Paris n'existe Pas
est
une authentique surprise. Long-métrage post Mai 68, plusieurs
détails attirent l'attention, dont la présence de l'acteur,
compositeur et interprète français Serge Gainsbourg qui dans
l'ordre d'importance des personnages tient la troisième place après
Richard Leduc dans le rôle du héros Simon Devereux et Danièle
Gaubert dans celui d'Angela. Réalisé par l'écrivain français
d'origine marocaine Robert Benayoun, Paris
n'existe Pas
ferait presque regretter qu'il n'ait mis en scène lui-même que deux
longs-métrages. Celui-ci, ainsi que Sérieux
Comme le Plaisir
sept ans plus tard en 1975. Le récit tourne autour de Simon,
artiste-peintre, qui, sentant que le courant pictural tourne, est en
perte d'inspiration. Proche de Laurent, et compagnon d'Angéla, il
découvre bientôt qu'il a la capacité d'agir sur le temps et sur
les objets qui l'entourent. Après plusieurs expériences menées
chez lui, le jeune homme découvre qu'il peut également voyager dans
le passé et percevoir l'avenir proche. C'est ainsi qu'il prévoit
quelques menus événements (comme un vase ou une bouteille de lait
se brisant au sol), mais aussi qu'il est en mesure de se transporter
jusque dans les années 30, à l'endroit même où il vit, dans un
appartement qui a depuis connu quelques changements et qui quarante
ans plus tôt était la propriété d'une jeune femme séduisante
sous le charme de laquelle Simon va tomber...
Lorsque
débute Paris n'existe Pas,
on est encore loin d'imaginer le pouvoir d'attraction qui va
s'instaurer entre l’œuvre de Robert Benayoun et le spectateur.
Démarrant sous des auspices psychédéliques post-soixante
huit-ardes prétentieuses, et dont les contours risquent de brouiller
la perception des non-initiés en matière de métaphysique et
d'ontologie, le film se révèle peu à peu d'une très grande
cohérence et d'une intelligence rare. Évoquant aussi bien le temps
sous toutes ses formes, Paris n'existe Pas aborde
également la réalité des choses qui nous entourent. Le rapport au
temps est très clairement établi lors des premières séquences du
long-métrage nous renvoyant au quotidien d'hommes et de femmes lui
étant directement confrontés : l'un consulte sa montre et
réalise qu'il a raté son train. L'autre apprend l'avantage des
fuseaux horaires, lui permettant ainsi de gagner une demi-heure lors
de son voyage en avion. Un homme apporte sa montre qui ne cesse de
retarder de cinq minutes chez un horloger. Ou là, encore, le
directeur d'un journal demande à l'un de ses rédacteurs de lui
fournir un article pour la veille au soir. Des exemples qui déjà,
dans leurs propos, exploitent de manière théorique le voyage dans
le temps.
Paris n'existe Pas
est une formidable leçon de mise en scène car à partir des
documents d'archives explorant le Paris des années trente (de
vieilles cartes postales en noir et blanc), Robert Benayou parvient à
rendre crédible les aventures de son héros. Mais ce n'est pas tout.
Car plus que le jeu convaincant de ses interprètes, le film accumule
des séquences animées image par image tout à fait remarquables
pour l'époque. Et c'est sans compter sur celles durant lesquelles,
Simon est directement projeté dans le passé de son appartement, au
contact d'un jeune femme dont quelques atours vestimentaires laissent
entendre qu'elle vit dans une autre époque. La preuve qu'avec
quelques bouts de ficelle et une imagination sans borne l'on peut
faire des miracles. L'aventure de Simon est passionnante. Mais alors
que le sujet du voyage dans le temps est une chose convenue entre le
héros et les spectateurs, arrive l'éventualité que tout ceci n'est
que le fruit de l'imagination d'un artiste-peintre en perte de
vitesse et mis dos au mur, face à ses démons. On hésite alors à
parler de fantastique, de science-fiction, et la réalité nous
revient au visage de plein fouet en évoquant l'éventuelle
schizophrénie dont pourrait être atteint Simon.
Seule
la fin nous aiguillera, après un fabuleux montage de milliers
d'images renvoyant au passé, au présent et au futur du héros.
Auteur de la partition musicale, laquelle participe généreusement
au climat passionné et passionnant de Paris
n'existe Pas,
Serge Gainsbourg se révèle quant à lui très à l'aise dans le
rôle de l'ami, imperturbable dandy fumant du tabac sur
porte-cigarette. A noter au passage qu'il s'agit de la toute première
collaboration entre le génie de la chanson française et l'arrangeur
Jean-Claude Vannier avec lequel il signera deux ans plus tard,
l'immense chef-d’œuvre Histoire
de Melody Nelson.
Quant au long-métrage de Robert Benayoun, il n'est pas loin de
mériter la même appellation tant le film et le thème qu'il aborde
se révèlent d'une maîtrise quasi irréprochable... A voir
absolument...
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