lundi 9 septembre 2024

Flight of the Navigator de Randal Kleiser (1986) - ★★★★★★☆☆☆☆

 


 

Réalisé par Randal Kleiser en 1986 et écrit par Michael Burton et Phil Joanou sur la base d'un récit dont est à l'origine le réalisateur, scénariste et producteur Mark H. Baker, Flight of the Navigator ou Le vol du navigateur est une œuvre de science-fiction familiale produite par Walt Disney Pictures comme pouvait le laisser l'envisager la célèbre société de production. Un long-métrage dont l'objectif principal est très clairement de divertir le public plutôt que de le faire réfléchir sur l'hypothèse d'une existence extraterrestre. Le scénario n'en demeure pas moins fort intéressant. Du moins lors des prémices du récit car comme nous allons rapidement le découvrir, le film de Randal Kleiser, cherchant sans doute à séduire tout d'abord le jeune public, l'histoire va très vite partir en vrille et perdre foncièrement de son intérêt. C'est d'autant plus dommage qu'au départ le sujet se montre fort passionnant. En effet, tout débute à Fort Lauderdale, en Floride. Nous sommes en 1978 et le jeune David Freeman (Joey Cramer) alors âgé de seulement douze ans part chercher son petit frère Jeff en compagnie de son chien en forêt lorsqu'il tombe dans un ravin après que le frère en question lui ait fait une blague en surgissant devant lui sans prévenir. Ayant perdu connaissance durant un très court laps de temps, David se retrouve seul. De retour chez lui, il a la très désagréable surprise de découvrir qu'un couple âgé est tranquillement installé dans la demeure familiale. L'homme appelle la police qui prend alors la direction des opérations et cherche à prendre contact avec les parents du jeune garçon. David les retrouve alors installés dans une toute nouvelle maison. Mais le pire reste à venir. En effet, son frère Jeff, son père Bill et sa mère Helen semblent avoir vieilli ! La raison en est simple tout en demeurant tout à fait inexplicable : Huit ans ont passé entre le moment où David a perdu connaissance et celui où il s'est réveillé ! Mieux : alors que nous sommes désormais en 1986, l'adolescent qui devrait logiquement avoir vingt ans n'a pas changé et est resté tel qu'il était huit ans en arrière. Parallèlement à ce curieux événement, la NASA prend possession d'un vaisseau spatial qui vient tout juste de s'écraser non loin.


Chef d'un projet d'études sur l'objet en question, le docteur Louis Faraday remarque lors de tests cérébraux effectués sur David que l'imagerie cérébrale reproduit le vaisseau. L'homme propose alors aux parents de David de retenir l'adolescent durant les quarante-huit prochaines heures afin de comprendre ce qui lui est arrivé... Avec un tel synopsis, il y avait matière à produire une œuvre riche, tant les possibilités semblaient illimités. À une période où la science-fiction fait florès, Flight of the Navigator ne rencontre malheureusement pas le succès escompté malgré le prestige qui entoure la société Walt Disney Pictures. Et pour être tout à fait honnête, l'engouement qui naît d'emblée du concept a tendance à fondre comme neige au soleil tant le réalisateur, une fois le scénario entre les mains, gâche le concept en ne proposant finalement qu'un tout petit film, certes plutôt bien rythmé, mais dont le public visé paraît être les jeunes spectateurs. Flight of the Navigator, c'est tout d'abord quarante ou quarante-cinq premières minutes relativement passionnantes, lors desquelles le récit fait participer la science et un imaginaire plus ou moins réaliste autour du phénomène d'ovnis. Là où le récit se gâte se situe dès lors que David monte à bord du vaisseau afin de retourner chez lui (et par là même, aider l'ordinateur de bord, Max (doublé chez nous par Marc de Georgi). Des dizaines de minutes lors desquelles Randal Kleiser se focalise essentiellement sur les rapports entre David et l'ordinateur central, proposant en outre une scène toute mimi mettant en scène des créatures venues d'autres planètes (les gamins vont se régaler) mais aussi et surtout, des séquences de vol longues, sans intérêt et donc à force, relativement pénibles. On pourra arguer que le film est une œuvre de science-fiction familiale et que par conséquent on ne pouvait s'attendre qu'à ce genre de produit. Mais l'on peut également arguer de ce qu'aurait pu être le Flight of the Navigator si son auteur avait eu dans le viseur un tout autre type de public. Reste que le long-métrage est plutôt divertissant bien qu'un peu bébête durant la seconde moitié du récit. Notons la présence de Cliff De Young dans le rôle du père de David, de Veronica Cartwright, grande habituée de la science-fiction après L'invasion des profanateurs en 1978, Alien, le huitième passager en 1979 et L'étoffe des héros en 1983, qui quant à elle interprète celui de la mère. Notons enfin la présence de l'actrice Sarah Jessica Parker, future vedette de la série Sex and the City qui interprète ici le rôle de l'assistance du docteur Faraday, Carolyn McAdams...

 

dimanche 25 août 2024

Aporia de Jared Moshé (2023) - ★★★★★★★☆☆☆

 


 

On a droit de s'y être ennuyé. De n'y avoir pas saisi certaines subtilités. D'y avoir été totalement réfractaire. Ou de ne ne pas aimer tout simplement la science-fiction dramatico-intimiste... Mais de là à dire que Aporia est mauvais, mince... Quel manque d'appréciation. Alors, bien sûr, le long-métrage de Jared Moshé ne fait pas partie de cette catégorie de longs-métrages grandiloquents, gavés d'effets-spéciaux numériques qui en mettent plein la vue mais apportent si peu en terme de réflexion. En la matière, il est vrai, le simple fait que le réalisateur et scénariste se soit contenté du minimum pour décrire le concept de cette machine conçue par deux amis risque d'en faire tiquer certains. Dont je fis partie au préalable avant de rapidement réajuster mon opinion. À vrai dire, mieux vaut comme ici n'en point trop dire sur le fonctionnement de la dite machine que de perdre le spectateur lors de théories dont la complexité est telle qu'il est pratiquement impossible de tenir au-delà des dix premières minutes. Je pense notamment au Primer de Shane Carruth, si hermétique dans ses explications techniques que le néophyte n'a aucune chance de deviner le sens réel des propos qui y sont tenus ! Aporia aurait pu causer des dommages collatéraux aussi importants que lors de la projection de Primer s'il n'avait pas eu la clairvoyance de n'entamer qu'une toute petite partie du récit pour nous expliquer les intentions de Jabir Karim (l'acteur Pauman Maadi). Sophie Rice (Judy Greer) est veuve depuis huit mois. Vivant désormais seule avec sa fille Riley (Faithe Herman), la jeune femme surmonte difficilement la mort de Malcolm (Edi Gathegi) et doit également surmonter certaines difficultés. Comme celles qui concernent Riley, laquelle est à l'école, beaucoup moins assidue qu'à l'époque où son père était encore en vie. Devant la détresse de Sophie, Jabir révèle un secret que seul Malcolm est lui partageaient jusqu'à maintenant. Les deux hommes travaillèrent ensemble durant trois ans sur une machine qui pour faire court devait être capable de modifier le cours du temps en changeant le passé. Une drôle de machine, d'ailleurs, visuellement plus proche de ces étranges sculptures que l'on découvre parfois dans des jardins et créées par des artistes à partir d'objets de récupération.


Du métal, des câbles à foison, un très vieil écran d'ordinateur relié à un portable et un réseau électrique très peu fiable. Voilà sur quoi compte Jabir pour rendre à Sophie ce qu'elle a perdu de plus cher : Malcolm ! Très technique dans sa description du fonctionnement de la machine, le réalisateur à en revanche l'excellente idée de ne pas trop s’appesantir sur le sujet. Évidemment, la machine fonctionne et quelques instants plus tard, Sophie reçoit un appel de Malcolm qui l'attend avec leur fille dans un parc pas très loin de là. Une fois son époux ''revenu à la vie'', c'est là que les choses se compliquent. D'une part, pour les personnages. Et d'autre part, pour le spectateur qui aura, même sans rien y connaître au sujet de la mécanique quantique, quelques réserves à faire concernant certains aspect de ce que l'on nomme les paradoxes temporels... Pour Sophie et Jabir, rien de plus évident que de sacrifier dans le passé la vie du chauffard qui coûta celle de Malcolm. La mort du premier signera le retour du second. Mais alors, que fait-on de ce concept qui veut que toute modification du passé en engendre davantage dans le présent ? C'est d'abord là que se joue toute la subtilité de Aporia qui contrairement à la concurrence fait dans la sobriété. De petits détails qui laissent transparaître de réelles modifications au cours des huit derniers mois dans l'existence des Rice. Mieux, Jared Moshé imagine produire des conséquences bien plus larges se répercutant sur l'ex-épouse du chauffard qui renversa Malcolm et causa son décès. Pour le spectateur se pose maintenant la question : si l'expérience menée par Jabir et Sophie a eu des conséquences pour l'instant relativement minimes sur la vie de la jeune femme, certains éléments du récit nous font tiquer. Pourquoi les deux amis sont-ils les seuls à garder le souvenir des huit derniers mois tandis que la mémoire de leur entourage semble avoir été modifiée depuis le retour de Malcolm ? En toute logique, c'est tout ou rien. De ce fait, pourquoi la mère a gardé en mémoire la mort de son époux tandis que leur fille, elle, n'en a plus le moindre souvenir ? Des questions comme celle-ci, le spectateur aura l'occasion de s'en poser régulièrement. Mais au-delà de cette interrogation (et d'une énorme invraisemblance lors du dernier quart qui aurait pu faire tout s'effondrer et que le réalisateur ne se donne même pas la peine de justifier), le film est bourré de bonnes idées où la morale tient une place importante. Sans effets superflus, sobre et concis, Aporia mérite donc mieux que l'accueil glacial que certains lui ont réservé...

 

jeudi 15 août 2024

Storage 24 de Johannes Roberts (2011) - ★★★★☆☆☆☆☆☆

 


 

Pour ce nouvel article, nous allons évoquer un petit film de science-fiction datant de l'année 2011. Que pourrons-nous retenir de véritablement vertueux dans cette petite production anglaise intitulée Storage 24 ? Que les interprètes semblent faire tout ce qu'ils peuvent pour garder leur sang-froid devant ce script indigent qui leur fut mis entre les mains ? Sans doute... Car à part leur implication, si petite soit leur contribution à rendre passionnant le récit, le long-métrage doit tout d'abord s'observer comme un petit film de science-fiction condamné aux services en ligne de VOD... Le genre de production britannique dotée d'un budget inférieur à deux millions de sterling qui situe son action dans un décor unique qui aura au moins l'avantage d'être original. Celui d'un entrepôt de stockage réservé aux particuliers et où vont notamment se retrouver cinq amis prénommés Nikki, Shelley, Mark, Charlie et Chris. Lesquels sont respectivement incarnés par Laura Haddock, Antonia Campbell-Hugues, Colin O'Donoghue, Noël Clarke et Jamie Thomas King... Sous ses airs de film d'horreur et de science-fiction dans lequel nos quatre protagonistes vont se retrouver enfermés dans l'entrepôt en question ainsi qu'aux prises avec un alien qui semble s'être échappé d'un avion qui s'est écrasé en plein cœur de Londres, Storage 24 va surtout nous bassiner durant des dizaines de minutes à travers la délicate relation entre les uns et les autres. Nikki a quitté Charlie. Une situation que celui-ci semble accepter avec la plus grande difficulté. S'ils sont de nouveau réunis dans cet entrepôt, c'est justement parce que la jeune femme a proposé que son ex petit ami vienne récupérer les affaires qu'elle y avait entreposé.


Là où tout se complique, c'est lorsque Charlie découvre que son ami Mark entretient désormais une relation avec Nikki ! Dans des décors grisâtres semblant parfois avoir été empruntés au jeu vidéo conceptuel Mirror's Edge en mode souterrain, les environnements sont fades et répétitifs. Comme un jeu vidéo dont les concepteurs n'auraient fait que reproduire invariablement au fil des niveaux, les mêmes et uniques décors ! Bref, Storage 24 est visuellement triste. L'on s'accordera par contre sur le fait que ces dits environnements peuvent être le terrain de jeu parfait pour une créature cherchant à ôter la vie de celles et ceux de nos semblables qui croiseront son chemin. Le long-métrage de Johannes Roberts, c'est un peu comme l'accouplement bâtard entre le Soap Opera Les feux de l'amour et le Alien de Ridley Scott. Les dialogues n'ont évidemment pas le moindre intérêt même si, pour une fois, le scénario nous épargne les habituels protagonistes bas du front. Confrontés à une créature prosthétiquement digne des grandes heures du cinéma transalpin des années quatre-vingt lorsque celui-ci offrait à la pelle des Mockbusters de science-fiction, Nos héros vont reproduire à l'envi toute une partie des séquences emblématiques du chef-d’œuvre de Ridley Scott qu'aura intégré Johannes Roberts dans son imaginaire... dDéplacements au sein de corridors labyrinthiques, dans des couloirs de ventilation très étroits, attaques subites de l'alien, le réalisateur pousse même le vice à reproduire la fameuse séquence de Alien 3 de David Fincher dans laquelle Ripley se retrouvait avec la gueule du xénomorphe à seulement quelques centimètre de son visage ! En dehors de quelques séquences d'action relativement rares, reconnaissons que Storage 24 est vraiment chiant ! Des CGI d'une autre époque, un scénario et une mise en scène flemmards et des lignes de dialogues insipides....

 

dimanche 14 juillet 2024

L'empire de Bruno Dumont (2023) - ★★★★★☆☆☆☆☆

 


 

Le dernier long-métrage de Bruno Dumont est une expérience digne d'une métaphore évoquant les plaisirs relativement douloureux du masochiste qui dans la souffrance ressent un plaisir sans commune mesure avec ce qu'éprouvent la plupart de nos semblables. On a voulu me prévenir que l'expérience était d'un insondable ennui. Qu'il fallait ne surtout pas espérer éprouver le même plaisir de cinéma que devant les séries Ptit Quinquin et Coincoin et les Z'inhumains. Après ces deux O.F.N.I.s télévisuels et Ma Loute dans lequel le cinéaste se jouait des talents d'orateur de Fabrice Luchini pour mieux les déstructurer, le Bailleulois s'ouvre à des champs d'expérimentation qui feraient passer ses précédents travaux pour des œuvres abordables par n'importe quel mortel ! L'empire dure... deux heures ! Pour une œuvre de science-fiction, rien de plus conventionnel mais lorsque la chose est signée par Bruno Dumont, l'on se prête à rêver qu'elle fut conçue elle aussi sous forme de mini-série. Ne serait-ce que pour permettre aux fidèles spectateurs du cinéaste et sans doute davantage aux autres de pouvoir souffler entre chaque épisode. Car d'une manière générale, le dernier long-métrage de cet auteur très attaché à sa région des Hauts de France est une épreuve parfois et même, très souvent, difficile à digérer dans son ensemble. Une œuvre contradictoire et qui par conséquent, chicane en permanence avec la plupart des tentatives qu'entreprend le réalisateur et scénariste. Parodie ou non de Star Wars à la sauce française, pour celles et ceux qui vivent sous la frontière de l'ancien Nord-Pas-de-Calais, la plupart des héros de ce récit dont on continuera longtemps de se demander qui sont les gentils et qui sont les méchants demeureront des freaks dont les différences d'ordre comportemental ou physique auront bien du mal à se faire justice. Science-fiction, histoire d'amour improbable entre membres de clans adverses, la proposition est aussi innovante qu'anarchique. Le problème survenant évidemment au niveau de l'écriture, aussi fine que le tranchant d'une lame de rasoir sur laquelle se risquent Fabrice Luchini, donc, mais également Camille Cottin, laquelle semble ici avoir étrangement régressé dans ses talents d'interprète. Un Dark Vador accoutré comme le bouffon d'un roi venu d'une lointaine planète, Fabrice Luchini ne fait plus rire.


En tout cas, bien moins que dans Ma Loute dans lequel son contre-emploi avait tendance à créer un certain nombre de situations comiques franchement réussies. Dans le cas de L'empire, l'acteur semble se singer comme lors de ses pires exhibitions télévisuelles. Quant à elle, Camille Cottin est si transparente que sa présence à l'image a autant d'intérêt que ces figurants pourtant montés sur de majestueux chevaux. Anamaria Vartolomei apparaît comme la seule interprète a vouloir offrir au cinéaste la petite étendue de ses talents. Et l'on ne parle pas là exclusivement de sa plastique qu'elle dévoile à une ou deux occasions mais son interprétation vaut largement celle des ''stars'' convoquées pour l'aventure, sans parler de ce florilèges d'acteurs amateurs qui trônent pourtant presque au sommet du casting. Débutant au cinéma, ce sera peut-être là la seule occasion pour Brandon Vlieghe de ''briller'' devant la caméra. Dans le rôle de Jony, il incarne le père d'un bébé convoité par des extraterrestres et considéré comme le Mal incarné. S'engage alors une drôle de bataille entre diverses races dont, la faute au scénario, on ne sait jamais vraiment de quelle espèce ils font partie. Bruno Dumont divise la France en deux comme le football sépare Marseille du reste de l'hexagone ! En dehors des Hauts-de
-France l'on entend déjà les rires gras de ceux qui considéreront les habitants du cru comme des bêtas, des incultes à l'accent à couper au couteau. Mais dont la sincérité est pourtant très touchante. Tout ce petit monde que l'on découvre pour la première fois ou non (Bernard Pruvost reprend de manière très symbolique et donc particulièrement anecdotique le personnage du Commandant Van der Weyden qu'il incarnait dans les deux précédentes séries de Bruno Dumont) a beau parfois engendrer rires et remarques narquoises, leur présence est justement ce qui fait le sel et la particularité de l’œuvre du cinéaste. Ensuite, n'ayons pas peur des mots : le long-métrage de Bruno Dumont connaîtra malgré tout un authentique état de grâce qui s'étirera sur plus de cinq longues minutes lors de la dernière partie. Prouvant qu'avec un scénario solide, le réalisateur français aurait pu signer rien moins que l'une des œuvres de science-fiction françaises parmi les plus importantes de ces trente ou quarante dernières années. Malheureusement, le film retombe ensuite dans ses travers. Ne demeure au final qu'une expérience aussi déstabilisante que, disons-le, chiante à mourir. Dommage...

 

Dorosute no Hate de Bokura de Junta Yamaguchi (2022) - ★★★★★★★★☆☆

 


 

Sujet Ô combien fascinant que le voyage dans le temps ainsi que tout ce qui y est rattaché, comme les paradoxes et les boucles temporelles, le réalisateur japonais Junta Yamaguchi a signé pour son premier long-métrage en 2020 l'une des œuvres de science-fiction parmi les plus incroyables, improbables mais surtout techniquement et scénaristiquement les plus abouties. Imaginez que vous travailliez dans un restaurant rattaché à un immeuble de plusieurs étages et qu'un téléviseur installé au cinquième étage diffuse des images vieilles de deux minutes seulement. Jusqu'ici, rien de forcément stupéfiant. Du moins jusqu'à ce que le locataire de l'appartement se rende compte qu'il peut communiquer en direct avec l'image de son double projetée à l'écran. On devine alors très rapidement la suite des événements. Du moins ceux qui se produiront lors des deux minutes à venir. Sachant que le jeune homme témoin de cet événement extraordinaire vient de se voir agir deux minutes dans le futur, celui-ci quitte son appartement afin de se rendre au restaurant pour se placer ''à son tour'' devant l'écran posté dans la salle de restauration et d'y tenir les mêmes propos que son double deux minutes plus tôt. Face à ce même écran, le voici désormais confronté à un autre double dont l'image le projette deux minutes dans le passé. Lors de cette séquence, le jeune homme tient les propos de son premier double tandis que le second tient ceux que lui-même tenait il y a deux minutes. Si rien ne paraît vraiment très clair, que l'on se rassure, le concept est en réalité plus simple qu'il n'en a l'air. D'autant plus que jusqu'à ce moment très précis, un seul personnage interagit avec ce phénomène de boucle temporelle jusqu'à ce qu'intervienne une employée du restaurant. On sent que là, les choses vont se corser. Car stupéfait par ce qu'il vient de vivre, le jeune homme va partager son expérience non seulement avec la jeune femme mais également avec plusieurs autres personnages qui petit à petit vont venir se greffer au récit.


Autant dire que Dorosute no Hate de Bokura plus connu en Occident sous le titre Beyond the Infinite two Minutes va très rapidement donner le vertige au spectateur. Quitter la pièce ne serait-ce qu'une ou deux minutes n'engendrera pourtant pas forcément une quelconque gène puisque malgré sa courte durée de soixante-dix minutes, l'un des seuls défauts du long-métrage est sa redondance. On pourra donc rattraper l'une d'entre elles avec la suivante. L'un des aspects les plus remarquables de Dorosute no Hate de Bokura est par contre le fait que Junta Yamaguchi ait tourné son film en un seul plan-séquence. Un procédé qui devient de plus en plus courant mais qui au sujet de cette comédie de science-fiction pourrait paraître totalement irréalisable. Vue la complexité du scénario qui sur papier semble relativement simple mais qui une fois la caméra en main (en fait, un smartphone) va demander au réalisateur et à ses interprètes une très grande minutie, il faudra à toute l'équipe, au delà du simple concept de plan-séquence, penser à tout ce supplément de scènes à filmer afin de projeter au cœur du récit ces images de personnages doubles, triples, quadruplés, etc... qui interviendront à travers l'écran de téléviseurs projetant des images du futur et du passé. Si l'on sent bien que d'un point de vue scénaristique le film faiblit quelque peu lors du dernier quart-d'heure, Dorosute no Hate de Bokura demeure une véritable prouesse technique. À moins d'être physicien, il est quasiment impossible d'analyser la construction du récit dans son intégralité dans l'espoir d'y dénicher une quelconque incohérence. Même si parfois l'on se demande pourquoi tel ou tel personnage ne contrarie pas le futur auquel il vient d'assister en choisissant de donner une tournure différente aux événements qui se produiront lors des deux prochaines minutes à venir, certains d'entre eux privilégieront de s'en tenir aux images qu'ils viennent de voir afin de les reproduire et ainsi éviter tout paradoxe temporel. Bref, que l'on croit à la possibilité d'un tel phénomène, Dorosute no Hate de Bokura n'en demeure pas moins une œuvre cohérente et vertigineuse...

 

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