dimanche 12 janvier 2025

Invasion (saison 1) de Simon Kinberg et David Weil (2021) - ★★★★★★★★★☆

 



Alors que la troisième saison est prévue pour cette année, la série de Simon Kinberg et David Weil Invasion est à l'origine une commande de la plateforme de streaming en continu Apple TV+ qui sollicita alors auprès des deux hommes la création d'une série de science-fiction en dix épisodes. Laquelle sera diffusée pour la première fois dès le 22 octobre 2021. Côté mise en scène, la tâche est confiée à plusieurs réalisateurs dont Amanda Marsalis ou Brad Anderson, auteur notamment des géniaux Happy Accidents en 2000, Session 9 en 2001 et The Machinist en 2004. Dans cette série de science-fiction nous contant les aventures d'une poignée d'humains confrontés à d'indicibles créatures venues de l'espace, l'un des principaux atouts demeure justement de ne pas avoir concentré son récit autour d'un unique personnage ou d'avoir situé l'action sur un territoire unique. En effet, Invasion s'intéresse à quatre d'entre eux. L'on découvre ainsi tout d'abord les visages d'Aneesha Malik (l'actrice franco-iranienne Golshifteh Farahani), de Mitsuki Yamato (la nippo-australienne Shioli Kutsuna), de Trevante Cole (le canadien Shamier Anderson) et du jeune Capsar Morrow (le britannique Billy Barrat). La première est immigrée d'origine moyen-orientale, mère de deux enfants et épouse de Ahmed (Firas Nassar). Aneesha découvre bientôt que ce dernier la trompe avec une influenceuse. La seconde est la compagne d'une astronaute qui lors d'une mission spatiale en partie organisée par la JASA pour laquelle elle travaille elle-même (l'équivalent au Japon de la NASA) a perdu la vie lors d'une collision survenue en orbite autour de la Terre. Le troisième, lui, est un soldat de l'armée américaine envoyé en Afghanistan qui va perdre ses compagnons lors d'une attaque survenue en plein désert. Quant au dernier, victime en outre de harcèlement à son école, le jeune garçon et une quinzaine de ses camarades vont être celles d'un grave accident qui causera la mort de leur accompagnateur lors d'une sortie scolaire.


Tous ces personnages qui n'ont rien en commun si ce n'est de vivre sur la même planète mais dans des régions très éloignées les unes des autres vont avoir en commun de vivre la plus terrifiante expérience de leur vie. Le soucis avec lequel les scénaristes (une dizaine environ) ont caractérisé chacun de ces principaux protagonistes est en contrepartie ce qui semble avoir causé des désagréments chez certains des téléspectateurs. En effet, lors de cette première saison d'Invasion, le but principal semble être moins de proposer un spectacle pyrotechnique doté d'effets-spéciaux numériques dernier cri que de s'intéresser au plus près de cette poignée de héros qui, on le devine, seront au centre de cette invasion extraterrestre des plus hostile. D'un autre côté, c'est sans doute justement cette approche très précisément axée sur la personnalité des protagonistes, sur leur quotidien précédant les premiers indices laissant supposer l'intervention d'une espèce venant d'un autre système solaire qui fait la très grande force de cette première saison. Ce que certains nomment par ''ennui'' est de fait l'aveu des auteurs de la série d'un amour pour leur ''bébé''. Une manière comme une autre de démontrer que Invasion ne sera pas que le pur produit des desiderata d'une production qui veut engranger de l'argent coûte que coûte. Les scénaristes construisent donc tout d'abord le récit autour des personnages principaux et de leurs proches plutôt que de nous asséner directement la vision de créatures belliqueuses dont l'apparence nous laisse malgré tout espérer qu'elles ne sont pas les seules impliquées dans l'invasion.


C'est ainsi qu'Aneesha et sa famille y sont décrits comme des immigrés qui malgré les apparences ne sont pas parfaitement intégrés. La présence de Mitsuki Yamato au sein du récit et la relation qu'elle entretient avec son amante, l'astronaute Hinata Murai qu'incarne l'actrice japonaise Rinko Kikuchi évoque le difficile statut des homosexuels au Japon, pays où notamment, le mariage entre personnes du même sexe est toujours interdit. Trevante Cole, lui, est déchiré entre son envie de retrouver celle qu'il aime mais qui veut le quitter et le désir de retrouver ses compagnons d'arme disparus. Quant à Caspar, lui et ses camarades évoluent dans un contexte social difficile qui maintient certaines tensions entre personnes de même milieu (sa confrontation permanente avec la petite frappe Montgomery Cuttermill qu'interprète le jeune acteur américain Paddy Holland). Le fait de principalement concentrer le récit autour de ces quelques personnages permet à la série, contrairement à ce que prétendent certains, d'être parfaitement rythmée. Et si l'action n'est pas de prime abord le soucis majeur de ses auteurs, le suspens et la lente évolution du thème de l'invasion extraterrestre font d'Invasion une série redoutablement efficace. S'il est vrai que l'on ne voit pas précisément où sont passés les deux-cent millions de budget (les effets-spéciaux demeurant pour l'instant plutôt discrets), les auteurs de la série ont d'abord su créer leur propre univers. Entre science(-fiction), anthropologie et drame, Invasion fut reconduite pour une seconde saison deux ans plus tard, en 2023. Notons enfin la superbe partition musicale de Max Richter qui nimbe cette première saison d'une atmosphère véritablement envoûtante. C'est donc en toute logique que devrait arriver cette année sur nos écrans la troisième, que l'on espère aussi brillante que celle-ci...

mercredi 1 janvier 2025

Omni Loop de Bernardo Britto (2024) - ★★★★★★★☆☆☆

 


 

Space-opera, Dystopies, Uchronies, Cyberpunk, Post-Apocalypse, Guerres intergalactiques, Voyages dans le temps... La science-fiction est d'un point de vue littéraire et cinématographique, un vaste champ d'expérimentations qui permet à tout à chacun de trouver son bonheur sans pour autant que les amateurs de l'un ou l'autre de ses sous-genres ne donnent du coude à leurs voisins. Concernant le Voyage dans le temps, celui-ci se définie parfois lui-même en sous catégories. Du simple fait de voyager dans le passé ou dans le futur en passant par certains phénomènes comme les boucles ou les paradoxes temporels. Si la récurrence de cette dernière est quasiment systématique et agit de la même manière que l'effet papillon (lequel consiste en une succession d'événements perturbés par une action provoquée antérieurement), les boucles temporelles lui apportent majoritairement matière à modifier le futur à travers des actions se produisant dans le passé. L'un des plus remarquables exemples de ce que l'on nomme ''Boucle de causalité'' ou ''Paradoxe de l'écrivain'' demeure le formidable Prédestination des frères Michael et Peter Spierig sorti en 2014. Plus connu et sans doute beaucoup plus ludique en ce sens où les phénomènes qui s'y produisent sont parfaitement simples à comprendre, l'on retiendra également le génial Un jour sans fin de Harold Ramis qui lui vit le jour en 1993. Une approche du genre beaucoup plus ''Familiale'' que l'on conseillera donc en priorité à toutes celles et ceux qui voudraient pour la première fois de leur existence se pencher sur ce genre véritablement passionnant. Le voyage dans le temps et les boucles temporelles connaissant depuis un certain nombre d'années une recrudescence au cinéma et à la télévision (et pas une ''recrue d'essence'' comme il m'est déjà arrivé de l'écrire, sic!), le regain d'intérêt du public vis à vis d'un sujet qui, sans mauvais jeu de mots, à tendance à tourner en rond, donne parfois naissance à des œuvres tout à fait inattendues. À l'image de l'un de ses tout derniers représentants, intitulé Omni Loop, et dans lequel, le réalisateur et scénariste brésilien Bernardo Britto offre une très intéressante alternative à la grosse machinerie américaine. S'il s'agit là encore d'évoquer le Voyage dans le temps ainsi que les Boucles temporelles, celui-ci les envisage d'une toute autre façon.


La partition musicale analogique de la compositrice américaine Kaitlyn Aurelia Smith participe à merveille à l’émulsion entre les personnages, le récit et le sujet des Boucles temporelles...


Phénomène souvent incontrôlé auxquels les protagonistes des récits tentent généralement d'échapper, l'héroïne ici incarnée par la formidable Mary-Louise Parker reproduit la ''séquence'' de manière indéfinie afin de résoudre l'une des questions fondamentales qui se posent lorsque l'opportunité de revenir en arrière pour changer certains faits se présente. Un désir ouvertement prononcé par Zoya Lowe, l'héroïne en question, mais également une contrainte forcée puisque cette quinquagénaire se sait condamnée à mourir dans cinq jours. Cinq pas plus. Et autant de journées qu'elle revit, inlassablement, en avalant une étrange gélule qui la fait donc revenir dans un tout récent passé. Ancienne physicienne, Zoya a travaillé il y a longtemps sur cette étrange gélule dont elle avait découvert une boite à moitié remplie dans le jardin familial alors qu'elle n'était encore qu'une adolescente. Découvrant lors de son premier usage le pouvoir de celle-ci, elle en usa lors de ses ''brillantes'' études lui ouvrant par la suite les portes d'une grande entreprises de recherches scientifiques. Ici, le temps est une monnaie dont le prix n'est pas négociable. À moins que Zoya ne parvienne à déterminer la composition de la gélule afin que le voyage de cinq jours se transforme en mois et pourquoi pas, en années. Elle va pour cela demander de l'aide à Paula (excellente Ayo Edebiri), une jeune étudiante en sciences qu'elle va tout d'abord tenter de convaincre de l'existence de cette boucle temporelle dans laquelle elle s'est enfermée afin que la jeune femme l'aide à résoudre l'épineux problème de cette gélule qui restreint le voyage dans le passé à cinq jours... Plus qu'une œuvre de science-fiction, Omni Loop est un drame très touchant, évoquant la famille et renvoyant donc le genre à certaines de ses fondations : tout reprendre depuis le début afin de modifier certains événements. Comme ici, les rapports de Zoya vis à vis de sa fille Jayne (Hannah Pearl Utt) qu'elle a quelque peu délaissée au profit de son métier. Le duo formé par Mary-Louise Parker et Ayo Edebiri est très touchant. Au fil de l'épreuve qu'elles vivront ensemble, leur relation deviendra presque celui d'une mère et de sa fille. Dénué de tout effet-spécial ou presque (''l'évaporation'' de Zoya ou ce trou noir qui la ronge), Omni Loop est une grande réussite, toute en émotion et en sensibilité. Parfois intimiste sans jamais être rébarbatif mais aussi très ludique dans la forme que prend le montage du récit. L'on notera en outre la présence inattendue de l'acteur Harris Yulin dans le rôle du professeur Duselberg. Bref, Bernardo Britto réussit le pari de mêler drame et science-fiction. Une brillante démonstration portée par l'émouvante interprétation de ses deux principales protagonistes...

 

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