La frontière qui sépare
film catastrophe et film catastrophique est parfois bien mince.
Alors, lorsqu'un réalisateur, de surcroît d'origine française, ose
un tel brassage des genres, la méfiance est généralement
prescrite. Concernant La gravité
de Cédric Ido, l’œuvre penche plutôt du bon côté et surpasse
même les espérances en traitant des trafiquants d'une cité de la
banlieue parisienne et d'un alignement des planètes qui risque
d'avoir de fortes répercussions climatiques sur notre planète. Le
réalisateur parisien s'attaque à un sujet sinon délicat, du moins
complexe à mettre en scène s'il ne veut pas tomber dans le
ridicule. Imaginez donc : une œuvre de science-fiction matinée
de drame social et d'action. Treize ans plus tôt, Yannick Dahan et
Benjamin Rocher avaient quant à eux mis en scène des flics et des
malfrats confrontés à des zombies dans La
horde !
Preuve que le terrain de chasse des dealers peut-être également
celui d'événements très particuliers comme celui qui semble hanter
un groupe d'adolescents autoproclamés ''Ronins''
(ou samouraïs sans maître) depuis des années. C'est donc dans une
cité que va se dérouler l'intrigue reposant sur un script écrit
par Cédric Ido lui-même et en collaboration avec Jeanne Aptekman et
Melisa Godet. La gravité
figure une forme de ''Blaxploitation''
des temps modernes ET... à la française. Non pas que l'homme blanc
y soit bannit puisque parmi les interprètes, le public reconnaîtra
les acteurs Olivier Rosemberg et Thierry Godard, mais une grande
majorité des participants au long-métrage ont la peau d'ébène.
Quant aux deux seuls ''visages
pâles''
du film, ils s'agit de chair plus ou moins fraîche (le premier
incarne Jovic, un clochard qui survit uniquement grâce à sa mère
tandis que le second est le coach de l'un des héros du récit). Ceux
qui recherchent en priorité l'action devront patienter jusqu'au
dernier quart du film car d'ici là, Cédric Ido se concentrera sur
l'exploration d'une cité tandis que le public pourra admirer la
superbe photographie de David Ungaro et l'architecture anxiogène des
lieux.
Du
béton, des immeubles, pas un brin d'herbe mais des jeunes, que des
jeunes, pas un adulte ou presque pour veiller sur eux ou leur
ordonner de rentrer lorsque la nuit est tombée. Une tour, ses caves,
ses appartements et sa bande de jeunes aux cheveux teints en rouge,
signe de ralliement d'un groupe de dealers pas tout à fait comme
ceux qu'ont l'habitude de reléguer les médias. Les (anti-)héros du
récit se prénomment Daniel, Joshua et Christophe. Les deux premiers
sont frères et ont choisi de s'en sortir chacun à leur manière. Le
troisième, lui, vient de sortir de prison et est bien décidé à
reprendre le contrôle du marché de la drogue du quartier.
Malheureusement pour lui, les choses ont depuis bien changées. Un
synopsis somme toute relativement banal dont l'intérêt serait
moindre si le réalisateur s'était désintéressé de tout ou partie
des aspects techniques qui accompagnent son œuvre. Nous évoquions
plus haut la photographie de David Ungaro, à laquelle nous pourrions
également ajouter la bande originale des frères Evgueni et Sacha
Galperine qui composent à cette occasion une partition sous tension.
Une tension qui d'ailleurs ne cessera de grandir à mesure que le
ciel s'assombrit et devient rouge, révélant ainsi les réelles
intentions des ''Ronins''.
Comparés à ce que produit le cinéma asiatique et notamment la
Corée du Sud, les quelques combats qui interviennent vers la fin du
long-métrage n'étonneront ni ne séduiront les fans d'action.
Chorégraphie de moyenne facture, on pense parfois de très, très,
très loin à Old Boy
de Park Chan-Wook ou à The Raid
de Gareth Evans mais sans le génie de l'un (le plan-séquence du
tunnel) et la maîtrise des ''ballets au corps à corps'' du second.
Si sur le papier le projet semble improbable, voire casse-gueule, le
résultat à l'écran fait son petit effet. L'ambiance de fin du
monde, les différentes confrontations, l'univers et ce final
apocalyptique (démontrant malheureusement que les CGI
ne sont pas le fort des techniciens en matière d'effets-spéciaux
numériques) finissent de confirmer que l'on tient là une vraie
bonne alternative au cinéma américain. Une œuvre très
encourageante pour la suite...
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