
mondial, qui sait), d'une civilisation extraterrestre dont on ne
saura d'ailleurs jamais les véritables intentions. Hostile ou
bienveillant, il n'empêche que John se montre particulièrement
insistant. Au point de retrouver sa ''proie'' jusque dans ce nouveau
foyer qui l'accueil. Ce petit appartement où vit la délicieuse
Rita, une jolie jeune femme qui au commencement n'avait fait que
commander une pizza (Léo est livreur pour le compte d'une
propriétaire de pizzeria campée par Sandrine Bisson) et qui lors de
la livraison semble être tombée sous le charme de Léo. Un...
''coup de foudre'' que partagera d'ailleurs instantanément le jeune
homme.
L'arrivée
de Rita arrive donc à point nommé, au moment où Léo lâche
littéralement la bride avec sa propre existence et son entourage. Se
reconstruisant peu à peu auprès de celle qui deviendra par la force
des choses sa nouvelle petite amie, l'un et l'autre vont finir par
devoir affronter celui qui traque le garçon. Leur amour
survivra-t-il à cette étrange expérience ? La conclusion nous
le dira très certainement. Mais jusque là, Philippe Lupien et
Marie-Hélène Viens nous plongent avec You are
not Alone
au cœur d'une intrigue amoureuse assez touchante. Entre la
rencontre, les premiers regards, suivi du premier échange de salives
et jusqu'à cette séquence où le couple se retrouve dans le lit de
Rita, les deux réalisateurs filment avec application la relation
entre ces deux êtres qui l'un comme l'autre semblaient attendre
chacun de leur côté qu'arrive celui et celle qui allait leur
permettre enfin de pouvoir vivre pour eux et pour l'autre. De ce
point de vue là, nulle doute que de nous conter une belle histoire
d'amour entre deux jeunes adultes est un projet parfaitement
accompli. Ce qui semble par contre beaucoup moins évident lorsqu'il
s'agit de souligner la sous-intrigue tournant autour de John et Léo.
Entre ce nouvel exemple de Body
Snatcher,
ce sous-genre de la science-fiction sublimé en 1978 par
l'indétrônable Invasion of the Body Snatchers
de Philip Kaufman, et sa victime, Léo, le compromis qui a pris dix
ans de l'existence de leurs auteurs pour aboutir à l'objet que nous
avons devant les yeux est de l'avis de certains, le point faible du
récit. Et il est vrai que dans le fond, la présence de John à
l'écran dans ce qui demeurera sans doute comme une belle histoire
d'amour mais un piètre film de science-fiction, reste futile. Il ne
s'en dégage pas moins de You are not Alone
une atmosphère presque unique que l'on ne rencontre généralement
que dans ce type très original de science-fiction, où les repères
habituels sont gommés au profit d'une approche inédite. La bande
musicale de Pierre-Philippe côté où la photographie d'Ariel Méthot
n'y étant évidemment pas étrangers. Avec ses cent-cinq minutes, on
aurait pu croire que le film allait tomber dans un ennui sans fin,
mais même si certains reprochent justement au long-métrage sa
lenteur, celle-ci participe souvent de l'envoûtement généralisé
que procurent le rythme parfois neurasthénique, l'ambiance sonore,
la photographie ou plus simplement la remarquable interprétation de
ses deux principaux acteurs. Une très belle surprise...
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