dimanche 20 août 2023

La gravité de Cédric Ido (2023) - ★★★★★★★☆☆☆

 



La frontière qui sépare film catastrophe et film catastrophique est parfois bien mince. Alors, lorsqu'un réalisateur, de surcroît d'origine française, ose un tel brassage des genres, la méfiance est généralement prescrite. Concernant La gravité de Cédric Ido, l’œuvre penche plutôt du bon côté et surpasse même les espérances en traitant des trafiquants d'une cité de la banlieue parisienne et d'un alignement des planètes qui risque d'avoir de fortes répercussions climatiques sur notre planète. Le réalisateur parisien s'attaque à un sujet sinon délicat, du moins complexe à mettre en scène s'il ne veut pas tomber dans le ridicule. Imaginez donc : une œuvre de science-fiction matinée de drame social et d'action. Treize ans plus tôt, Yannick Dahan et Benjamin Rocher avaient quant à eux mis en scène des flics et des malfrats confrontés à des zombies dans La horde ! Preuve que le terrain de chasse des dealers peut-être également celui d'événements très particuliers comme celui qui semble hanter un groupe d'adolescents autoproclamés ''Ronins'' (ou samouraïs sans maître) depuis des années. C'est donc dans une cité que va se dérouler l'intrigue reposant sur un script écrit par Cédric Ido lui-même et en collaboration avec Jeanne Aptekman et Melisa Godet. La gravité figure une forme de ''Blaxploitation'' des temps modernes ET... à la française. Non pas que l'homme blanc y soit bannit puisque parmi les interprètes, le public reconnaîtra les acteurs Olivier Rosemberg et Thierry Godard, mais une grande majorité des participants au long-métrage ont la peau d'ébène. Quant aux deux seuls ''visages pâles'' du film, ils s'agit de chair plus ou moins fraîche (le premier incarne Jovic, un clochard qui survit uniquement grâce à sa mère tandis que le second est le coach de l'un des héros du récit). Ceux qui recherchent en priorité l'action devront patienter jusqu'au dernier quart du film car d'ici là, Cédric Ido se concentrera sur l'exploration d'une cité tandis que le public pourra admirer la superbe photographie de David Ungaro et l'architecture anxiogène des lieux.


Du béton, des immeubles, pas un brin d'herbe mais des jeunes, que des jeunes, pas un adulte ou presque pour veiller sur eux ou leur ordonner de rentrer lorsque la nuit est tombée. Une tour, ses caves, ses appartements et sa bande de jeunes aux cheveux teints en rouge, signe de ralliement d'un groupe de dealers pas tout à fait comme ceux qu'ont l'habitude de reléguer les médias. Les (anti-)héros du récit se prénomment Daniel, Joshua et Christophe. Les deux premiers sont frères et ont choisi de s'en sortir chacun à leur manière. Le troisième, lui, vient de sortir de prison et est bien décidé à reprendre le contrôle du marché de la drogue du quartier. Malheureusement pour lui, les choses ont depuis bien changées. Un synopsis somme toute relativement banal dont l'intérêt serait moindre si le réalisateur s'était désintéressé de tout ou partie des aspects techniques qui accompagnent son œuvre. Nous évoquions plus haut la photographie de David Ungaro, à laquelle nous pourrions également ajouter la bande originale des frères Evgueni et Sacha Galperine qui composent à cette occasion une partition sous tension. Une tension qui d'ailleurs ne cessera de grandir à mesure que le ciel s'assombrit et devient rouge, révélant ainsi les réelles intentions des ''Ronins''. Comparés à ce que produit le cinéma asiatique et notamment la Corée du Sud, les quelques combats qui interviennent vers la fin du long-métrage n'étonneront ni ne séduiront les fans d'action. Chorégraphie de moyenne facture, on pense parfois de très, très, très loin à Old Boy de Park Chan-Wook ou à The Raid de Gareth Evans mais sans le génie de l'un (le plan-séquence du tunnel) et la maîtrise des ''ballets au corps à corps'' du second. Si sur le papier le projet semble improbable, voire casse-gueule, le résultat à l'écran fait son petit effet. L'ambiance de fin du monde, les différentes confrontations, l'univers et ce final apocalyptique (démontrant malheureusement que les CGI ne sont pas le fort des techniciens en matière d'effets-spéciaux numériques) finissent de confirmer que l'on tient là une vraie bonne alternative au cinéma américain. Une œuvre très encourageante pour la suite...

 

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