samedi 4 mai 2024

2029 de Jérôme Jacob (2024) - ★★★★★★★☆☆☆

 


 

Le dernier long-métrage du réalisateur français Jérôme Jacob est-il visionnaire ? En un sens, oui puisque son auteur en conçu le projet avant même l'apparition du corona-virus en 2019. Sauf qu'ici, le pangolin n'en est pas à l'origine. Dans le cas de son très post-apocalyptique 2029, le réalisateur et scénariste envisage la disparition de quatre-vingt dix pourcent de la population mondiale à travers un virus qui aurait été directement inoculé par une civilisation extraterrestre... Ensuite, reste à celles et ceux qui n'en furent pas atteints la survie en terre hostile. Le dernier film de Jérôme Jacob doit moins s'envisager comme un blockbuster financé à coups de dizaines ou de centaines de millions d'euros qu'une œuvre appliquant quarante ans plus tard, les méthodes du cinéma transalpin qui à l'époque des Rats de Manhattan de Bruno Mattei ou de 2019, après la chute de New York de Sergio Martino exploitait le cinéma de science-fiction, d'anticipation et post-apocalyptique de manière très artisanale. En ce sens, 2029 remplit parfaitement son contrat. De l'écriture, en passant par la réalisation et jusqu'à l'interprétation, Jérôme Jacob est un passionné de cinéma qui s'implique donc totalement dans son projet. La plupart des interprètes n'en sont pas à leurs débuts même si leur filmographie reste encore très succincte. Beaucoup de cinéastes dits ''amateurs'' tentent de percer dans la profession mais se cassent très souvent les dents. Mise en scène et interprétation demeurant ainsi les premiers éléments de jugement qui les condamnent malheureusement à l'oubli. Avec 2029, c'est tout le contraire. On croit pouvoir distinguer l'ordre dans lequel les différentes séquences furent tournées car après une ouverture que d'aucun pourrait juger d'amateur, le film, pour le confort visuel du spectateur ne fera que gagner en qualité. Filmé caméra à l'épaule, le long-métrage de Jérôme Jacob tremble parfois beaucoup. Surtout dans sa première partie.


Mais comme le vaccin tant recherché par les différents protagonistes du récit, l'outil du réalisateur semble peu à peu avoir été guéri de sa tendance ''Parkinsonnienne'', se stabiliser et réduire davantage la distance qui sépare l'amateurisme du professionnalisme. Le spectateur pourra vérifier ce qui justement caractérise cette œuvre qui ne cesse de gagner en intérêt, en intensité mais aussi et surtout, en qualités techniques. Passant même de la caméra portée à l'épaule à quelques très jolis plans de drones. Une vingtaine d'interprètes et plus encore de figurants et de silhouettes constituent le casting de ce film dont le scénario fait dans la ''démesure'' puisqu'il ne s'attache pas uniquement à suivre les traces d'un duo fuyant des mercenaires à la solde d'un certain Tex (l'acteur Steve Hevessy) mais suit également celles d'un second ''couple'' formé autour de Jeff (Jonathan Riggio) et Angie (superbe Aria Nurdin) que Tex contraint à mettre la main sur un antidote ! Ils ont ensemble cinq jours devant eux pour le retrouver. Afin de leur interdire toute idée de prendre la poudre d'escampette, le chef des mercenaires injectera notamment dans l'organisme d'Angie un venin dont le contrepoison devra lui être injecté au plus tard dans les cinq jours à venir... Le tournage de 2029 s'est étalé sur un peu plus d'une année dans la région de Bouzonville située dans le département de la Moselle. Si une grande partie des séquences furent tournée dans le bois d’Ébersviller de la ville portant le même nom à une quinzaine de kilomètres de Bouzonville, les spectateurs qui ne connaissent pas la région découvriront en outre le stupéfiant Fort aux fresques d'Hestroff, petite ville de quatre-cent cinquante habitants où est actuellement domicilié Jérôme Jacob, ou encore les tout aussi spectaculaires casernes de Bockange depuis désaffectées et situées quant à elle à Piblange. Désormais disponible sur Amazon Prime, les amateur de science-fiction post-apocalyptique peuvent donc se ruer sur 2029 les yeux fermés.

 

jeudi 2 mai 2024

Dead End Drive-In (Le drive-in de l'enfer) de Brian Trenchard-Smith (1986) - ★★★★★★☆☆☆☆

 


 

1979, une légende du cinéma de science-fiction post-apocalyptique voir le jour. Le policier Max Rockatansky interprété par l'acteur Mel Gibson. À l'issue d'un premier long-métrage particulièrement violent, le héros perdra femme et enfant. Deux ans plus tard, le réalisateur George Miller enfoncera le clou en mettant en scène Mad Max 2 : Le Défi. Une suite encore plus barbare où l'Homme avec un grand H sera définitivement rendu à l'état de sauvagerie. Film culte d'une violence inouïe, on n'a jamais réussi à faire mieux dans le genre malgré d'innombrables plagiats dont un certain nombre de mockbusters originaires d'Italie... Réalisé en 1986 par l'australo-américain Brian Trenchard-Smith, Dead End Drive-In ou Le drive-in de l'enfer partage avec la franchise de George Miller qui depuis son second volet s'est enrichi de deux autres longs-métrages, ses origines australiennes. Dans un cas comme dans l'autre, il s'agit de science-fiction dystopique et post-apocalyptique. La plupart des figurants du récit sont également dotés d'attributs qui leur offre l'apparence de punks dégénérés. Sorte de mix entre les antagonistes de Mad Max 2 et de ceux de Class of Nuke 'Em High de Richard W. Haynes, Lloyd Kaufman et Michael Herz qui sortira justement la même année mais cette fois-ci sur le territoire américain. Étrangement, Dead End Drive-In bénéficie d'une aura toute particulière qui s'explique au fond assez difficilement. Car comment considérer à un tel niveau d'éloges une œuvre dont le scénario se résume à très peu de choses, où la mise en scène laisse libre cours à une succession de séquences relativement mal branlées et où le héros ne possède pas le moindre charisme ? Car c'est bien là l'un des principaux défauts du long-métrage de Brian Trenchard-Smith. Bien que Jimmy 'Crabs' Rossini parvienne à se défendre devant l'adversité, l'acteur Ned Manning qui l'interprète s'avère assez peu convainquant dans le rôle de cet homme coincé dans un ancien Drive-in transformé en une sorte de camp de redressement d'où s'échapper semble impossible. Le site est en effet entouré d'un mur de béton apparemment infranchissable qui fait pourtant peine à voir si on le compare à l'enceinte du New York 1997 que réalisa John Carpenter cinq ans auparavant.


Dead End Drive-In passe de l'univers nocturne du classique de l'auteur de Halloween à un monde visuellement plus ouvert et lumineux bien que concentré en une surface plutôt réduite. L'on aurait aimé que Dead End Drive-In soit dominé par la beauté de l'actrice Natalie McCurry qui interprète le rôle de Carmen, fiancée du héros mais à laquelle le réalisateur et son scénariste Peter Smalley attachent finalement peu d'importance. Dans un monde assez plat, sans reliefs visuels ou d'un ordre strictement lié à la caractérisation des différents personnages, Crabs tente par tous les moyens de sortir de ce camp de concentration pour jeunes délinquants dirigé par un certain Thompson (Peter Whitford). Après une première partie scénaristiquement bordélique, le récit s'installe au sein de ce ''cirque'' dans lequel le spectateur était en droit de s'attendre à des dangers d'une plus grande ampleur. Car en dehors de l'affrontement entre Crabs et l'un des membres d'un groupe de jeunes, la seule conséquences de ses actes mettant en jeu sa propre existence se situera lors de l'acte final. La faiblesse du concept crève l'écran. Ici, le héros ne rallie pas ses compagnons d'infortune à sa cause. Ceux-ci auraient même tendance à vouloir rester vivre dans cet ancien drive-in. L'on notera en outre l'étonnante attitude de sa fiancée Carmen qui après avoir succinctement côtoyé quelques représentantes féminines du camp semble déjà avoir envie elle-même d'y rester ! Après, Dead End Drive-In demeure tout de même très représentatif d'une époque, celle des années quatre-vingt, avec sa bande musicale tonitruante ou ses voyous aux atours et aux maquillages bariolés. Sur un fond ouvertement politisé, le film de Brian Trenchard-Smith souffre malheureusement de trop grandes lacunes. Le personnage principal est inintéressant au possible. Tout comme l'intégralité des prota-antagonistes qui végètent littéralement autour de lui. À titre de comparaison, justement, on préférera redécouvrir les étudiants décérébrés de l'un des classiques de la Troma, Class of Nuke 'Em High, lequel assumait une totale liberté de ton quitte à passer pour une bande totalement dégénérée. Dead End Drive-In demeurera sans doute comme une curiosité, exemple pas si commun de science-fiction post-apocalyptique originaire d'Australie, mais auquel j'eus personnellement bien du mal à adhérer...

 

mardi 23 avril 2024

Extra Sangsues ou Night of the Creeps de Fred Dekker (1986) - ★★★★★★☆☆☆☆

 


 

Le récit de Extra Sangsues ou Night of the Creeps retitré chez nous La nuit des sangsues débute en 1959 lorsque une capsule est expulsée d'un vaisseau spatial par un extraterrestre malintentionné en direction de notre planète. Au même moment, un jeune couple d'amoureux aperçoit l'objet s'écraser au sol. Tandis que l'homme prend la décision d'aller voir de quoi il s'agit, sa petite amie est tuée par un déséquilibré malgré l'alerte lancée sur les ondes radio. Arrivé à l'endroit précis où la capsule s'est écrasée, son compagnon est attaqué par une sangsue qui le pénètre par sa bouche... Vingt-sept ans passent et en 1986, le jeune Chris Romero (Jason Lively) et son meilleur ami J.C. (Steve Marshall) espèrent incorporer la fraternité Beta Epsilon que dirige l'un des étudiants les plus populaires de leur université. Pour cela, les deux garçons vont devoir prouver leur courage en volant un cadavre dans la morgue d'un laboratoire scientifique et en le déposant devant le bâtiment d'une fraternité rivale, la Phi Omega Gamma. Une fois à l'intérieur du complexe, Chris Romero et J.C. pénètrent une salle protégée par un code d'accès à l'intérieur de laquelle se trouve un corps cryogénisé qu'ils ont le malheur de libérer. Le corps en question est celui de l'homme qui vingt-sept ans auparavant fut attaqué par la sangsue. En le libérant, les deux étudiants vont provoquer une série de drames au sein même de l'université et de ses alentours. Épris de la jolie Cynthia Cronenberg (l'actrice Jill Whitlow), Chris va non seulement tenter de l'approcher mais également devoir combattre d'anciens camarades transformés en zombies et disséminant des dizaines de sangsues. Pour cela, il devra compter sur l'aide du Détective Ray Cameron (l'acteur Tom Atkins), flic qui il y a presque trente ans avait bien connu la jeune femme qui fut massacrée par le malade mental...


Écrit et réalisé par Fred Dekker, Extra Sangsues marque tout d'abord la passion de son auteur pour le cinéma fantastique à travers le nom des principaux protagonistes. Chris Romero, Cynthia Cronenberg ou Ray Cameron (et d'autres encore) renvoient donc logiquement à trois des plus grands réalisateurs dans le domaine puisque l'on peut y voir un hommage à George Romero, à David Cronenberg ainsi qu'à James Cameron. Concernant le second, celui-ci s'était déjà bien avant Fred Dekker penché sur une intrigue plus ou moins similaire à travers son troisième long-métrage Shivers dans lequel les habitants d'un complexe urbain étaient atteints par un mal étrange causé par la présence d'un parasite. Fred Dekker abandonne avec Extra Sangsues le concept d'expérience scientifique et médicale pour s'intéresser à une invasion extraterrestre de type Body Snatchers. Le réalisateur et scénariste place au centre de son tout premier long-métrage l'acteur Tom Atkins qui dans le domaine de l'horreur, de la science-fiction et du fantastique s'est fait un nom en apparaissant notamment chez John Carpenter avec Fog en 1981 et New York 1997 l'année suivante, chez George Romero avec Creepshow en 1982 ou encore chez William Lustig avec Maniac Cop en 1988. Dans le film de Fred Dekker, celui-ci incarne un flic alcoolique au comportement ambigu. Doté d'un budget de cinq millions de dollars, Extra Sangsues rend tout d'abord hommage au cinéma de science-fiction des années cinquante avant d'entrer de plain-pied dans les années quatre-vingt. Futur auteur de Robocop 3 (seconde séquelle du classique de la science-fiction signée par Paul Verhoeven), Fred Dekker signe un Teen-Movie mêlant science-fiction et horreur en convoquant des extraterrestres en forme de sangsues, lesquels vont très rapidement prendre possession de leurs victimes et apparaître à l'image sous la forme de zombies se déplaçant avec lenteur. Dans sa première partie, Extra Sangsues s'avère plutôt bavard et donc particulièrement mou. Fort heureusement, le rythme s'accélère par la suite. Concernant le département des effets-spéciaux, Howard Berger et l'équipe en charge des explosions de têtes et autres créatures luisantes s'en sortent plutôt bien au vu du maigre budget. Au final, le premier long-métrage de Fred Dekker n'est certes pas un chef-d’œuvre mais il peut encore aujourd'hui compter sur l'engouement de ses fans qui le considèrent comme un film culte...

 

mardi 16 avril 2024

Breathe de Stefon Bristol (2024) - ★★☆☆☆☆☆☆☆☆

 


 

Définitivement non... Breathe est le second long-métrage du réalisateur afro-américain Stefon Bristol après le très moyen See You Yesterday il y a cinq ans. Si je précise ses origines, c'est parce que le bonhomme, plus que le simple film de science-fiction que paraît être Breathe, intègre au récit un insidieux message Woke qui termine de convaincre que le film est tout sauf une bonne surprise. Déjà parce que le scénario ne fait preuve d'aucune espèce d'imagination. Il y a dix ans déjà, le réalisateur et scénariste américain Christian Cantamessa avait déjà évoqué le thème apocalyptique d'une planète Terre où l'air était déjà devenu irrespirable. Les mauvaises langues diront que dans le cas de Breathe celui-ci est carrément devenu absent de la surface de notre planète mais dans le fond, cette légère différence ne change pas grand chose. Stefon Bristol a bien raison de mettre en scène dans les deux principaux rôles deux interprètes qui comme lui sont d'origine afro-américaine. Mais sans doute aurions-nous apprécié davantage qu'il n'accentue pas outre mesure ce choix en invoquant les arts de la musique et de la littérature par le seul prisme d'artistes eux aussi de couleur. D'autant plus que lorsque intervient l'homme blanc dans la globalité que revét le terme, celui-ci fait figure d'antagoniste. Avec sa chevelure longue, crasseuse et son attitude plutôt inquiétante, le personnage de Lucas qu'incarne Sam Worthington est à l'exacte opposé du rôle qu'il interpréta notamment dans les deux premiers volets de la franchise Avatar de James Cameron. De héros, le voilà qu'il passe du côté obscure en interprétant l'agresseur. Mais il n'est pas le seul puisqu'à ses côtés l'on retrouve Milla Jovovich dont les faits d'arme ont tendance à inquiéter d'emblée quant aux éventuelles qualités de ce produit moulé pour les plates-formes de streaming.


Si l'on apprécie durant un temps l'attitude protectrice mais néanmoins très autoritaire de la mère de Zora (Quvenzhané Wallis) incarnée par Jennifer Hudson (qui joue donc le rôle de Maya), à moyen terme les valeurs s'inversent face au comportement de cette gamine qui malgré l'époque futuriste (la toute fin des années 2030) ne se distingue absolument pas des adolescentes de son âge qui vivent en 2024 si ce n'est sa propension à donner une image réductrice des adultes. Il est clair que si l'on s'en tient au discours de Stefon Bristol, rien n'aura vraiment changé à part le paysage puisque dans le monde qu'il décrit, plus aucune plante ne pousse à l'extérieur et que l'absence totale d'oxygène contraint hommes, femmes et enfants de vivre reclus dans des espaces confinés et aménagés où sont installés des générateurs d'oxygène ! En dehors d'un ou deux plans larges nous montrant un New-York en ruines, l'essentiel des effets-spéciaux se concentre à l'intérieur du bunker où se déroule l'intrigue. Un lieu construit par Darius, l'époux de Maya, qui au décès de son père part enterrer son corps à côté de celui de sa mère.... à l'astronomique distance de trois kilomètres. Ce qui inquiète son épouse, bien entendu. On peut douter du bien fondé concernant le bunker et ses installations bâties des seules mains de cet ingénieur assez fou pour sortir avec sur le dos le cadavre de son père, dans un monde sans doute hostile (la suite nous le prouvera) et sans oxygène. Pour le reste, Stefon Bristol tente vainement de nous convaincre avec son monde en totale déroute baigné d'une lumière en sépia perpétuelle d'un goût plutôt douteux. Le réalisateur et son scénariste éludent un point essentiel consistant à expliquer les raisons pour lesquelles le monde et notre civilisation sont tombés dans un tel chaos. Stefon Bristol a beau intégrer quelques séquences d'action, l'ennui s'installe pourtant relativement vite. On ne se passionne guère pour cette petite partie de l'humanité ayant survécu à une catastrophe et où chacun tente de trouver sa place. La caractérisation étant simplement survolée, on ne se passionne pas davantage pour le couple mère-fille ou pour ceux qui viennent s'emparer des lieux. Bref, Breathe n'est que l'une des nombreuses tentatives de science-fiction post-apocalyptiques ratées qui polluent le genre...

 

dimanche 18 février 2024

Animalia de Sofia Alaoui (2023) - ★★★★★★★★★☆

 


 

Il y a des cinéastes nés. Après seulement un long-métrage à son actif, la réalisatrice et scénariste franco-marocaine Sofia Alaoui semble avoir mis une bonne partie de la presse spécialisée d'accord. Sorti sur les écrans l'an passé le 9 août 2023, Animalia fait partie de ces œuvres rares qui ne peuvent laisser indifférent. Du moins lui accorderons-nous une certaine exigence. Il se peut même qu'une seconde projection, voire une troisième, soient nécessaire pour saisir toute la portée philosophico-religieuse de ce récit qui parle de Dieu, des hommes et théoriquement d'individus qui proviendraient d'ailleurs. C'est du moins ainsi que je saisissais le message une fois l'histoire achevée. Porté par la formidable et délicieuse Oumaima Barid qui avant cela interpréta le rôle de Fatima dans La vie me va bien d'Al Hadi Ulad-Mohand il y a trois ans, Animalia est une espèce d’énigme dans le fond et dans la forme. En filmant d'abord l'intérieur d'une riche famille marocaine et en poursuivant l'aventure au cœur de paysages d'une sidérante beauté, le long-métrage évoque ce que l'homme bâtit de ses propres mains face la création de Dieu. L'un et l'autre se rejoignent et fondent un univers d'une majestueuse beauté à laquelle le film de Sofia Alaoui ajoute un talent indéniable pour le cadrage, les éclairages et les environnements. La photographie de Noé Bach met en lumière un Maroc aux richesses multiples. Un pays qui tout comme à l'échelle de notre planète est en proie à un événement extraordinaire. Plutôt que de traiter le récit sous l'angle exclusif d'une hypothétique fin du monde annoncée où les peuples sont concentrés dans des lieux sécurisés par l'armée, dans le cas de Animalia, les croyances de tout un peuple sont reléguées par les médias et les Mosquées deviennent ainsi les seuls lieux de refuge aptes à protéger la population. Notons également la présence de quelques animaux qui dans le Coran sont cités non pas en tant que catégories mais en tant qu'espèces et même plus à proprement parler, en tant qu'individus.


C'est ainsi que sont représentés à l'écran la fourmi, la huppe ou diverses catégories de chiens. Certains s'agitent telle l'annonce d'un événement d'ampleur cataclysmique quand d'autres apparaissent comme une forme d'alerte entrant directement en contact avec certains habitants de la région. Au cœur de ce récit où se mêlent drame et science-fiction, Itto (Oumaïma Barid) illumine le récit. La fragilité de son personnage liée à la naissance toute prochaine de l'enfant qu'elle porte souligne le danger auquel elle va être confrontée. Cet univers majoritairement masculin, soupçonneux, où le statut de la femme demeure précaire quelle que soit la situation, même dans ce lieu de culte où rejoindre son époux se transforme en périple. Cultivant une certaine ambiguïté quant aux origines de celui qu'il est interdit de représenter, Sofia Alaoui ose décrire l'impensable en lui offrant une identité visuelle à travers ces entités qui semblent se cacher derrière cette brume fantastique qui s'élève dans le ciel et à laquelle notre héroïne finira par se raccrocher lors d'une séquence absolument bouleversante. Derrière la beauté des paysages, la dureté de certains regards, la folie qui s'empare de ce vieux fou persuadé que ses bêtes sont possédées, ces réunions nocturnes et canines, la vision déconcertante et vertigineuse qui guide l'héroïne mais aussi ces deux compagnons de routes qui accompagnent un temps la jeune femme, Animalia conditionne le spectateur et l'invite à un voyage inhabituel dans des espaces d'une remarquable beauté ou dans de minuscules bourgades anxiogènes où la place de la femme est ainsi décrite comme l'occidental l'imagine en général. Bref, avec son premier long-métrage qui en outre remporta le prix du jury au festival de Sundance, Sofia Alaoui nous terrasse, nous éblouie, nous subjugue. Quant à sa principale interprète, nous lui souhaitons une belle et longue carrière au cinéma...

 

LinkWithin

Related Posts Plugin for WordPress, Blogger...