Alors qu'en 1983 le
cinéaste américain Philip Kaufman (L'Invasion des
Profanateurs) réalisait une œuvre toute à la gloire des
aventuriers de la conquête spatiale avec L’Étoffe des
Héros,
loin de là, en Pologne, le cinéaste Piotr Szulkin allait offrir une
vision bien différente de l'exploration de l'espace et de ses héros
à travers l'ultime chapitre de son extraordinaire tétralogie
entamée en 1980 avec Golem,
puis poursuivie en 1981 avec Wojna swiatów -nastepne stulecie
et en 1985 avec O-bi, O-ba - Koniec cywilizacji.
Ga, Ga - Chwala bohaterom,
le dernier d'entre eux, continue de s'inscrire dans une vision
post-apocalyptique du futur. Pourtant, le cinéaste polonais envisage
désormais son récit sous la forme d'une comédie absurde que
n'auraient sans doute pas renié les célèbres Monty Python en
général, et Terry Gilliam en particulier.
L'intrigue
se situe à l'aube du vingt et unième siècle, et alors que l'homme
s'intéresse de moins en moins à la conquête de l'espace et que la
vie sur Terre y est beaucoup plus idyllique qu'elle ne l'est dans
notre réalité, l'état a mis au point un système afin d'utiliser
ses prisonniers en les envoyant conquérir d'autres planètes. C'est
ainsi que l'un d'eux, Scope (incarné par l'acteur polonais Daniel
Olbrychski), dont le matricule est 287138, est envoyé dans l'espace,
à bord d'une navette, direction Australia 458. Dès son arrivée, il
constate que la planète est habitée. Il est accueilli par un
individu chargé de prendre soin de lui. Ce dernier lui donne de
l'argent, lui offre un toit, et le jette dans les bras de la toute
jeune prostituée Once. Après un passage dans un bar, l'adolescente
disparaît et Scope est alors accusé de viol sur mineure. La police
lui propose alors un étrange marché : contre sa liberté, le
« héros »
doit accepter de commettre un meurtre au risque d'être condamné et
exécuté devant les caméras...
C'est
autour de ce sujet ô combien original que tourne Ga,
Ga - Chwala bohaterom,
sorte de bouffonnerie de science-fiction dans laquelle l'humour
l'emporte haut la main tout en conservant une certaine part
d'amertume envers un état répressif. Car il s'agit là avant tout
d'une critique acerbe. Et même si le sujet transporte ses
personnages hors des frontières de la Pologne, on y sent poindre un
réquisitoire contre l'URSS et certains de ses aspects les plus
sombres tels que le Goulag, véritable instrument de terreur
enfermant des individus à l'image du subversif Scope. A moins qu'il
ne s'agisse plutôt d'une critique féroce contre l'ennemi de
toujours, lequel est représenté à travers les néons de devantures
derrière les vitrines desquelles sont donnés à manger en pâtures,
les propres enfants du système.
Ga, Ga - Chwala
bohaterom accumule
les propos improbables. Les situations les plus rocambolesques. Sur
fond de grande musique, le spectacle de la mort se prépare avec une
vigueur égale à celle rencontrée quatre ans auparavant dans Le
Prix du Danger
d'Yves Boisset ou en 1987 dans Running Man de
Paul Michael Glaser. Piotr Szulkin apporte sa pierre à l'édifice
de la télé-réalité bien avant qu'elle ne devienne à la mode dans
les années 2000. Son personnage se dilue dans une faune bigarrée et
amorale, avec comme seul espoir, celui d'enlever celle qui a conquis
son cœur et de l'emmener loin de la débauche. En comparaison des
trois premiers longs-métrages de la tétralogie livrés par le
polonais Piot Szulkin, ce quatrième se révèle fort décevant. Le
récit est d'un minimalisme confondant (l'histoire ne tourne
finalement presque qu'autour de Scope cherchant la belle Once), et le
spectateur se sentira certainement gêné devant une telle régression
en matière d'écriture par rapport aux trois précédents volets. De
plus, et ce, même si l'univers y est proche des précédents, il est
rare que les tableaux y soient aussi éblouissants de beauté
décrépite. Au final, Ga, Ga - Chwala bohaterom
met
un terme à la tétralogie de Piotr Szulkin, mais pas de la plus
belle des manières. Tout juste évoquerons-nous le film comme une
curiosité, mais pas comme le chef-d’œuvre qui devait clore une
série de longs-métrages à la mise en scène, à l'interprétation
et à l’esthétisme quasi-irréprochables...